Chronique du veilleur (15) – Gérard Pfister, Présent absolu

Par |2018-01-07T11:27:31+01:00 21 juin 2014|Catégories : Essais & Chroniques, Gérard Pfister|Mots-clés : |

  Gérard Pfis­ter vient de pub­li­er le troisième et dernier ora­to­rio de sa grande œuvre inti­t­ulée : La Représen­ta­tion des corps et du ciel. Après Le grand silence paru en 2011, Le temps ouvre les yeux paru en 2013, c’est Présent absolu qui vient donc achev­er cet ambitieux et impres­sion­nant triptyque.

  La note qui suiv­ait le texte du pre­mier vol­ume nous par­lait d’entrée d’une « phrase musi­cale ». C’est bien de cela en effet qu’il s’agit et l’on pour­rait presque dire qu’une phrase unique se déroule musi­cale­ment, sym­phonique­ment, tout au long de cette œuvre. « La phrase est le seul per­son­nage et le seul décor. Elle porte en elle-même tout l’espace et tout le drame. » Dans la post­face qu’il donne à Présent absolu, Gérard Pfis­ter insiste égale­ment sur les « réso­nances » et les « méta­mor­phoses » infinies qui se font enten­dre dans ce très vaste ensem­ble. Sans doute ce choix s’est-il imposé au poète dès l’instant où il a plongé dans cette sin­gulière rêver­ie sur les morts, le temps, les corps, l’humanité entière. Com­ment dire en effet, com­ment évo­quer autrement le foi­son­nement invis­i­ble, les grouille­ments « d’énergies », « de vis­cères » ? Com­ment ne pas repren­dre sans fin les lita­nies et les dans­es, les souf­fles et les haleines, jusqu’à une forme d’ivresse de la parole, d’extase du chant ?

Gérard Pfister, Présent absolu, Arfuyen, 188 pages, 14 euros

Gérard Pfis­ter, Présent absolu, Arfuyen, 188 pages, 14 euros

ce qui vit
dans le chant
ce n’est
pas moi
ce n’est
per­son­ne
c’est la matière
sonore
les ondes
me por­tent
comme une mère
l’enfant       

Cet ora­to­rio, dédié pré­cisé­ment à sa mère « dému­nie et sou­veraine », pour­rait ne pas avoir de fin. Il n’en a pas, puisque son chant « dans le ciel » demeure, « présent absolu ». Il efface les mots au fur et à mesure qu’ils appa­rais­sent comme les notes sur la par­ti­tion, mots qui « se nient », « se dila­tent », « s’espacent », « dis­parais­sent dans le chant ». Et il nous faut repren­dre la lec­ture, encore et encore, tou­jours poussés par les mer­veilleuses pul­sa­tions du poème, tou­jours sous le charme d’une vision fugi­tive, d’une invo­ca­tion splen­dide sur le parvis du silence :

ô seigneur
du chant
comme admirable
est ton silence
dans l’éternelle
enfance

  Ain­si, tout con­tin­ue, rien n’est per­du, « un incon­nu » nous par­le, c’est une « présence sans vis­age ». Nous ne sommes pas seuls, nous sommes entraînés dans la longue chaîne des morts. Le « seigneur du chant » est aus­si « seigneur des corps ». Gérard Pfis­ter exprime toute sa foi en lui, lui qui par­le sans mots, souf­fle et chair à la fois. Le poète a su ici rester l’enfant qui sait tout depuis tou­jours et qui “chante comme en silence”.

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Gérard Bocholier

Gérard Bocholi­er est né le 8 sep­tem­bre 1947 à Cler­mont-Fer­rand (France). Il a fait ses études sec­ondaires et supérieures dans cette ville, y a ensuite enseigné la lit­téra­ture française et les let­tres clas­siques en classe de let­tres supérieures. Orig­i­naire d’une famille de vignerons de la plaine de Limagne, il est franc-com­tois par sa famille mater­nelle, à la fron­tière du pays de Vaud en Suisse. Il a passé son enfance et sa jeunesse dans le vil­lage pater­nel de Mon­ton, au sud de Cler­mont-Fer­rand, que les poèmes en prose du Vil­lage et les ombresévo­quent avec ses habi­tants. La lec­ture de Pierre Reverdy, à qui il con­sacre un essai en 1984, Pierre Reverdy lephare obscur,déter­mine en grande par­tie sa voca­tion de poète. En 1971, Mar­cel Arland, directeur de la NRF, lui remet à Paris le prix Paul Valéry, réservé à un jeune poète étu­di­ant.  Son pre­mier grand livre, L’Ordre du silence, est pub­lié en 1975.  En 1976, il par­ticipe à la fon­da­tion de la revue de poésieArpa, avec d’autres poètes auvergnats et bour­bon­nais, dont Pierre Delisle, qui fut un de ses plus proches amis. D’autres ren­con­tres éclairent sa route : celle de Jean Gros­jean à la NRF, puis celle de Jacques Réda, qui lui con­fie une chronique régulière de poésie dans les pages de la célèbre revue à par­tir des années 90, mais aus­si l’amitié affectueuse du poète de Suisse romande, Anne Per­ri­er, dont il pré­face les œuvres com­plètes en 1996. Son activ­ité de cri­tique de poésie ne cesse de se dévelop­per au fil des années, il col­la­bore  au fil des années à de nom­breuses revues, notam­ment à la Revue de Belles Let­tresde Genève, au Nou­veau Recueil, et surtout à Arpa,dont il assure la direc­tion dès 1984. Il donne actuelle­ment des poèmes à Thau­ma,Nunc,Le Jour­naldes poètes. Cer­tains de ses arti­cles sont réu­nis dans le vol­ume Les ombrages fab­uleux,en 2003. A par­tir de 2009, un an avant sa retraite, il se con­sacre prin­ci­pale­ment à l’écriture de psaumes, pub­liés par Ad Solem. Le pre­mier vol­ume est pré­facé par Jean-Pierre Lemaire, son ami proche. Le deux­ième s’ouvre sur un envoi de Philippe Jac­cot­tet. Son essai Le poème exer­ci­ce spir­ituelexplique et illus­tre cette démarche. Il prend la respon­s­abil­ité d’une rubrique de poésie dans l’hebdomadaire La Vieet tient une chronique de lec­tures, « Chronique du veilleur »,  à par­tir de 2012 sur le site inter­net :Recours aupoème. De nom­breux prix lui ont été attribués : Voron­ca (1978), Louis Guil­laume (1987), le Grand Prix de poésie pour la jeunesse en 1991, le prix Paul Ver­laine  de la Mai­son de poésie en 1994, le prix Louise Labé en 2011. L’Académie Française lui a décerné le prix François Cop­pée pourPsaumes de l’espérance en 2013. Son jour­nal intime, Les nuages de l’âme, paraît en 2016, regroupant des frag­ments des années 1996 à 2016. Par­mi ses pub­li­ca­tions poé­tiques récentes : Abîmes cachés(2010) ; Psaumes du bel amour(2010) ; Belles saisons obscures(2012) ; Psaumes de l’espérance(2012) ; Le Vil­lageemporté (2013) ; Pas­sant (2014) ; Les Etreintes invis­i­bles (2016) ; Nuits (2016) ; Tisons(2018) ; Un chardon de bleu pur(2018) ; Depuis tou­jours le chant(2019) A paraître : Ain­si par­lait Georges Bernanos(Arfuyen) ; Psaumes de la Foi vive (Ad Solem) ; J’appelle depuis l’enfance (La Coopéra­tive). En 2019 parais­sent Ain­si par­lait G.Bernanos, Psaumes de la foi vive, Depuis tou­jours le chant ; en 2020 J’ap­pelle depuis l’en­fance (La Coopéra­tive) et Une brûlante usure (Le Silence qui roule), Vers le Vis­age (Le Silence qui roule, 2023) et Cette allée qui s’ef­face (Arfuyen, 2024)

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