Claude Serreau, Résurgence ou les parenthèses du soir
Résurgence : « réapparition à l’air libre, sous forme de grosse source, d’eaux infiltrées dans un massif calcaire » (Dictionnaire Larousse). La poésie de Claude Serreau est de cet acabit-là : elle fait surgir à la surface des pages des émotions enfouies parfois frappées du sceau de la douleur et du chagrin, pour en faire un bouquet où transpire un inaltérable appétit de vivre et de dire le monde dans sa beauté.
Le poète n’avait-il pas parlé dans un précédent recueil de « l’humus fertile de nos deuils » (Racines et fragments, Des Sources et des Livres, 2018). Il réédite aujourd’hui cette approche dans un recueil plus secret que le précédent, comme auréolé d’un halo de mystère.
Il commence le titre de tous ces livres par la lettre R. Ce n’est pas un hasard. Claude Serreau vit et écrit dans la fidélité à René Guy Cadou. Et il sème dans ses livres des petits cailloux qui nous ramènent au poète de Louisfert. « Maintenant les trains en partance, écrit Claude Serreau, n’assurant qu’au rythme du cœur/René Guy dirait à Hélène/au moment d’ouvrir ses cahiers/que les horloges n’ont qu’un sens/pour imprimer le fil des heures/sur les murs blancs de l’espérance (…) « J’ai certitude d’avenir/quelques saisons peut-être pas », poursuit-il. Le temps file, en effet, pour Claude Serreau (né en 1932). Il file dans la douleur d’une absence : « Chaque nuit/retrouver/le vide bien présent/l’inquiète solitude ».
Claude Serreau, Résurgence ou les parenthèses du soir, Des Sources et des Livres, 106 pages, 15 euros.
Dans une préface éclairante, Marie-Laure Jeanne Herlédan nous dit que Claude Serreau « déplie son long poème à la vie, l’amour, la mie, la mort ». Poème à « celle qu’il a accompagnée et veillée ». Le poète parle à l’absente, pousse son chant : « Je voudrais te crier/autant qu’il se pourra/t’envelopper te dire/je t’aime et t’ai aimée//puisqu’enfin avec toi/l’éternité s’étire/une fois recréée ».
Cette toile de fond de la séparation n’estompe pas la « marée de vie » ni l’espoir « qui renaît des souterraines eaux ».Car dans l’univers de Claude Serreau (fait de résurgences et de nappes phréatiques) la nature est toujours prête à « dévider sa toile ». Sous sa plume on découvre « un rideau coloré/cent arbres et mille fleurs/comme la mer à l’ouest/sans cesse élaborée/sous d’obscures étoiles ». Et quand le printemps est là, « on voit au mois de mai/Vénus et son parterre/d’étoiles revenues/au ciel donner le change ».