Chronique du veilleur (2) – Gilles Baudry
Gilles Baudry prie et écrit dans l’abbaye de Landevennec. Son œuvre, publiée chez Rougerie, témoigne de son expérience du sacré, de cette approche de l’invisible dans le visible que tous les poètes, plus ou moins croyants ou même incroyants, ont eue à certains moments privilégiés de leur vie et qu’ils tâchent de traduire en poèmes.
La vocation de Gilles Baudry est de dire la Présence cachée en ce monde, de relier la nature et la grâce. Cela ne peut se faire que par une « parole qui se tait » selon sa magnifique expression. Parole où « les mots passent les mots », toujours insuffisante pour se hausser à la dimension divine à laquelle elle aspire.
Comment
peut-on confier sa vie
à un poème
écrire
l’invisible
l’azur
qui se laisse trouer
par la note abyssale ?
Un à un se dérobent
les mots
L’encre s’enneige
de furtives extases
dans les marges
sans autre voix
que celle qui nous manque.
(Instants de préface)
La poésie est pour lui une approche à toujours recommencer, un mouvement où le désir, la louange, la reconnaissance se mêlent étroitement, non pas une saisie, une possession, mais une allure, un chant qui ne cesserait de se répandre.
…Voyez
la sève
le cours de sa pensée
ou l’écriture de l’aléatoire
sous l’aubier
du sang
l’inconcevable don
immérité
d’exister sans entraves dans le chant
« Tout chante et tout fait silence », déclare-t-il. C’est bien là l’essence impensable de la création poétique. Mais la prière, qui parfois n’en est pas très éloignée, a ces mêmes deux visages, comme une lumière qui, dans son prisme, marie toutes les couleurs. Ainsi de Marie :
Elle joue la partition de la lumière
entre le rose chair et le bleu nuit.
Son regard de vitrail
s’éclaire du dedans.
Sa gravité légère l’apparente au ciel.
(Nulle autre lampe que la voix)
Ainsi, Gilles Baudry, moine et poète, poursuit la même quête du divin dans une double et même tension. Dans la crypte spirituelle où il veille, il témoigne du mystère pour lequel il est si beau de vivre et d’écrire. « Pèlerin de l’horizon », il sait bien que la plus grande qualité du poète comme du croyant est d’être totalement disponible comme aux premières lueurs de la Résurrection.
Ici
pose ta vie
marche pieds nus
dans la rosée de la Parole.
(Présent intérieur)