L’attente
Attendre, attendre,
A la clarté du jour ou ses déclins,
Au gré des insomnies rebelles
Ou la touffeur moite de ces matins
Qui n’auraient rien à dire encore.
Aménager à force une patience
Où toute parole est renoncée,
Reporter, à un futur sans voix,
Ce qui déjà s’avorte ou te récuse,
Au nom des importances inégales.
Laisser s’effilocher les nuages,
Regarder décroître la lune pleine,
Suivre le ballet muet des étoiles
Et leurs pupilles, veillant dans le noir
Les hauts murs de la ville séculaire.
N’être plus qu’un bruit d’horloge,
D’heures vainement promises
A un amant que ta porte imagine,
Ou celui, plus souvent renoncé,
En raison d’impitoyables anathèmes.
*
Pourtant la terre allait sa ronde,
Et revenaient à leurs moments,
L’hirondelle ou le souffle du vent,
Lui, le plus fidèle à son office
De sable et de rêves emportés.
La tribu des tiennes, en rond assise,
N’avait elle droit qu’à l’oracle
De ceux qui, à leur guise dressés,
Faisaient parler un autre ciel
Ou fixaient un statut rétréci à la rose ?
*
Innombrables, vous patientiez sans trêve
Le long d’une berge de nuit désertée,
Et les eaux charriaient des branches mortes
Sans risque pour elles d’embrasement
Ou l’idée même d’un cours qui s’inverse.
Le rite s’imposait, ténébreux et morne,
Perpétuant des chronologies anciennes,
Le soupçon inique d’une engeance,
Ta relégation et tes sœurs de pitié,
Dans une insupportable éclipse.
Le chemin était sans détours,
Tout de peines et d’absentement,
Et, à un même point, revenait
Ta marche muette à pas forcés
Excluant d’autres allures.
*
Ton visage restait sans visage,
Et tes yeux, à force, indifférents,
Reflétaient la destinée cruelle
Des regards absents ou, tournés
Vers des chemins de ronces.
Voilée était ta figure souveraine,
Sous les parements de la pudeur,
Silencieux rendu, ton principe initial,
En gage ton désir, sa quintessence tue,
Et bannis, les secrets insignes de ta chair.
Quoi pourtant de tes enchantements,
Des grâces dont ta nature dispose,
Qu’ils voulaient mettre en cage,
Toi, au goût certain des paradis
Sacrés qu’anticipe ton ombre ?
*
Il faudrait n’être qu’à toi seule,
Plus sûre que mille épousailles
Scellées d’une omission cruelle,
Telle loi fixée à des destins rompus,
Et alors, interdites les noces véritables.
*
J’ai mémoire de ta silhouette assombrie,
D’où s’était éloigné à la longue, l’augure
Du baiser de vie à ton front ou tes lèvres,
Elles, aux mots n’espérant plus des hommes,
Du soleil lui-même et du corps aboli.
– Que dit l’attente qui plus rien n’attend,
Et qui attend quand même au bout du compte ?
Faut-il ainsi nommer le désespoir ?