Chronique du veilleur (13) – Josette Ségura, Dans la main du jour

Par |2018-01-07T11:35:17+01:00 29 mars 2014|Catégories : Essais & Chroniques, Josette Ségura|Mots-clés : |

Depuis longtemps, la poésie dite « du quo­ti­di­en » s’écrit et se dif­fuse, avec ses qual­ités et ses défauts. J’ai ten­dance à être surtout irrité par ses nom­breux défauts : facil­ité, plat­i­tude, tics de lan­gage, etc. Mais il est des excep­tions remar­quables, le nou­veau livre de Josette Ségu­ra en est une, à l’évidence.

Josette Ségu­ra dédie ce livre à Gas­ton Puel, récem­ment dis­paru, qui lui écrivait : « N’oubliez pas que le quo­ti­di­en mérite un tra­vail de lan­gage –comme tout poème- et qu’il est la pré­pa­ra­tion, le nid du poé­tique. » Dans la main du jour  réus­sit par­faite­ment à nous charmer, parce que ce « tra­vail de lan­gage » a eu lieu, opéré par un vrai poète, comme il en est peu.

Réus­site totale, parce que Josette Ségu­ra sait voir ce qui pour­rait paraître à bien d’autres pau­vre et banal, voir dans la belle clarté de l’invisible. Chaque ren­con­tre, chaque marche dans la nature, chaque heure de rêver­ie dans un paysage aimé, sont occa­sions pour elle d’émerveillements, et d’actions de grâce. « Une journée faite de trois fois rien » se révèle alors une aubaine ines­timable, Et l’écriture poé­tique dit cette aubaine d’une manière si juste, si généreuse­ment proche du lecteur, que l’on se sent choisi pour recevoir un trésor.

Josette Ségura, Dans la main du jour, Editinter, 86 pages, 14 euros

Josette Ségu­ra, Dans la main du jour, Edit­in­ter, 86 pages, 14 euros

Après le plateau,
nous voilà sur la route des Baronnies,
l’ensoleillement est tel,
la douceur de l’air,
qu’une trêve est offerte,
nous mar­chons dans la beauté…

On s’imagine alors marcher avec le poète, s’asseoir avec elle à la table de l’auberge, not­er la sen­sa­tion fugi­tive, pour ne pas la per­dre, pour en faire un poème qui cir­culera comme un mes­sage d’amour. Car « tout est à not­er / sur le sable de quelques feuillets. »

not­er pour que quelque chose reste, se dépose,
les mots nous entraî­nent où ils veulent,
c’est de la vie encore,
désen­com­brée, nettoyée,
qu’un autre recevra un jour.

On ne saurait mieux expli­quer le mir­a­cle de la poésie : la vie passée au fil­tre ser­ré de la sen­si­bil­ité et de l’art du lan­gage, dev­enue plus pure et plus claire, com­mu­niquée au lecteur dans un moment rare, pré­cieux, de véri­ta­ble « communion ».
Et lorsque Josette Ségu­ra dit « je », c’est comme si elle nous con­fi­ait à l’oreille et au cœur quelque chose de ce qui la fait vivre, aimer et espérer.

Il y eut un silence particulier,
le ciel se cou­vrait au-dessus des monts,
ça allait sans doute tourn­er à l’orage,
le vent rafraîchissait,
je regar­dais la mon­tagne que nous allions quitter,
des genêts dévalaient la pente,
je sen­tis comme un accom­pa­g­ne­ment soudain.

Ain­si Dans la main du jour témoigne de la con­struc­tion intérieure de son auteur, qui ne cesse d’avancer dans ce paysage spir­ituel où elle se sent invin­ci­ble­ment appelée.

 

Chronique du veilleur

Retrou­vez l’ensem­ble de la Chronique du veilleur, com­mencée en 2012 par Gérard Bocholier

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Gérard Bocholier

Gérard Bocholi­er est né le 8 sep­tem­bre 1947 à Cler­mont-Fer­rand (France). Il a fait ses études sec­ondaires et supérieures dans cette ville, y a ensuite enseigné la lit­téra­ture française et les let­tres clas­siques en classe de let­tres supérieures. Orig­i­naire d’une famille de vignerons de la plaine de Limagne, il est franc-com­tois par sa famille mater­nelle, à la fron­tière du pays de Vaud en Suisse. Il a passé son enfance et sa jeunesse dans le vil­lage pater­nel de Mon­ton, au sud de Cler­mont-Fer­rand, que les poèmes en prose du Vil­lage et les ombresévo­quent avec ses habi­tants. La lec­ture de Pierre Reverdy, à qui il con­sacre un essai en 1984, Pierre Reverdy lephare obscur,déter­mine en grande par­tie sa voca­tion de poète. En 1971, Mar­cel Arland, directeur de la NRF, lui remet à Paris le prix Paul Valéry, réservé à un jeune poète étu­di­ant.  Son pre­mier grand livre, L’Ordre du silence, est pub­lié en 1975.  En 1976, il par­ticipe à la fon­da­tion de la revue de poésieArpa, avec d’autres poètes auvergnats et bour­bon­nais, dont Pierre Delisle, qui fut un de ses plus proches amis. D’autres ren­con­tres éclairent sa route : celle de Jean Gros­jean à la NRF, puis celle de Jacques Réda, qui lui con­fie une chronique régulière de poésie dans les pages de la célèbre revue à par­tir des années 90, mais aus­si l’amitié affectueuse du poète de Suisse romande, Anne Per­ri­er, dont il pré­face les œuvres com­plètes en 1996. Son activ­ité de cri­tique de poésie ne cesse de se dévelop­per au fil des années, il col­la­bore  au fil des années à de nom­breuses revues, notam­ment à la Revue de Belles Let­tresde Genève, au Nou­veau Recueil, et surtout à Arpa,dont il assure la direc­tion dès 1984. Il donne actuelle­ment des poèmes à Thau­ma,Nunc,Le Jour­naldes poètes. Cer­tains de ses arti­cles sont réu­nis dans le vol­ume Les ombrages fab­uleux,en 2003. A par­tir de 2009, un an avant sa retraite, il se con­sacre prin­ci­pale­ment à l’écriture de psaumes, pub­liés par Ad Solem. Le pre­mier vol­ume est pré­facé par Jean-Pierre Lemaire, son ami proche. Le deux­ième s’ouvre sur un envoi de Philippe Jac­cot­tet. Son essai Le poème exer­ci­ce spir­ituelexplique et illus­tre cette démarche. Il prend la respon­s­abil­ité d’une rubrique de poésie dans l’hebdomadaire La Vieet tient une chronique de lec­tures, « Chronique du veilleur »,  à par­tir de 2012 sur le site inter­net :Recours aupoème. De nom­breux prix lui ont été attribués : Voron­ca (1978), Louis Guil­laume (1987), le Grand Prix de poésie pour la jeunesse en 1991, le prix Paul Ver­laine  de la Mai­son de poésie en 1994, le prix Louise Labé en 2011. L’Académie Française lui a décerné le prix François Cop­pée pourPsaumes de l’espérance en 2013. Son jour­nal intime, Les nuages de l’âme, paraît en 2016, regroupant des frag­ments des années 1996 à 2016. Par­mi ses pub­li­ca­tions poé­tiques récentes : Abîmes cachés(2010) ; Psaumes du bel amour(2010) ; Belles saisons obscures(2012) ; Psaumes de l’espérance(2012) ; Le Vil­lageemporté (2013) ; Pas­sant (2014) ; Les Etreintes invis­i­bles (2016) ; Nuits (2016) ; Tisons(2018) ; Un chardon de bleu pur(2018) ; Depuis tou­jours le chant(2019) A paraître : Ain­si par­lait Georges Bernanos(Arfuyen) ; Psaumes de la Foi vive (Ad Solem) ; J’appelle depuis l’enfance (La Coopéra­tive). En 2019 parais­sent Ain­si par­lait G.Bernanos, Psaumes de la foi vive, Depuis tou­jours le chant ; en 2020 J’ap­pelle depuis l’en­fance (La Coopéra­tive) et Une brûlante usure (Le Silence qui roule), Vers le Vis­age (Le Silence qui roule, 2023) et Cette allée qui s’ef­face (Arfuyen, 2024)

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