Cypris Kophidès, La nuit traversière

Par |2022-12-06T14:39:43+01:00 4 décembre 2022|Catégories : Critiques, Cypris Kophidès|

On con­naît la flûte tra­ver­sière. Voici que l’on décou­vre la « nuit tra­ver­sière ». C’est celle qu’évoque Cypris Kophidès dans un court recueil de 20 poèmes en édi­tion bilingue (français-grec). Com­ment, la lisant, ne pas penser à L’Hymne à la nuit de Jean-Philippe Rameau — dont il existe des par­ti­tions pour flûte tra­ver­sière — même si l’autrice nous pro­pose plutôt une vision onirique de la nuit, peu­plée de songes mais aus­si de cauchemars. Avant que la lumière ne vienne tiss­er un « espace de lumière et d’ardeur ».

« La nuit ne par­le que du jour », affir­mait Mau­rice Blan­chot. On le ressent pro­fondé­ment à la lec­ture de cette nuit tra­ver­sière qui là est pour son­der, au sein du cos­mos, le mys­tère de l’être humain, capa­ble à la fois de sauvagerie fon­cière comme d’humanité ray­on­nante. « L’ombre chu­chote que seule la cru­auté est salu­taire », écrit Cypris Kophidès. « Le regard des grands fauves s’allume du désir des proies ». Oui, la nuit tra­ver­sière peut être cette « nuit de fuite où les poignards par­lent » et où « la lune noire perd son sang/entre les jambes des femmes ».  La poétesse nous dit, sur l’espace/temps d’une nuit, ce qui agite à la fois le cos­mos et l’humanité. Place, en effet, aux frayeurs, aux rêves, aux cauchemars. « Tout tour­bil­lonne dans les labyrinthes de ténèbres pal­pa­bles qui se nichent au cœur de l’âme des choses », notent Kati­na Vla­chou et Vas­silis Pan­dis , dans la pré­face de ce petit livre. Mais il existe, ajoutent-ils, « une lumière qui émane des ténèbres ».

Voici, en effet, « la lumière des regards » ou « l’amour qui fait per­sévér­er les étoiles ». Voici l’aube avec « la pléni­tude aiguë d’un chant d’oiseaux ». Arrive le moment où « le jour se déploie »,« les petits enfants clig­nent des sourires embués ». Il a fal­lu, pour cela, tra­vers­er une nuit peu­plée de rêves avec tout son cortège de mys­tères. L’écriture de Cypris Kophidès témoigne elle-même, par une forme d’opacité, de l’énigme pro­fonde con­tenue dans la nuit.




  Cypris Kophidès, La nuit tra­ver­sière, Dia­base, 57 pages, 10, euros.

Le poète iranien Sorab Sepehri par­lait de « la nuit de bonne soli­tude » et des « pul­sa­tions humides de l’aube ». Cypris Kophidès le rejoint sou­vent dans sa pro­pre évo­ca­tion de la « nuit immo­bile » ou de « l’opacité du silence ». La même ardeur, chez les deux auteurs, pour associ­er la nature tout entière à l’évocation de la  nuit et pour témoign­er de « ce temps immobile/que tra­verse une musique/errante ».

Présentation de l’auteur

Cypris Kophidès

Cypris Kophidès est une auteure et poète fran­­co-grecque qui vit en Touraine et en Grèce. Éditrice chez Dia­base depuis 1995 aux côtés d’Yves Bescond, elle a égale­ment mené plusieurs entre­tiens avec Joce­lyne Ollivi­er-Hen­ry, Charles Juli­et, Georges Bah­go­ry et Yvon Le Men.

© Crédits pho­tos (sup­primer si inutile)

Bib­li­ogra­phie

  • Vingt deux petits soleils (Dia­base Édi­tions, 2019)
  • L’enfant de Trébi­zonde (Dia­base, 2015)
  • La langue frater­nelle, entre­tien avec Yvon Le Men (Dia­base, 2013)
  • Le regard amoureux, entre­tien avec Georges Bagho­ry, (Dia­base, 2012)
  • Avec les Inu­it du Nord Groen­land, entre­tien avec Joce­lyne Ollivi­er-Hen­ry (Dia­base, 2007)
  • D’une Rive à l’autre, entre­tien avec Charles Juli­et (Dia­base, 2006)
  • Philippe Gouret, L’éternité Végé­tale avec Yan­nick Pel­leti­er et Serge Hutin (la Tem­pérance 1993)
  • La Nuit tra­ver­sière (Édi­tions Cham­bel­land, Le Pont de l’Epée, 1983)
  • A Echos Mul­ti­ples (Édi­tions Cham­bel­land, La coïn­ci­dence, 1979)

Poèmes choi­sis

Autres lec­tures

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Pierre Tanguy

Pierre Tan­guy est orig­i­naire de Lesn­even dans le Nord-Fin­istère. Ecrivain et jour­nal­iste, il partage sa vie entre Quim­per et Rennes. En 2012, il a obtenu, pour l’ensemble de son œuvre, le prix de poésie attribué par l’Académie lit­téraire de Bre­tagne et des Pays de la Loire. Ses recueils ont, pour la plu­part, été pub­liés aux édi­tions ren­nais­es La Part com­mune. Citons notam­ment “Haïku du chemin en Bre­tagne intérieure” (2002, réédi­tion 2008), “Let­tre à une moni­ale” (2005), “Que la terre te soit légère” (2008), “Fou de Marie” (2009). Dernière paru­tion : “Les heures lentes” (2012), Silence hôpi­tal, Edi­tions La Part com­mune (2017). Ter­res natales (La Part Com­mune, 2022) Voir la fiche d’auteur

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