Dans la bouche du poète 2, Goethe, traduction Elie-Charles et Obéline Flamand
Ginkgo biloba
Dieses Baums Blatt, der von Osten
Meinem Garten anvertraut,
Giebt geheimen Sinn zu kosten
Wie’s den Wissenden erbaut.
Ist es Ein lebendig Wesen,
Das sich in sich selbst getrennt,
Sind es zwei, die sich erlesen,
Dass man sie als Eines kennt.
Solche Frage zu erwiedern
Fand ich wohl den rechten Sinn,
Fühlst du nicht an meinen Liedern
Dass ich Eins und doppelt bin.
Johann Wolfgang von Goethe
West-östlicher Divan (Le poème est daté de 1815)
La feuille de cet arbre que l’Orient
A confié à mon jardin
Permet de savourer un sens secret
Fait pour instruire l’initié.
Est-ce un seul être vivant
Qui a scindé sa propre personne ?
Sont-ils deux qui se sont choisis
Si parfaitement qu’ils apparaissent comme Un ?
Pour satisfaire à une pareille question,
Je pense avoir trouvé le sens juste :
Ne perçois-tu pas au travers de mes chants
Que je suis Un et double à la fois ?
Goethe
Divan occidental-oriental, 1819
(traduction Elie-Charles et Obéline Flamand)
Le Ginkgo biloba est ce grand arbre magnifique, décoratif, à feuilles bilobées, qui venait, au 18ème siècle, d’être importé d’Extrême-Orient où il était considéré comme sacré. Ce que Goethe ne pouvait pas savoir, c’est ce que l’on a découvert depuis : véritable « fossile vivant », il existait déjà à l’ère secondaire. On s’est aperçu qu’il est résistant aux explosions atomiques. Par ailleurs, un médicament très actif pour la circulation sanguine en est extrait.
Goethe célèbre ici l’unité dans la dualité. Pénétré des doctrines hermétiques, il précise dans ses conversations avec son ami Eckermann qu’il voulait donner à certaines de ses œuvres deux niveaux de lecture, l’un pour l’homme ordinaire, l’autre pour l’initié capable d’en saisir le sens supérieur. Il voyait aussi dans la dichotomie de la feuille de Ginkgo un symbole de ses intentions.
Voir la photo du manuscrit très esthétique du poème de Goethe avec les deux feuilles de Ginkgo collées en herbier.