Chronique du veilleur (57) : Philippe Mac Leod

Par |2025-01-06T16:10:27+01:00 6 janvier 2025|Catégories : Essais & Chroniques, Philippe Mac Leod|

Philippe Mac Leod nous a quit­tés en 2019. Il a fini ses jours en Bre­tagne, au bord de l’océan, dans la soli­tude, après avoir longtemps séjourné dans les Pyrénées, près de Lour­des. Son ultime man­u­scrit, Estu­aires, qui s’ac­com­pa­gne d’un grand essai spir­ituel tes­ta­men­taire, Je est Amour, chez le même édi­teur, nous offre 33 poèmes en prose, qui sont autant de médi­ta­tions proches de la prière. 

Le poète esquisse quelques lignes d’hori­zon, souligne « un regard d’eau dans les eaux du regard. » Car ce paysage bre­ton n’est pas pour lui un pays, il est une « demeure de vent », il appelle à une con­tem­pla­tion sur l’infini.

                  Ce sont des nuages au loin. Gris et bas comme la mer est de plomb. Le rocher, net et coupant.

Au ras du flot des fugues se pré­cip­i­tent puis se per­dent ‑et la terre qui ne veut plus de ses reliefs, la terre exsangue, exténuée, lâchant tous ses vents. 

« L’es­tu­aire avance d’île en île, de rocher en rocher. » Ce sont ces élans, ces avancées d’eau, ces reflux, qui sus­ci­tent des « rêves de grand large ».  Mais le voy­age en haute mer qui pour­rait avoir lieu cède, dans les poèmes, à un irré­sistible mou­ve­ment d’as­cen­sion, «vague après vague, autant de march­es vers la cime d’un hori­zon jamais touché… »  Philippe Mac Leod laisse par­ler son âme éprise de l’in­vis­i­ble ver­ti­cal, assoif­fée de lumière, vouée à l’éter­nelle joie.

                   Au-delà du rêve, des march­es de pierre glis­santes pour le pays d’air et de vent ‑pas flot­tants dans un jardin épars aux fleurs tou­jours blanches. 

Philippe Mac Leod, Estu­aires, Ad Solem, 15 euros.

On devine que, déjà, le poète, qui sait qu’il vit ses derniers jours, entrevoit le seuil de ce qui ne pour­ra jamais être nom­mé ni décrit. Seuil du roy­aume de l’ou­vert, tou­jours plus loin de notre portée d’hommes qui patien­tons sur la terre. Ce désir d’in­fi­ni est tout débor­dant de la foi et de l’e­spérance du croy­ant et du con­tem­platif. Nous le parta­geons dans ces pages, car Philippe Mac Leod a tou­jours par­lé et écrit pour les autres, pour les entraîn­er avec lui dans la seule aven­ture qui vaille, celle de notre human­ité tournée vers ce plus grand qu’elle-même, dont elle sent ici l’in­time présence, comme mise à nu.

                   Nous le con­nais­sons bien, ce ressort infati­ga­ble du plus loin, encore, tou­jours  plus loin. Nous voudri­ons déjà dis­paraître ‑non point nous effac­er, mais grandir, éclore. C’est écrit par le sang. C’est dit. Et le com­man­de­ment lanci­nant ne cesse de nous envahir. 

Ain­si le poète nous fait entr­er avec lui dans le courant unique du fleuve de vie, dégagé de toutes les ombres, jusqu’à « l’ou­vert », qui l’a porté « de la pre­mière petite goutte aux trans­parences de la source. »

Présentation de l’auteur

Philippe Mac Leod

Philippe Mac Leod est né en 1954, et est décédé en févri­er 2019. Il a vécu dans les Pyrénées, où il a mèné une vie con­tem­pla­tive qui a inspiré sa poésie axée autour de la quête de trans­parence qui est au cœur de son expéri­ence spirituelle.

Poèmes choi­sis

Autres lec­tures

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Gérard Bocholier

Gérard Bocholi­er est né le 8 sep­tem­bre 1947 à Cler­mont-Fer­rand (France). Il a fait ses études sec­ondaires et supérieures dans cette ville, y a ensuite enseigné la lit­téra­ture française et les let­tres clas­siques en classe de let­tres supérieures. Orig­i­naire d’une famille de vignerons de la plaine de Limagne, il est franc-com­tois par sa famille mater­nelle, à la fron­tière du pays de Vaud en Suisse. Il a passé son enfance et sa jeunesse dans le vil­lage pater­nel de Mon­ton, au sud de Cler­mont-Fer­rand, que les poèmes en prose du Vil­lage et les ombresévo­quent avec ses habi­tants. La lec­ture de Pierre Reverdy, à qui il con­sacre un essai en 1984, Pierre Reverdy lephare obscur,déter­mine en grande par­tie sa voca­tion de poète. En 1971, Mar­cel Arland, directeur de la NRF, lui remet à Paris le prix Paul Valéry, réservé à un jeune poète étu­di­ant.  Son pre­mier grand livre, L’Ordre du silence, est pub­lié en 1975.  En 1976, il par­ticipe à la fon­da­tion de la revue de poésieArpa, avec d’autres poètes auvergnats et bour­bon­nais, dont Pierre Delisle, qui fut un de ses plus proches amis. D’autres ren­con­tres éclairent sa route : celle de Jean Gros­jean à la NRF, puis celle de Jacques Réda, qui lui con­fie une chronique régulière de poésie dans les pages de la célèbre revue à par­tir des années 90, mais aus­si l’amitié affectueuse du poète de Suisse romande, Anne Per­ri­er, dont il pré­face les œuvres com­plètes en 1996. Son activ­ité de cri­tique de poésie ne cesse de se dévelop­per au fil des années, il col­la­bore  au fil des années à de nom­breuses revues, notam­ment à la Revue de Belles Let­tresde Genève, au Nou­veau Recueil, et surtout à Arpa,dont il assure la direc­tion dès 1984. Il donne actuelle­ment des poèmes à Thau­ma,Nunc,Le Jour­naldes poètes. Cer­tains de ses arti­cles sont réu­nis dans le vol­ume Les ombrages fab­uleux,en 2003. A par­tir de 2009, un an avant sa retraite, il se con­sacre prin­ci­pale­ment à l’écriture de psaumes, pub­liés par Ad Solem. Le pre­mier vol­ume est pré­facé par Jean-Pierre Lemaire, son ami proche. Le deux­ième s’ouvre sur un envoi de Philippe Jac­cot­tet. Son essai Le poème exer­ci­ce spir­ituelexplique et illus­tre cette démarche. Il prend la respon­s­abil­ité d’une rubrique de poésie dans l’hebdomadaire La Vieet tient une chronique de lec­tures, « Chronique du veilleur »,  à par­tir de 2012 sur le site inter­net :Recours aupoème. De nom­breux prix lui ont été attribués : Voron­ca (1978), Louis Guil­laume (1987), le Grand Prix de poésie pour la jeunesse en 1991, le prix Paul Ver­laine  de la Mai­son de poésie en 1994, le prix Louise Labé en 2011. L’Académie Française lui a décerné le prix François Cop­pée pourPsaumes de l’espérance en 2013. Son jour­nal intime, Les nuages de l’âme, paraît en 2016, regroupant des frag­ments des années 1996 à 2016. Par­mi ses pub­li­ca­tions poé­tiques récentes : Abîmes cachés(2010) ; Psaumes du bel amour(2010) ; Belles saisons obscures(2012) ; Psaumes de l’espérance(2012) ; Le Vil­lageemporté (2013) ; Pas­sant (2014) ; Les Etreintes invis­i­bles (2016) ; Nuits (2016) ; Tisons(2018) ; Un chardon de bleu pur(2018) ; Depuis tou­jours le chant(2019) A paraître : Ain­si par­lait Georges Bernanos(Arfuyen) ; Psaumes de la Foi vive (Ad Solem) ; J’appelle depuis l’enfance (La Coopéra­tive). En 2019 parais­sent Ain­si par­lait G.Bernanos, Psaumes de la foi vive, Depuis tou­jours le chant ; en 2020 J’ap­pelle depuis l’en­fance (La Coopéra­tive) et Une brûlante usure (Le Silence qui roule), Vers le Vis­age (Le Silence qui roule, 2023) et Cette allée qui s’ef­face (Arfuyen, 2024)

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