Clara Calvet, Le pèlerinage du temps

A qui veut s'initier à l'errance en poésie, Clara Calvet offre l'occasion d'une belle découverte. Mais auparavant, bien penser à se déprendre de toute grille de lecture.

Ne pas chercher à tout comprendre, plutôt se laisser surprendre par ses allers et retours à travers les temps, les pays, le je, le tu, le nous, les mythes. Ne pas craindre de croiser ici Oum Kalsoum, Oreste le fils d'Agamemnon, la déesse Lyssa, les Vivian Girls de Henry Darger.

Ici, fini les cauchemars du collège à dénouer chaque syllabe d'un poème, se laisser aller uniquement au ressenti, aux portes que les mots peuvent ouvrir dans nos esprits « Je lisais, / je lisais sans / / comprendre. / Et les mots, peu à peu, / / s'attachaient à moi. ». Se laisser porter par ce flux hétéroclite comme dans les rêves tout mélangés.

Mais surtout ne pas abandonner devant la difficulté. Car il n'y a pas de raison, dans toutes les obscurités la poésie doit se risquer. Chercher quelques prises. Quand je ne sais par où comprendre un recueil de poèmes, je me mets à chercher les trois points d'appui nécessaires à l'équilibre de l'escaladeur : ici ce pourrait être : mythes, spiritualité et exclusion, avec son cortège « Des inutiles, des / Incertains et des / pauvres, / des êtres libres entre les / cailloux. ». Cela me permet de progresser.

Clara Calvet, Le pèlerinage du temps, L'atelier de l'agneau , 2020, 76p, 15€.

Les mythes sont les embarcations qui nous conduisent dans ce pèlerinage du temps, « Sans rite / et sans / rituel. », cette errance méditerranéenne et orientale « Seul le sommeil / des cyprès / battait la mesure ». Avec pour seuls accompagnants l'ombre et la lumière « L'opacité, elle, me sied, / m'emmure, / / Car c'est dans cet / abrupt final que pointe / l'aurore  / et tous ses artifices, / sa demeure, sa douceur, sa foi / pastels. »

Les zones d'ombre sont les sacrifices, les crimes qui répandent leur sang dans cette mythologie grecque. « Le glaive s'annonçait/ terrible / Et une peur enfantine / tordait le ventre / des innocents. »

On ne saura pas qui est cette indigente « Absolue récalcitrante / d'un avenir / réprimé, révolu, radieuse / d'un passé sonné » ni cette innommée. Mais à travers elle, l'on aperçoit tous les « excLu ». Il n'y a aucune litanie lancinante dans cette liturgie, juste du rythme dans le chant. 

Avec donc les mythes en filigrane, l'autrice n'hésite pas à dire le monde tel qu'il est de nos jours : « Les intellos s'émerveillent  / (de tout) / toujours, / / Quand les guerres / s'amoncellent, / s'annoncent. / / Aux cris d'orfraie, / les poètes / se font petits / / Comptant et / trébuchant, si morts / de leurs maux. / /  Ne plus savoir être / / terre / d'accueillir  / / m'a démolie.  / / Être repoussoir,  / / qui s'en contente ? »

Le temps est respiration. Le temps est manque aussi. Le temps est pas, est sable sous le pas. Le temps est leurre. Le seul travail du poète est de faire proposition de lumière et Clara Calvet s'y attache avec une belle réussite. « Retourner à la / foule solitaire / nous effrayait / Tous, et pourtant, / / d'un pas pressé, / Nous y allions. / / Comme bulles de verre, / / Sans autre direction / / que le nécessaire / attrait pour la lumière / promise / - aux confins du soleil - / orangée et lasse. »

Mais je n'ai sans doute pas tout dit sur cet ouvrage de Clara Calvet, récemment publié chez Françoise Favretto et son atelier de l'agneau. Il ne faut pas tout dire, il faut laisser le lecteur ou la lectrice emboîter à sa guise le pas de ce pèlerinage. Et trouver sa propre vérité en ces lignes où ailleurs avec ces mots. Car comme disait Paul Quéré « Tout est dit, semble-t-il. Reste pourtant la manière de ne pas le dire. »

 

Présentation de l’auteur

Clara Calvet

Clara Calvet est une poétesse française.

Poèmes choisis

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