Christine Guénanten, Féerique fougère
Fidèle à elle-même. Fidèle à une écriture qui dit le monde dans sa simplicité et sa beauté. La Bretonne Christine Guénanten célèbre les fleurs, les nuages et les papillons. Et beaucoup d’autres choses. Sans oublier cette « féerique fougère » qui donne le titre à son nouveau recueil. De bout en bout, c’est un don d’émerveillement que sa plume rend contagieux.
« Grandes prairies traversées de ruisseaux,/Je vous aime ». Christine Guénanten sait faire feu de tout (petit) bois. Le plus minuscule, le plus anodin, a droit de cité dans ses livres. Elle anoblit les gens, les choses, la nature. Francis Jammes n’est jamais loin, celui qui écrivait « Ecoute dans le jardin qui sent le cerfeuil, chanter, sur le pêcher, le bouvreuil ». François d’Assise rôde aussi dans ses textes. Voici donc, dans nos mains, un nouveau Cantique des créatures où la poète convoque aussi bien le « chien châtaigne » que la féerique fougère. « S’enraciner à sa vie/Par son odeur forestière./Osmonde royale ». Elle convoque aussi « la petite neige », « les petites rivières » et les myosotis dont « les yeux s’émerveillent ».
Cette approche sensorielle du monde, que sa plume restitue par une juste musique, n’est possible que par cette « attention soutenue » dont parlait le poète Czeslaw Milosz. Lisant Christine Guénanten, on pense aussi à ce qu’écrivait Henry-David Thoreau : « Poète serait celui dont les mots sont aussi frais que les bourgeons à l’entrée du printemps ».
Cette fraîcheur, ce regard lavé, cette aptitude à la contemplation ne concernent pas que la nature. Christine Guénanten nous parle des « gens modestes » avec la même empathie. A commencer par sa mère (« Tout s’éclairait en or/Grâce à ses mains »). Ailleurs, elle loue « le brave charbonnier », « le prince apiculteur » et « les élégantes modistes ».
Christine Guénanten, Féerique fougère, Des Sources et des Livres, 98 pages, 14 euros.
Mots « pauvres » pour mieux dénoncer « un monde bruyant » et pour « encercler la peur ». Pour faire aussi le constat du désastre écologique. « Terre,/Tu ne peux plus te taire,/Qu’avons-nous fait/de tes forêts,/tes ruisseaux,/tes animaux ? ».
Car Christine Guénanten n’est pas dupe. Il y a « Tant de pièges posés/De-ci, de-là à l’humanité ». Il convient, écrit-elle, de « s‘opposer aux modes/D’un monde numérique » et faire front à « la bêtise programmée », notamment sur les écrans. Elle n’hésite pas à noircir le tableau en parlant de nos « maux misérables », de nos « vies assombries ». Inlassablement, elle appelle la nature à l’aide. « Si les voix des humains/Se changent en couteaux,/Au cercle des jonquilles/Tout se métamorphose/En dialogue amoureux.//Mots-lilas, mimosas, Giroflées/jour et nuit au jardin/Le bonheur nous attend ».On est prêt à la croire et à la suivre.