Chronique du veilleur (31) – Mireille Gansel, Comme une lettre

Par |2018-03-28T11:36:33+02:00 18 octobre 2017|Catégories : Essais & Chroniques, Mireille Gansel|Mots-clés : |

Une liasse de let­tres aux douces teintes d’aurore, fleuries, pleines de rêves et de sou­venirs, d’instants glanés au hasard des rues et des paysages, c’est ce que le lecteur reçoit avec bon­heur, en ce vol­ume de poèmes de Mireille Gansel, Comme une let­tre.

Et l’émerveillement suit,  il répond à la fraîcheur de ces vers qui sem­blent pouss­er à la margelle d’une source dis­crète et mou­vante, s’offrir comme « deux mains de lumière / ouvertes devant les fenêtres de la nuit. »

Le poète sait « pren­dre la part de lumière » qui est en toute chose et en tout être, il la recueille et nous la tend comme une coupe d’eau limpi­de, comme un pain fleu­rant bon le soleil. « La source / des choses sim­ples » est la plus abon­dante et la plus pure. Elle jail­lit ici à petit bruit, elle ne demande qu’à faire demeure dans le secret de notre cœur. Il suf­fit d’écouter :

ne passe pas ton chemin
écoute le silence des fleurs
dans le creux des heures

Mireille Gansel, Comme une let­tre, Édi­tions La Coopéra­tive, 16 euros.

En ce mod­este ter­cet, Mireille Gansel a tout dit : il faut goûter le temps, accueil­lir la beauté, qu’elle se tienne dans la rue Saint-Antoine, dans les hautes Alpes, au bord du Rhône ou dans la gare de Karl­sruhe. Une lueur vient sou­vent opér­er mag­ique­ment une métamorphose

et au soir
quand le soleil
brille à tra­vers les nuages
la mai­son devient un vitrail
tu dis­ais que c’est la plus belle heure
et c’était déjà au bord d’un fleuve
qui tra­verse des pays
en amont d’une île
aux grands arbres d’enfance

Ain­si le poème, comme la mai­son au bord du fleuve, s’illumine et nous invite à entrer.

Il va devenir en nous demeure secrète, famil­ière, dont nous pour­rons peut-être pos­séder pour notre pro­pre vie la chaleur douce, la paix véritable :

il y a des maisons
qui sont un havre

une manière de pos­er une pomme
sur une assi­ette avec un couteau

quelques fleurs au bord de la nuit

offrir un verre d’eau

ne pas pos­er de question

franchir le seuil
ne pas être un étranger

Rares sont les livres de poésie qui per­me­t­tent cette entrée aus­si généreuse et apaisante dans un univers de beauté silen­cieuse. Celui de Mireille Gansel en fait éminem­ment par­tie et nous lui en sommes très reconnaissants.

 

Chronique du veilleur

Retrou­vez l’ensem­ble de la Chronique du veilleur, com­mencée en 2012 par Gérard Bocholier

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Gérard Bocholier

Gérard Bocholi­er est né le 8 sep­tem­bre 1947 à Cler­mont-Fer­rand (France). Il a fait ses études sec­ondaires et supérieures dans cette ville, y a ensuite enseigné la lit­téra­ture française et les let­tres clas­siques en classe de let­tres supérieures. Orig­i­naire d’une famille de vignerons de la plaine de Limagne, il est franc-com­tois par sa famille mater­nelle, à la fron­tière du pays de Vaud en Suisse. Il a passé son enfance et sa jeunesse dans le vil­lage pater­nel de Mon­ton, au sud de Cler­mont-Fer­rand, que les poèmes en prose du Vil­lage et les ombresévo­quent avec ses habi­tants. La lec­ture de Pierre Reverdy, à qui il con­sacre un essai en 1984, Pierre Reverdy lephare obscur,déter­mine en grande par­tie sa voca­tion de poète. En 1971, Mar­cel Arland, directeur de la NRF, lui remet à Paris le prix Paul Valéry, réservé à un jeune poète étu­di­ant.  Son pre­mier grand livre, L’Ordre du silence, est pub­lié en 1975.  En 1976, il par­ticipe à la fon­da­tion de la revue de poésieArpa, avec d’autres poètes auvergnats et bour­bon­nais, dont Pierre Delisle, qui fut un de ses plus proches amis. D’autres ren­con­tres éclairent sa route : celle de Jean Gros­jean à la NRF, puis celle de Jacques Réda, qui lui con­fie une chronique régulière de poésie dans les pages de la célèbre revue à par­tir des années 90, mais aus­si l’amitié affectueuse du poète de Suisse romande, Anne Per­ri­er, dont il pré­face les œuvres com­plètes en 1996. Son activ­ité de cri­tique de poésie ne cesse de se dévelop­per au fil des années, il col­la­bore  au fil des années à de nom­breuses revues, notam­ment à la Revue de Belles Let­tresde Genève, au Nou­veau Recueil, et surtout à Arpa,dont il assure la direc­tion dès 1984. Il donne actuelle­ment des poèmes à Thau­ma,Nunc,Le Jour­naldes poètes. Cer­tains de ses arti­cles sont réu­nis dans le vol­ume Les ombrages fab­uleux,en 2003. A par­tir de 2009, un an avant sa retraite, il se con­sacre prin­ci­pale­ment à l’écriture de psaumes, pub­liés par Ad Solem. Le pre­mier vol­ume est pré­facé par Jean-Pierre Lemaire, son ami proche. Le deux­ième s’ouvre sur un envoi de Philippe Jac­cot­tet. Son essai Le poème exer­ci­ce spir­ituelexplique et illus­tre cette démarche. Il prend la respon­s­abil­ité d’une rubrique de poésie dans l’hebdomadaire La Vieet tient une chronique de lec­tures, « Chronique du veilleur »,  à par­tir de 2012 sur le site inter­net :Recours aupoème. De nom­breux prix lui ont été attribués : Voron­ca (1978), Louis Guil­laume (1987), le Grand Prix de poésie pour la jeunesse en 1991, le prix Paul Ver­laine  de la Mai­son de poésie en 1994, le prix Louise Labé en 2011. L’Académie Française lui a décerné le prix François Cop­pée pourPsaumes de l’espérance en 2013. Son jour­nal intime, Les nuages de l’âme, paraît en 2016, regroupant des frag­ments des années 1996 à 2016. Par­mi ses pub­li­ca­tions poé­tiques récentes : Abîmes cachés(2010) ; Psaumes du bel amour(2010) ; Belles saisons obscures(2012) ; Psaumes de l’espérance(2012) ; Le Vil­lageemporté (2013) ; Pas­sant (2014) ; Les Etreintes invis­i­bles (2016) ; Nuits (2016) ; Tisons(2018) ; Un chardon de bleu pur(2018) ; Depuis tou­jours le chant(2019) A paraître : Ain­si par­lait Georges Bernanos(Arfuyen) ; Psaumes de la Foi vive (Ad Solem) ; J’appelle depuis l’enfance (La Coopéra­tive). En 2019 parais­sent Ain­si par­lait G.Bernanos, Psaumes de la foi vive, Depuis tou­jours le chant ; en 2020 J’ap­pelle depuis l’en­fance (La Coopéra­tive) et Une brûlante usure (Le Silence qui roule), Vers le Vis­age (Le Silence qui roule, 2023) et Cette allée qui s’ef­face (Arfuyen, 2024)

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