Chronique du veilleur (33) : Béatrice Libert
Béatrice Libert vit en Wallonie. Elle a publié pendant 40 années des recueils de poésie, des essais, des nouvelles, des œuvres pour la jeunesse. Ce qui vieillit sur la patience des fruits verts est une anthologie de ses livres de poésie d’une remarquable unité d’inspiration et d’écriture.
Béatrice Libert, Battre l’immense, (Editions de Corlevour), 15 euros
Elle parle elle-même d’une « ascèse douce » à propos de la venue du poème. La formule convient parfaitement à cette œuvre où simplicité, dépouillement et bonté se conjuguent quasi amoureusement. Elle sait capter « la force du jardin fragile » qui prodigue au gré des saisons « un pollen invisible / qui nous défend des barbaries. » N’est-ce pas le pollen même de la poésie qui se répand, pour autant qu’on sache lui laisser place ? Et ce pollen est si chargé de sacré qu’il concourt à une véritable semaison d’espérance.
Dieu s’était endormi sur la pierre
Visage serré contre terre
Les anges des forêts lui ôtèrent
Ses sandales ses habits empesés
Le posèrent nu ensommeillé
Sur la rivière qui partout le porta
Sans jamais l’éveiller
Béatrice Libert, qui sent son cœur « battre l’immense », titre de son dernier livre paru aux éditions de Corlevour, est un poète de l’accueil et de la douce compagnie. Elle reçoit les visites les plus impalpables, comme celles qui s’avèrent les plus ardentes, l’amour étant l’aventure la plus exaltante de toutes, flèche de feu lancée vers l’absolu.
Nous sommes
Le lieu même
De l’Amour
Son visage
Et son vase
D’opaline
Ses mains
Et son ciel
Sans pluie
Et ce qui
Claudique
En nous
Guérit
Béatrice Libert, Ce qui vieillit sur la patience des fruits verts, (Le Taillis Pré), 20 euros
Cet Amour absolu est sans doute sa vocation profonde. Il ne cesse de la surprendre et de la ravir. Quelle plus belle illustration que ce poème de «L’inattendue », paru originellement en 2003 dans Le Passant fabuleux ?
Je suis cette femme à la fontaine
Et qui s’accoude à l’été
A mes doigts
Oscille une cruche
Et deux grains de silence
Coulent de ma paume étonnée
Ces deux grains que nous recueillons à notre tour, déjà semence de lumière, sont comme une récompense.