Christian Monginot, Le miroir des solitudes
Le miroir des solitudes est rigoureusement construit. : trois parties intitulées Nigredo, Albedo et Rubedo regroupant exclusivement des poèmes du même modèle, cinq huitains de vers libres. Ces trois mots intriguent et obligent le lecteur à consulter le dictionnaire, ils désignent les trois étapes du magnum opus (ou grand œuvre) en alchimie. Le titre de chaque poème est une citation en italien (Dante…) ou en français de poètes (Rimbaud, Apollinaire, Baudelaire…) ou traduit en français (Rilke…). La seule "irrégularité" dans cette composition est le nombre de poèmes par section, respectivement et dans l'ordre : 45, 36 et 33… Le recueil des poèmes est suivi d'une prose de Christian Monginot expliquant sa démarche.
Que retenir de cela ? Un détour s'impose par les origines de Christian Monginot, à la fois française et italienne. Né en France, il baigne donc dans un milieu linguistique double, d'où les titres des poèmes. Le miroir des solitudes semble donc avoir été écrit en écho à La Divine comédie de Dante, puisqu'à chacune des trois parties du livre correspondent l'Enfer, le Purgatoire et le Paradis. Il y a une correspondance entre l'alchimie (les trois étapes du Grand Œuvre) et les trois parties de La Divine comédie. Qu'est donc ici ce grand œuvre ? À titre d'hypothèse on pourrait avancer, au vu des origines de Christian Monginot et de leur influence sur Le Miroir des solitudes, qu'il s'agit là d'une lente conquête de l'écriture poétique. Métaphoriquement, Christian Monginot passe de l'enfer que représenterait l'appartenance à deux langues (la paternelle et la maternelle) avec toutes les conséquences qui en découlent lors de la scolarité au paradis que représenterait la synthèse dialectique d'une écriture poétique conquise et maîtrisée par le travail et telle qu'on peut la lire dans Le miroir des solitudes. Récit donc, à la fois autobiographique et poétique.
Si la quatrième de couverture du recueil affirme que Le miroir des solitudes fait "écho au livre matriciel de la langue italienne, La Divine comédie de Dante", si l'auteur, dans Les marcheurs du silence, note que la référence à l'alchimie veut signifier la volonté de "naître et renaître sans fin à l'or humain ou divin de l'amour et du sens", le lecteur pourra être sensible à la polyphonie de cette écriture singulière. C'est ainsi que l'on peut lire (p 34) ces vers "La pierre alchimique du cruel bonheur d'aller, / Mais vers quel or ? Quelle présence ? / Ou quelle absence ?" qui annoncent cette référence et cette remarque ou ceux-ci (p 256) : "Tu laisseras, bien sûr, à la lumière le soin du dernier mot, / Et à l'amour celui d'ouvrir les vannes de la nuit…" Qu'annoncent les points de suspension qui terminent le dernier poème ? Quel nouveau livre ?