Claude Luezior, Ces Douleurs mises à Feu
Lorsque CLAUDE LUEZIOR, l’un des premiers stylistes contemporains, comme le souligne le poète Jean-Louis Bernard, laboure les broussailles de l’aube aux reflets de lignite, les mots/ tels des loups se lancent à sa poursuite. Somptueux hallali où résonnent en gonds vibratoires des images qui s’encastrent dans les armatures de l’ossature du destin.
Passant de l’ivresse à l’ascétisme, l’angoisse en bandoulière, complice des dieux, il dérègle l’heure du malin ; et lorsqu’il met ses douleurs à feu, l’aube devient alors plus lumineuse. Claude Luezior n’est pas pour autant pyromane : en Vulcain moderne, il actionne sa forge matinale pour faire jaillir la lumière sur le rivage de cormorans, là où volètent des arpèges parfumés. Même si , parfois, le feu a des avant-goûts de cendre, ce sont des cendres de rosée. La germination pousse sous la braise. Se constitue alors un livre d’heures, une caverne où stalagmites et stalactites se tutoient, se tressent. À chacun d’y pénétrer pour entrer en résonnance avec le poète.
Claude Luezior est torturé de doutes, de promesses/qui délivrent, de croyances qui empoisonnent, il prie entre l’angoisse du devenir et la trace du souvenir. Il est un navire qui voit souvent l’horizon se noyer dans des ombres au sourire de bruine. Alors se rapproche le seuil dans les caprices d’un crépuscule qui rôde. Même si aller au-delà du seuil est toujours angoissant, dans la texture/ de mes insomnies/ errent sans cesse/ des loques impies : celles de la camarde, la peur ne taraude pas le poète à condition de mourir / pour quelque chose d’utile / pour quelqu’un. Dans ses textes qui bourgeonnent, se concentrent/ les saveurs du désir / où se réfugient / les velours/ d’une tendresse. Chez Luezior, le désir brûle toujours jusqu’aux bornages de la souffrance.
Ce recueil de poèmes est un labyrinthe où la glace donne des coups de poings, où les flammes dansent avec les douleurs du grand Feu. C’est un miroir pour mettre à plat les cicatrices de la vie, c’est une porte pour fuir des enclos de haine, pour assécher les vertiges assassins.
À la lisière de l’imperceptible, Claude Luezior est un allumeur de réverbères, toujours en marche pour recommencer cet exercice obscur et indispensable qui vaut surtout comme une aventure ou ainsi que le disait Yves Bonnefoy une incitation à se risquer dans l’inconnu.
Cet opuscule est un grand livre à conserver à portée d’âme car ses hymnes tactiles conduisent à l’intangible pour goûter ensemble /aux miels subtils délivrés en un nectar d’éternité.
Avec le poète Claude Luezior il y a toujours une voie : celle de la Lumière dont le monde a tant besoin.