Claude Luezior, Buveur de rosée (extraits)
Fureur
crinière à contre vent
tête rauque
pour rut sans fioriture
rimes bramant leurs apogées
verbe haut
et bois de velours
aux moments sauvages
de l’éphémère
un poète
***
À marée haute
se torsadent
en elle
ces préludes
qu’un instinct
de succube
n’ose
assouvir
se prélasse
la lagune
subtile
qui scande
marées
et coquillages
humides
s’émeuvent
des doigts
tissant déjà
leurs errances
aux lices
d’un torse
en émoi
s’entremêlent
aux rayons
d’un désir
les algues
d’une sirène
qu’une langueur
éveille
se dévoile
une géométrie
de courbes
polies
à seule fin
d’une rectiligne
ferveur
s’entrouvrent
des lèvres
quand luisent
embruns
et rosées
qu’une soif
empourpre
se déploie
infiniment
la peau dorée
de hanches
vaincues
aux sables
des caresses
s’affûtent
ses ongles
prédateurs
aux nervures
d’un roseau
qu’une pénombre
érige
s’égarent
les reflets
de sa toison
qu’un rayon
découvre
en intime
innocence
s’érigent
aux écumes
du destin
les ressacs
pour assauts
que nul
n’imagine
s’épuisent
râles
et spasmes
de très hautes
marées
quand chavirent
les âmes
***
Chronos
l’antiquaire
polit
ses vieilleries
en jachère
une pendule
toussote
des heures apprivoisées
son balancier studieux
méthodiquement
hoche la tête
heures
avant celles
des électrons
***
Dépendances
jusqu’à la lie
je m’abreuve
de l’extrême
poison
rongeant
ce calame
que je n’ai choisi
ni par Dieu
ni par Diable
encre
indélébile
noire de mots
qui désormais
habite mes fibres
et qui ronge
et dévore
ma cervelle
à petite cendre
cigüe
pour philosophe
castré
et scribe
à la dérive
quand les mots
battent la chamade
éther
du verbe
que j’inhale
telle une drogue
acidulée
que distillent
druides et chamans
jusqu’au souffle
d’une pensée
dernière
ivresse
au matin
des silhouettes
où se condense
la sentence
et se résument
les affres
d’angoisses
à la débandade
syntaxe
trop visqueuse
qui s’agglutine
dans le pertuis
d’une plume
rêvant encore
à son nid
d’oiselle
jusqu’à plus soif
j’exorcise
l’encrier
où l’on signe
l’arrêt de mort
du poème
°°°
un extrait de Fragments :
CAMAÏEU
me dépasser
en combats
jubilatoires
écorcher
mon destin
clouer mes mains
en un sanglant
sacrifice
pas de bataille
ni de lance
pas de flèche vive
de cuirasse
ni de créneaux
mais l’impavide
masque
d’un silence
marcher
sans Golgotha
crier sans échos
dire en pure perte
ces paroles
sans adresse
à des vents
analphabètes
entrent
en résonnance
l’inutile squelette
et les strates
monochromes
de rochers
et de failles
anémiées
malgré tout
une voie lactée
où tètent là-bas
quelques lunes
oasis de lueurs
où s’abreuvent
des rêves
archaïques