Chronique du veilleur (11) – Anise Koltz, Galaxies intérieures

Par |2018-01-07T12:28:13+01:00 6 janvier 2014|Catégories : Anise Koltz, Essais & Chroniques|Mots-clés : |

Anise Koltz est née en 1928 au Lux­em­bourg. Elle a pub­lié ses pre­miers livres de poèmes en langue alle­mande à par­tir de 1960. Les français ont pu décou­vrir un pre­mier vol­ume dès 1966, dans une tra­duc­tion d’Andrée Sodenkamp, chez Seghers, Le cirque du soleil. Dans les années 80, elle a pro­gres­sive­ment aban­don­né la langue alle­mande pour écrire en français. Depuis 2007, les édi­tions Arfuyen ont pub­lié 5 livres, le dernier paru étant Galax­ies intérieures.

« Entre vie et mort / il y a peu d’espace », écrit-elle, et toute l’œuvre, d’une remar­quable homogénéité, illus­tre cette affir­ma­tion essen­tielle. Dans des poèmes dont elle s’applique à ser­tir le silence de mots et de phras­es qui le respectent comme une réal­ité sacrée, Anise Koltz ne cesse de s’interroger devant nous sur l’invisible qui la « pour­suit », l’éternité qui l’attend, le monde qui change « sans chang­er ». La parole touche aux réal­ités les plus vastes :

Je vis dans la fraternité
des astres

Il n’y a qu’aux solitaires
que l’univers
ouvre ses portes

Anise Koltz, Galax­ies intérieures, Arfuyen, 2013, 110 pages, 10 euros

Ces réal­ités appa­rais­sent par­fois dans une ambiva­lence mys­térieuse. Ain­si, la vie et  la mort :

La mort
est la force
qui me fait vivre

Qui me fera retourner
à mon image de glaise

Visions de la vieil­lesse qui s’entourent d’images de terre, de chemins, d’ombres, de siè­cles entassés…

Mon âge m’alourdit
ma mémoire est périmée

Je me regarde
regarder
les paysages empilés
sous mes paupières

Même les images du déluge « tapis­sent encore notre mémoire. » Ce n’est pas la sagesse ni l’expérience qui façon­nent le poète, mais une inquié­tude sans cesse ravivée, qui n’altère pas les forces de l’esprit, mais qui , au con­traire, sem­ble les décu­pler. Anise Koltz s’observe face à la page que le poème va rem­plir : paroles « sus­pendues » où le poète « renou­velle » son image « con­tin­uelle­ment », lan­gage qui trav­es­tit le réel, recou­vre la vérité. Ce sont « des orbites de paroles », cha­cune « alour­die » par l’univers, retrou­vant d’autres paroles anci­ennes, si sem­blables finalement.

Chaque poème
que j’écris
existe depuis toujours

Voy­ageant avec la lumière
je le capte

Le faisant vibrer
avec les herbes du champ

« Et men­tant / je dis la vérité », écrivait-elle dans Soleils chauves. La poésie sans con­ces­sions d’Anise Koltz cir­cule entre déchiffrable et indéchiffrable. Elle exprime en cela, par­fois jusqu’à l’angoisse, toute la con­di­tion du poète contemporain.

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Gérard Bocholier

Gérard Bocholi­er est né le 8 sep­tem­bre 1947 à Cler­mont-Fer­rand (France). Il a fait ses études sec­ondaires et supérieures dans cette ville, y a ensuite enseigné la lit­téra­ture française et les let­tres clas­siques en classe de let­tres supérieures. Orig­i­naire d’une famille de vignerons de la plaine de Limagne, il est franc-com­tois par sa famille mater­nelle, à la fron­tière du pays de Vaud en Suisse. Il a passé son enfance et sa jeunesse dans le vil­lage pater­nel de Mon­ton, au sud de Cler­mont-Fer­rand, que les poèmes en prose du Vil­lage et les ombresévo­quent avec ses habi­tants. La lec­ture de Pierre Reverdy, à qui il con­sacre un essai en 1984, Pierre Reverdy lephare obscur,déter­mine en grande par­tie sa voca­tion de poète. En 1971, Mar­cel Arland, directeur de la NRF, lui remet à Paris le prix Paul Valéry, réservé à un jeune poète étu­di­ant.  Son pre­mier grand livre, L’Ordre du silence, est pub­lié en 1975.  En 1976, il par­ticipe à la fon­da­tion de la revue de poésieArpa, avec d’autres poètes auvergnats et bour­bon­nais, dont Pierre Delisle, qui fut un de ses plus proches amis. D’autres ren­con­tres éclairent sa route : celle de Jean Gros­jean à la NRF, puis celle de Jacques Réda, qui lui con­fie une chronique régulière de poésie dans les pages de la célèbre revue à par­tir des années 90, mais aus­si l’amitié affectueuse du poète de Suisse romande, Anne Per­ri­er, dont il pré­face les œuvres com­plètes en 1996. Son activ­ité de cri­tique de poésie ne cesse de se dévelop­per au fil des années, il col­la­bore  au fil des années à de nom­breuses revues, notam­ment à la Revue de Belles Let­tresde Genève, au Nou­veau Recueil, et surtout à Arpa,dont il assure la direc­tion dès 1984. Il donne actuelle­ment des poèmes à Thau­ma,Nunc,Le Jour­naldes poètes. Cer­tains de ses arti­cles sont réu­nis dans le vol­ume Les ombrages fab­uleux,en 2003. A par­tir de 2009, un an avant sa retraite, il se con­sacre prin­ci­pale­ment à l’écriture de psaumes, pub­liés par Ad Solem. Le pre­mier vol­ume est pré­facé par Jean-Pierre Lemaire, son ami proche. Le deux­ième s’ouvre sur un envoi de Philippe Jac­cot­tet. Son essai Le poème exer­ci­ce spir­ituelexplique et illus­tre cette démarche. Il prend la respon­s­abil­ité d’une rubrique de poésie dans l’hebdomadaire La Vieet tient une chronique de lec­tures, « Chronique du veilleur »,  à par­tir de 2012 sur le site inter­net :Recours aupoème. De nom­breux prix lui ont été attribués : Voron­ca (1978), Louis Guil­laume (1987), le Grand Prix de poésie pour la jeunesse en 1991, le prix Paul Ver­laine  de la Mai­son de poésie en 1994, le prix Louise Labé en 2011. L’Académie Française lui a décerné le prix François Cop­pée pourPsaumes de l’espérance en 2013. Son jour­nal intime, Les nuages de l’âme, paraît en 2016, regroupant des frag­ments des années 1996 à 2016. Par­mi ses pub­li­ca­tions poé­tiques récentes : Abîmes cachés(2010) ; Psaumes du bel amour(2010) ; Belles saisons obscures(2012) ; Psaumes de l’espérance(2012) ; Le Vil­lageemporté (2013) ; Pas­sant (2014) ; Les Etreintes invis­i­bles (2016) ; Nuits (2016) ; Tisons(2018) ; Un chardon de bleu pur(2018) ; Depuis tou­jours le chant(2019) A paraître : Ain­si par­lait Georges Bernanos(Arfuyen) ; Psaumes de la Foi vive (Ad Solem) ; J’appelle depuis l’enfance (La Coopéra­tive). En 2019 parais­sent Ain­si par­lait G.Bernanos, Psaumes de la foi vive, Depuis tou­jours le chant ; en 2020 J’ap­pelle depuis l’en­fance (La Coopéra­tive) et Une brûlante usure (Le Silence qui roule), Vers le Vis­age (Le Silence qui roule, 2023) et Cette allée qui s’ef­face (Arfuyen, 2024)

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