Chronique du veilleur (50) : Gérard Pfister

C'est un trésor dans lequel on puise et  dont on dirait qu'on n'atteindra jamais le fond. C'est Le Livre, que Gérard Pfister compose en 500 fragments, écrits dans une forme unique, des tercets dont le troisième vers semble faire toujours appel à un au-delà, à une autre vision ou révélation. Il y a là comme dans une sédimentation lyrique, un catalogue radieux, tout ce que le livre comporte de richesses et de puissances : la lecture, d'abord, l'écriture et sa soif d'inconnu et d'absolu ensuite.

Le livre
n'est là
que pour nous accorder

Ce terme est musical, bien sûr. Il dit le chant où « chaque mot  / vibre / à la juste fréquence. »  Les accords qu'il nous fait entendre nous lient au monde et aux hommes, à l'invisible qui nous hante et nous hèle. Et c'est alors le prodige :

Le livre
n'est là
que pour nous délivrer

Gérard Pfister, Le Livre, Arfuyen, 17 euros.

Quel grand amour que celui du lecteur, devenu poète et éditeur de poètes ! Il éclate ici à chaque page, avec une exigence admirable, qui est une véritable quête spirituelle.

                  Il faudrait
                  que le livre ne soit
                 que cette vibration

Le fragment suivant éclaire ce vœu, cette recherche obstinée qui pousse Gérard Pfister à poursuivre sa méditation et la mise en mots de ses ardentes variations.

                  Le murmure
                  d'une source
                  entre la mousse et l'herbe

C'est bien dans l'ordre du murmure ou du tremblement qu'a lieu « l'expérience des mots ». Tremblement de l'inconnu « dans chaque silence », « lieu du possible » ou peut-être « un rêve »... Le lecteur attentif a pu, par bonheur, percevoir une « inflexion / dans la ligne mélodique du texte. » C'est bien ce que l'on appelle aussi le timbre, la couleur, ou ce que Proust analyse comme « le vernis des maîtres ». Gérard Pfister a cette oreille absolue qui lui fait choisir les manuscrits pour Arfuyen. Elle est sensible à l'indéfinissable, à ce qui est l'empreinte secrète de chaque vrai poète.

Le titre de ce livre dit bien ce qui sera toujours heureusement le grand mystère poétique :

                  Chaque mot
                  est magie
                  chaque livre est sacré

Au moment où le numérique envahit tout, et jusqu'à la création, Gérard Pfister nous assure, dans cette œuvre magistrale, que rien ne pourra évincer le livre et nous rend confiance : « Chaque texte, aussi bref, aussi simple soit-il, est une fenêtre qui s'ouvre sur l'infini du ciel. »

 

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