Colette Wittorski : L’immensité des liens

Publier un livre à l’âge de 90 ans impose le respect. Quand il s’agit de Colette Wittorski, on est, en outre, assuré d’accéder à une qualité d’écriture et une profondeur de pensée qui font dire à son préfacier, Bernez Tangi, que chacun de ses poèmes « est un diamant ».

 

Experte dans l’élagage et le bizeautage (comme on le fait pour polir une pierre précieuse), Colette Wittorski nous propose des poèmes courts écrits pour la plupart dans l’hiver de la vie et qui sont, comme elle le dit elle-même, des « promenades intérieures », des « reflets ». Au fond, une « matière d’âme » qui ne néglige jamais le corps à corps avec la chair de la vie, au plus près d’une nature le plus souvent rassurante et rafraîchissante.

« Tourmentée comme une terre à l’herbe rare », Colette Wittorski nous livre sa « terre intérieure » depuis un pays qui est devenu le sien, dans l’Argoat finistérien, un pays « à l’extrême bord du continent parmi les rocs » où elle hume « l’haleine claire de la terre remuée » et contemple « la fourrure de blé mûr sur la terre sèche ». Ici, nous dit-elle, « une colline soulève sa masse » et une « soudure de brouillard » peut stagner la journée entière.

 Colette Wittorski, L’immensité des liens, L’Harmattan, 147 pages, 16 euros.

Mais dans ce pays (comme dans d’autres pays), « le couteau des heures accomplit son office ». Forme de compte à rebours pour une femme sur le grand âge. « Chacun fuit/les rires se taisent/le lac se vide », lit-on dans le court poème intitulé « Vieillesse ».

C’est le moment où les blessures anciennes remontent à la surface. A commencer par le choc (le traumatisme ?) originel et, en quelque sorte, fondateur : la disparition d’une mère dont l’enfant qu’elle fut se découvre « amputée ». Inconsolable petite Colette : « Commencée de rien comme posée sur la terre/ma mère sitôt enfuie ».Regardant aujourd’hui de « très loin » sa « naissance minuscule », elle s’évertue à fignoler le « polissage des larmes » (comme elle le fait de ses poèmes)

Colette Wittorski continue, en dépit de tout, à habiter la vie intensément. « Si bref est l’instant /Hâte-toi ». Elle  ne rend pas les armes si facilement et délivre, au passage, de vraies leçons de sagesse. « Les roses qui se fanent embaument les alentours/Décliner n’est pas mourir ». La voici désormais, note Bernez Tangi dans sa préface, « chaleureuse dans une lumière froide ».