Chronique du veilleur (3) – Janine Modlinger

Par |2018-01-06T16:35:48+01:00 7 septembre 2012|Catégories : Chroniques, Janine Modlinger|Mots-clés : |

La forme du car­net est à l’évidence auto­bi­ographique. Mais, par oppo­si­tion avec le jour­nal intime, le car­net retient des impres­sions, des pen­sées que son auteur juge essen­tiel de ne pas per­dre. Deux vol­umes de car­nets, à la fois poé­tiques et spir­ituels, sont absol­u­ment à lire :

Le men­di­ant d’infini  (L’Arrière-Pays) recueille des frag­ments d’une religieuse, Françoise Aza­ïs de Verg­eron, entrée au monastère de Sainte-Marie-de-Prouil­he dans l’Aude en 1948.  Max de Car­val­ho a com­posé ce flo­rilège absol­u­ment unique où les louanges se suc­cè­dent avec une fraîcheur d’âme qui boule­verse le lecteur. Mais l’auteur dit aus­si sa faim, l’abîme « de pri­va­tion » qu’elle sonde en elle, sa détresse même que seule la Croix peut apais­er. C’est toute l’étendue des émo­tions et des élans intérieurs dont nous suiv­ons l’aveu, le chant, l’effusion.

Une lumière à peine : carnets, Janine Modlinger, Ed. de l'Atlantique

Une lumière à peine : car­nets, Janine Mod­linger, Ed. de l’Atlantique

 

                       Prière silencieuse,
                            mystérieuse,
                        telle­ment cachée
                       et enfouie en moi
                      que si Tu cessais
                     de me la donner
                             je crierais
                      que Tu m’arraches
                             le cœur.
 

On rejoint là les textes les plus anciens du Chris­tian­isme, les plus clas­siques aus­si, l’expression la plus sim­ple et la plus ardente ne souf­frant aucune altéra­tion du temps. Les noces, l’attente de l’Aimé, le ravisse­ment, tout vient chanter ici les notes les plus pures.

                               Ta nuit n’est pas obscure,
                  elle est plus lumineuse que l’aurore.

                               C’est la nuit de l’aimée
                                unie à son Amant –
                            qui la trans­forme en Lui.

 Les car­nets de Janine Mod­linger sont des recueils d’instants de grâce que chaque être humain peut vivre dans la vie de tous les jours, mais que seul un vrai grand poète peut saisir dans la force et la justesse de l’écriture. Mais avant toute rédac­tion, il faut savoir regarder, écouter, s’émerveiller. Janine Mod­linger a ce don si rare de l’accueil authen­tique et pro­fond. Une lumière à peine (Edi­tions de l’Atlantique) est à chaque phrase ani­mé, éclairé, porté par une quête inlass­able de la lumière infinie.

     La tra­ver­sée du vivant, bénie, louée de jour en jour, cet appren­tis­sage de la louange qui, loin d’être naturelle, s’apprend et se tisse comme un ouvrage jamais achevé. 

Janine Mod­linger sait com­bi­en le mir­a­cle est proche et frag­ile à la fois. Il peut sur­venir et trans­fig­ur­er tout l’être pourvu qu’on l’accueille, qu’on s’incline devant lui, en sachant bien qu’il faut « s’effacer pour laiss­er place à plus grand que soi. » Voilà qui est religieux (le judaïsme dans lequel elle trou­ve ses racines est d’abord, dit-elle, « ouver­ture à l’ouverture ») et en même temps pro­fondé­ment humain. Tout l’humain en effet, corps, esprit et âme, sen­su­al­ité, com­pas­sion, prière, vient s’inscrire dans ces mag­nifiques pages. Les mots recon­nais­sent leurs lim­ites devant la toute puis­sance de l’indicible entre­vu. Le poète sait avouer que l’écriture tisse seule­ment « un fin voile de sens autour de l’énigme. » Mais c’est beaucoup.

                 Seul le silence en soi, le retour au grand silence, ranime en nous une ébauche d’humanité.

Une lumière à peine, un livre qui réchauffe l’âme et qui rayonne !

Présentation de l’auteur

Janine Modlinger

Janine Mod­linger est une poétesse française née en 1946. Elle vit à Paris où elle a enseigné la littérature. 

Autres lec­tures

Janine Modlinger, Pain de lumière

Elle dit du poème qu’il « ense­mence le monde » et qu’il « chante parfois/l’herbe au bout/d’une ruelle ». Janine Mod­linger sait porter notre regard ailleurs. Et quand elle par­le de Hölder­lin (« O, poète, O mien ») elle […]

Chronique du veilleur

Retrou­vez l’ensem­ble de la Chronique du veilleur, com­mencée en 2012 par Gérard Bocholier

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Gérard Bocholier

Gérard Bocholi­er est né le 8 sep­tem­bre 1947 à Cler­mont-Fer­rand (France). Il a fait ses études sec­ondaires et supérieures dans cette ville, y a ensuite enseigné la lit­téra­ture française et les let­tres clas­siques en classe de let­tres supérieures. Orig­i­naire d’une famille de vignerons de la plaine de Limagne, il est franc-com­tois par sa famille mater­nelle, à la fron­tière du pays de Vaud en Suisse. Il a passé son enfance et sa jeunesse dans le vil­lage pater­nel de Mon­ton, au sud de Cler­mont-Fer­rand, que les poèmes en prose du Vil­lage et les ombresévo­quent avec ses habi­tants. La lec­ture de Pierre Reverdy, à qui il con­sacre un essai en 1984, Pierre Reverdy lephare obscur,déter­mine en grande par­tie sa voca­tion de poète. En 1971, Mar­cel Arland, directeur de la NRF, lui remet à Paris le prix Paul Valéry, réservé à un jeune poète étu­di­ant.  Son pre­mier grand livre, L’Ordre du silence, est pub­lié en 1975.  En 1976, il par­ticipe à la fon­da­tion de la revue de poésieArpa, avec d’autres poètes auvergnats et bour­bon­nais, dont Pierre Delisle, qui fut un de ses plus proches amis. D’autres ren­con­tres éclairent sa route : celle de Jean Gros­jean à la NRF, puis celle de Jacques Réda, qui lui con­fie une chronique régulière de poésie dans les pages de la célèbre revue à par­tir des années 90, mais aus­si l’amitié affectueuse du poète de Suisse romande, Anne Per­ri­er, dont il pré­face les œuvres com­plètes en 1996. Son activ­ité de cri­tique de poésie ne cesse de se dévelop­per au fil des années, il col­la­bore  au fil des années à de nom­breuses revues, notam­ment à la Revue de Belles Let­tresde Genève, au Nou­veau Recueil, et surtout à Arpa,dont il assure la direc­tion dès 1984. Il donne actuelle­ment des poèmes à Thau­ma,Nunc,Le Jour­naldes poètes. Cer­tains de ses arti­cles sont réu­nis dans le vol­ume Les ombrages fab­uleux,en 2003. A par­tir de 2009, un an avant sa retraite, il se con­sacre prin­ci­pale­ment à l’écriture de psaumes, pub­liés par Ad Solem. Le pre­mier vol­ume est pré­facé par Jean-Pierre Lemaire, son ami proche. Le deux­ième s’ouvre sur un envoi de Philippe Jac­cot­tet. Son essai Le poème exer­ci­ce spir­ituelexplique et illus­tre cette démarche. Il prend la respon­s­abil­ité d’une rubrique de poésie dans l’hebdomadaire La Vieet tient une chronique de lec­tures, « Chronique du veilleur »,  à par­tir de 2012 sur le site inter­net :Recours aupoème. De nom­breux prix lui ont été attribués : Voron­ca (1978), Louis Guil­laume (1987), le Grand Prix de poésie pour la jeunesse en 1991, le prix Paul Ver­laine  de la Mai­son de poésie en 1994, le prix Louise Labé en 2011. L’Académie Française lui a décerné le prix François Cop­pée pourPsaumes de l’espérance en 2013. Son jour­nal intime, Les nuages de l’âme, paraît en 2016, regroupant des frag­ments des années 1996 à 2016. Par­mi ses pub­li­ca­tions poé­tiques récentes : Abîmes cachés(2010) ; Psaumes du bel amour(2010) ; Belles saisons obscures(2012) ; Psaumes de l’espérance(2012) ; Le Vil­lageemporté (2013) ; Pas­sant (2014) ; Les Etreintes invis­i­bles (2016) ; Nuits (2016) ; Tisons(2018) ; Un chardon de bleu pur(2018) ; Depuis tou­jours le chant(2019) A paraître : Ain­si par­lait Georges Bernanos(Arfuyen) ; Psaumes de la Foi vive (Ad Solem) ; J’appelle depuis l’enfance (La Coopéra­tive). En 2019 parais­sent Ain­si par­lait G.Bernanos, Psaumes de la foi vive, Depuis tou­jours le chant ; en 2020 J’ap­pelle depuis l’en­fance (La Coopéra­tive) et Une brûlante usure (Le Silence qui roule), Vers le Vis­age (Le Silence qui roule, 2023) et Cette allée qui s’ef­face (Arfuyen, 2024)

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