Claudine Bohi, Un couteau dans la tête
Pour ce 31e recueil, la poète s'est jetée coeur et âme dans la déchirure incommensurable des familles qui ont connu la perte, l'absence, la séparation, à cause de l'effroyable guerre, à cause de toutes les blessures.
Alors, il reste à cette petite fille blonde de cinq ans comme "un couteau dans la tête", cette arme qui lacère, sépare, fouille les chairs, abat les corps.
Tout écrit en distiques qui rythment l'aveu, la reconnaissance, la blessure familiale, le livre cisèle la peine, le chagrin, les pleurs. Toute une famille est brisée, esseulée : la grand-mère qui a perdu "son monstre" à la guerre, la mère, la fille. La fille aujourd’hui témoigne de l’inceste que le grand-père a commis à l’adresse de sa propre fille. Cette douleur intime, l’auteure l’a gardée pour elle pendant quarante ans. Elle s’en délivre à présent par la force du poème.
Les images crues, nues, entaillent le coeur, le mettent à vif.
La poésie, seule, peut exposer ainsi, grâce à son chant, sa plainte, ce que chacun peut vivre, dans ces temps de souffrance.
la mère défait l'amour
comme on brise un miroir (p.25)tout ce brouillard en elle
ce cocon plein de blanc (p.31)
Claudine Bohi, Un couteau dans la tête, L'herbe qui tremble, 2022, 60p., 14 euros.
Pas un mot de trop dans ce chant de douleur, pas de métaphore clinquante, la nudité seule prévaut. Un livre à la fois de compassion et de générosité, que la mémoire familiale nourrit d'une émotion non feinte.