Une route poétique du rock, mais quelle route précisément ? C’est le poète Bruno Geneste, au fil de ses portraits d’artistes, de chanteurs, d’auteurs-compositeurs-interprètes, qui en trace la perspective.
Dès les premiers mots de son introduction à cette somme d’envergure que forme son ouvrage fondateur, pour « La tribu de la route infinie du rock », il semble reprendre à son compte la métaphore du rouleau s’étendant à perte de vue de Sur la route de Jack Kerouac : « Cette route-là est rouleau se dépliant à l’infini, stations, aires de repos, lieux intermédiaires nécessaires pour reprendre son souffle, lieux où naissent tant de désirs, celui d’être cette ligne illimitée avec ses distances, avec sa fatalité, cette envie de tout et de rien ; route laissant derrière soi, toute existence mortifère, highway aux kilomètres déployés dans le futur, voie à l’asphalte lézardé par le déferlement des machines. » Le baroudeur de Saint-Étienne, Bernard Lavilliers, l’homme aux multiples voyages, fera également allusion aux poètes influents de la Beat Génération, arpenteurs de ce macadam légendaire, Kerouac encore, Ginsberg et Burroughs également, dans sa chanson phare « On The Road Again » : « Nous étions jeunes et larges d’épaules / Bandits joyeux, insolents et drôles / On attendait que la mort nous frôle / On the road again, again / On the road again, again… »
Bruno Geneste, Sur la route poétique du rock, Cami(o)n Blanc, 372 pages, 32 euros.
Mythique Chemin pour l’Enfer de la Route 66, « Highway to Hell », dans laquelle le groupe de hard-rock AC/DC s’enfonce, comme un éloge aussi sombre qu’exalté de ce mode de vie tout en musique et en liberté, en aller-simple : « Vivre simplement, vivre libre / Une place éphémère pour un voyage sans retour / Ne désirant rien, laisse-moi vivre / Tout prendre sur mon passage / Je n’ai pas besoin de raisons, pas besoin de rime / M’enfoncer pour un moment / Mes amis seront aussi là-bas » !
BRUNO GENESTE / L‑RAN, festival de la parole poétique SÉMAPHORE Nº19 Vidéo : Loran Jacob, Texte : Bruno Geneste, Musique : L‑RAN, Son : Maxime Morvan, Lumière : Sylvain Hervé, Régie : Mélanie Laurent, Capatation : Martine Saurel. Le 01/03/2024.
Thème récurrent, exploré par nombre de musiciens pendant leur tournée, depuis « Roadhouse Blues » par le chanteur des Doors, Jim Morrison jusqu’à « Terre Brûlante » par le chanteur de Détroit, Bertrand Cantat… Appel à rouler sans fin que traduit Bruno Geneste, ce géographe du rock-and-roll, cartographiant au fur et à mesure de ses escales sur « La route américaine et anglaise » (Partie I) ainsi que « Sur la route poétique du rock français » (Partie II), ses vallées, ses plaines et ses sommets comme autant de territoires d’un itinéraire à repousser sans cesse les frontières entre notre finitude et l’infini : « Nos existences ne sont-elles pas des cercles imparfaits, des lignes fragmentées d’où jaillissent tant d’horizons imprévus ? Nous assistons ici à une fuite que cette route poétique du rock déplie sur le grand corps de l’horizon, il s’agit là d’une carte physique et mentale dont nous allons vous raconter ici l’histoire, celle qui porta cette musique vers d’insoupçonnables et incroyables contrées. »
Bruno Gemeste, L‑RAN, Les Passagers, Aurillac le 18 Janvier 2024.
Sur « La route américaine et anglaise », guidé par l’invitation de Jack Kerouac placée en exergue : « On y va. Mais où ? Je ne sais pas, mais on y va », Bruno Geneste peint des tableaux d’époques, des scènes de groupes, des portraits d’artistes, qui tous semblent les témoins cruciaux d’une expérimentation des limites entre blues, folk et rock, depuis « les carillons de la liberté » de Bob Dylan jusqu’aux « Fontaines D.C. et l’imaginaire pélagique ». De manière analogue, « Sur la route poétique du rock en France », sous le signe de la citation du Bateau Ivre d’Arthur Rimbaud : « Comme je descendais des fleuves impassibles », l’exégète du rock français décrit les contours d’un paysage croisant lettres capitales d’une poésie sauvage et énergie brute d’une musique endiablée, depuis l’auteur-compositeur, chanteur de la fin des années 70 au sein du groupe précurseur Marquis de Sade, Philippe Pascal, jusqu’au cri de Sapho où semblent se rejoindre alors traditions anglo-saxonnes, américaines et françaises : « Chez Sapho, on trouve cette exploration poétique du langage, un approfondissement subtil qui donne à ses textes cette qualité littéraire, tout comme le rythme que porte la poète vers des contrées musicales aux multiples influences qui vont de Leonard Cohen à Patti Smith, de Bashung à Lou Reed, de Jim Morrison à Tuxedomoon et Joy Division. » Et si son chant s’élève au seuil du livre, c’est pour mieux rappeler les passerelles entre poésie et musique, puisque le Prince des Poètes, Charles Baudelaire, se voit décrit par son auteur, comme un dandy annonçant l’esthétique rock, ainsi que l’homme aux semelles de vent, Arthur Rimbaud, comme un rebelle dont le départ s’ouvre en voyage initiatique pour nombre de ses rockeurs-adeptes, Sur la route poétique du rock…
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