Chronique du veilleur (55) : Yves Leclair

Yves Leclair maîtrise parfaitement l'art d'écrire. Il en a donné de nombreuses et belles preuves au cours des années. « L'or du commun », disait un titre d'il y a 30 ans.

C'est bien cet or merveilleux que le poète extrait, en orpailleur inspiré. Il le découvre au hasard des voyages, dans ses lectures, dans sa maison de Bagneux, dans la vie ordinaire. Il en dresse un inventaire parfois, non sans tendresse, mêlée d'inquiétude:

 

                  Je dresse l'inventaire
                  en chauffant mes hivers
                  à  ton vieux radiateur :
                  une plume de pigeon,
                  une fleur d'abricotier,
                  semées par la tempête.
                  Saurai-je laisser ici bas
                  autant de lumière ?
                  Quelle couleur donneras-tu,
                  mon Dieu, à l'instant de ma vie ?

Yves Leclair, Le parchemin enluminé, Gallimard, 15 euros.

Le parchemin enluminé retient ces traces que le temps efface fatalement. Il en reste une teinte un peu mélancolique, mais le poète,  plein d'attention pour elles, sait encore les faire vivre. C'est une sagacité, un dynamisme jamais lassé, qui l'entraînent. Curiosité serait, dans son étymologie même, un terme encore plus juste. Yves Leclair observe en curieux et conserve avec un soin de jardinier du verbe. Il nous restitue « l'or » que la poésie a raffiné. L'humour est souvent là pour calmer les agitations du cœur, une forme de philosophie des choses et des êtres aussi.

 

                  Regarde, plume au vent,
                  comment l'ancien retourne de sa bêche
                  dans l'après-midi d'orage
                  la terre la plus revêche.

 

« Le clair rien », dit le titre d'un poème. C'est ce rien, qui semble ne pas peser dans la balance de la mémoire ou dans la paume d'une main fatiguée, qui intéresse le poète. Yves Leclair le met au clair, se souvient de ses admirations pour la calligraphie chinoise et, d'un calame sûr et sensible, en dégage le plus précieux, en une petite épure.

 

                  Peu importe ce qu'on dit.
                  La vie se recueille et dévide
                  ses paroles sages et folles
                  comme la fumée dans le ciel
                  qui peint les pins parasols
                  à l'encre noire de Chine.

 

« Elève » de ce qu'il ne sait pas, il est toujours en apprentissage. Yves Leclair n'a jamais fini d'apprendre, ni d'écrire. Pour notre plus grande joie, et avec le sourire « de tout petit », sourire « mouillé », qui n'est autre que le « regard de Dieu », que son grand art sait faire fleurir.

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