Charles Pennequin, du vivant extrêmophile au devenir des poètes-poissons
Charles Pennequin est un poète au sens intégral du terme. Ce qui veut dire qu'il se saisit de la parole, vivante, pour créer une poésie, vivante.
Mais qu'est-ce que c'est la poésie vivante ? C'est une poésie qui vit dans et par la rencontre, l'élaboration d'un sens partagé avec ses destinataires. En ce sens, les performances de Charles Pennequin sont uniques. Elles sont filmées, enregistrées sur support vidéo ou sur bande son. Il y convoque la parole, dans une oralité sans cesse mise en demeure de renouveler le texte grâce aux répétitions des mots, aux jeux avec le langage, et à cette fusion opérée entre le son et un sens qui s'élabore grâce et avec ce travail sur la parole en action. Vers la fin des années quatre-vingt-dix, il commence à travailler l'improvisation à partir de l'usage de dictaphones, sur lesquels il s'enregistre en direct, puis qu'il rediffuse en public. Cette question de l'improvisation est incontournable de la démarche du poète car elle correspond à la question même du langage, à son rythme et à son enchaînement, qui sont garants d'une possible émergence de ce que les mots recèlent d'inconnu pour le locuteur lui-même, mais aussi, grâce au partage, pour les destinataires.
Jean-François Pauvros, Charles Pennequin. Droit au mur, suivi de Causer la France et de Cette femme est morte, tous les trois morceaux sont inédits. Guy Niole.
Cette mise en acte du langage est inédite, et son objectif aussi : libérer la langue du poids des inconscients et offrir aux mots une amplitude sémantique débarrassée de toutes les scories qui y sont inscrites, qu'elles soient engrammées dans chaque individu ou bien dans l'inconscient collectif. La liberté réside là, dans ce travail de nettoyage, qui s'effectue seul ou avec le public, dans le partage, vecteur de déploiement sémantique qui ouvre aussi le mot à des potentialités inédites, et à sa « vivance ».
Il a accepté de répondre aux questions de Recours au poème, et d'évoquer ce qu'est pour lui écrire, la poésie, et son dernier livre paru chez POL, Dehors Jésus. Jésus est avant tout, pour Charles Pennequin, un poète. Peut-être parce qu'il énonce un Verbe créateur, peut-être parce que ses paroles on le pouvoir de façonner le réel, qu'elles sont préexistantes à l'édification d'un monde que Charles Pennequin refuse d'énoncer sans tenter d'agir pour le changer. Dans une dialectique incessante entre personnages et éléments biographiques, l'auteur interroge ce pouvoir de la parole. « Jésus, c’est aussi la main de Charles Péguy, le devenir des poètes-poissons, et des solutions pour le « vivant extrêmophile ».
Nous sommes des chiens – Charles Pennequin & Cécile Duval. Poésie-performance, le vendredi 5 décembre 2014 à la Maison de la Poésie. Performance proposée dans le cadre du cycle « Écrivains en résidences Région Île-de-France ».
Gesticulations dans les villes, ici Douarnenez, pour improviser autour de Dehors Jésus paru chez POL en 2022.
Au marché (de Lille-Wazemmes), 7 novembre 2008, improvisations parlées et écrites.
videos faites à Lille en 2005-2006 (en 3GP, format de l'époque pour les téléphones portables).
Lecture filmée par Camille Escudero ; lecture d'un texte extrait de Dehors Jésus (P.O.L 2022).
Charles Pennequin, Dehors Jésus, P.O.L.,
2022, 352 pages, 20 €
https://www.pol-editeur.com/index.php?spec=livre&ISBN=978-2-8180-5344-7
Lecture- Performance de Charles Pennequin avec Jean-François Pauvros et lecture finale par Camille Escudero à l'occasion de la sortie chez P.O.L de Dehors Jésus. Le Monte en l'air.