Chronique du veilleur (49) : Anne Goyen
La voix d'Anne Goyen coule de source. Cette source a la limpidité d'une prière parfois, d'un émerveillement candide devant la beauté du monde. Après Arbres,soyez (2013) et Paroles données (2016), ce troisième volume de vers révèle un dépouillement que le titre même suggère d'entrée : Le souffle et la sève.
La voix du poète semble ici passer comme un souffle, nourrie par la sève qu'elle sent courir des racines jusqu'aux étoiles. Le paysage contemplé ne garde que sa trame la plus fragile, la plus ténue, pour ne laisser apparaître que l'essentiel :
Au tomber du soir
La pluie a lustré
Le paysage
Ouvert comme une paume
Que lisse le vent.
Anne Goyen, Le souffle et la sève, Editions Ad Solem, 2023, 96 pages, 15 €.
L'invisible se rend proche dans une parole de vent et d'arbres, de bêtes et d'astres. Anne Goyen en ressent la présence fraternelle. Terre et ciel sont en relations continuelles, leurs ondes circulent autour de nous et en nous-même.
J'écoute parler
Montagnes et fleurs
Rêves et sources
D'aube en aube
Je renaisQuel Dieu discret
A mes côtés chemine ?
Musicienne, Anne Goyen l'est restée dans son écriture, sans rien qui pèse ou qui pose, comme disait Verlaine. Ce sont des suggestions en quelques syllabes à chaque poème bref, qui disent beaucoup plus que de savantes et verbeuses constructions formelles. Suggérer pour faire pressentir, pour donner suffisamment d'air à une parole humble qui ne demande qu'à rejoindre l'autre, à s'offrir pour transmettre la bonté du vivant.
Entendre murmurer
La parole neuve
Dans le dialogue
De la terre et du vent
Deviner
Sous l'écorce saisonnière
Le visage en creux
Du divin
Qui attend l'heure
De notre désir.
Le plus pur du livre éclate dans l'accomplissement final, « Rosa mystica ». La pensée franciscaine imprègne ces pages, pour notre plus grand bonheur.
Sur la tige
Tout grand s'ouvre
La fleurAu risque
D'en mourirDe joie.