Christian Degoutte, Le tour du lac
Poèmes en prose, nouvelles… les genres aujourd’hui sont souvent poreux. Il s’agit ici plutôt d’un court roman orchestré en trois récits situés dans trois lieux différents (un cimetière, un hôpital, un vieux château) dont le lecteur doit retrouver les liens afin de reconstruire l’histoire.
Un conseil : il est préférable de lire ces trois récits dans la foulée comme on fait le tour du lac en question et même, le premier tour fait, de les relire pour en saisir toute la portée.
La proximité de deux tombes dans le cimetière ouvre le triptyque. D’histoire en histoire (« Le tour du lac, Sous les marronniers, Le portillon de fer »), on remonte le temps, on s’enfonce plus profond dans le passé des trois personnages : l’homme à la chemise rouge, le narrateur et sa femme Lili. Avec les arrière-plans de chacun qui creusent d’autant la perspective.
Difficile de développer l’intrigue sans détruire ce qui fait la subtilité de la narration. Seulement dire que la phrase-clé « On est fait de ce qu’on nous a fait », énoncée dès le début, permet de sonder les abîmes où se trouvent, à des degrés divers, plongés les protagonistes, de la simple culpabilité à la mémoire traumatique fossilisée qui empêche de vivre
Christian Degoutte, Le tour du lac, éditions Rhubarbe, août 2019, 62 pages, 8 euros. Œuvre de couverture : "Nautiles et ammonites" de Catherine Chanteloube.
En contrepoint passe un visage d’innocence, la fille du narrateur, tenue à l’écart des turpitudes de ses parents. D’où sans doute le choix de l’œuvre de couverture, une installation de l’artiste Catherine Chanteloube.
Christian Degoutte, dont nous connaissons par ailleurs le parcours poétique, signe là une œuvre courte mais dense sur un sujet fort, actuel, délicat à traiter. En cela réside la poésie de son écriture. Une réussite en tous points.