Christophe Mahy, La flamme du seul
Le poète, face au poème face au monde ; le poète qui regarde, observe, cherche où est sa place, entre le poème et le monde.
Quête qui le happe au matin, quand le réveil du corps est le début du sommeil de l'être. "Chaque jour l'aube est là / mortelle ou féconde / ciel brisé / sur la page / où je m'enfuis // de moi."
Quête où les mots ne brillent pas vraiment, réellement, mais éclairent cette part d'absence de lumière, de cette ombre de soi avalant tout, tous. "De ces rayons / qui passent / la vitre pâle / je tire quelques mots / dont la lumière // n'est qu'une ombre."
Et la vie qui existe, son rythme alentour, frénétique, comme un tremblement de taire... quelque chose voudrait être dit, mais se perd dans le flou du vivre. "Sous la rumeur / des pensées et du monde / que le poème / parle ou se taise / je cherche encore / ce grand silence // ici présent."
Le jour se répète... refrain ou itération, mélodie du vide ou chant du plein ? Ou plus simplement, l'évidence du temps ?... aussi importante qu'inutile. "Encore une aube / qui nous parle du monde / tel qu'il est / et qui n'est rien / de ce qu'on en pense / ni splendeur ni abîme // mais simplement cela. "
Le poète qui, perdu, ou pas loin, confond lui-même avec le poème, le poème avec le réel, le réel avec le rêve. "Ne sachant / qui je suis / je peux être rocher / divisant les flots / ou nuage reflétant / l'oiseau / je peux même // être poème ou pas. "
Car, au fond, le poème n'est qu'un des surnoms du jour, pas son prénom, encore moins son nom. Il ne désigne qu'un passage, un souffle. On peut, en respirant l'évidence du temps, de la nature, de l'homme, s'en passer, sans qu'un drame persiste, celui du manque indicible qu'on voudrait écrire, sans trop savoir pourquoi."Sous le ciel / l'herbe des talus / mon pas sur les routes / au hasard / de moi-même / alors / oubliés les livres / pour ne rien savoir d'autre // que vivre suffit pour vivre."
Et le poète de conclure que le poème est en soi, qu'il soit écrit ou pas. Comme l'homme est en l'humanité, en la nature, qu'il en soit conscient ou non. Est libre, alors, celui acceptant cet enfermement de l'appartenance au Tout, cette solitude du Rien n'existant pas vraiment. "La mer au matin / se retire / de la fenêtre / et me laisse seul / regarder / partir ma vie / sur les chemins / libre enfin / des autres / et de moi-même."