Delphine Evano, Sédiment et autres poèmes

 sédiment

les marées inlassables
les ressacs
dénudent à nos gueules d'amour l'envers du décor
déposent à nos pieds les plages d'un peu plus loin

la mer s'en va

laissant derrière elle
par paliers par vagues successives
ses filets d'algues vertes
ses arabesques aux nacres de chair

les promontoires pour crabes et enfants
plongeoirs grotesques aux frondaisons de nos futurs bains estivaux
s'amoncellent en monticules

voici la nouvelle Ys

cité neuve surgie au bord de nos paupières
architecture renaissante de coquillages et d'ossements
aux sommets bientôt culminants par-dessus les terres

des formes humaines jamais repêchées
y sédimentent les grèves

transfert

ne pas devenir sale
de bouts d'idées cabossées

ni gueuler au parloir de la vie comme on frapperait dans ses mains par solitude
béatitude
ou désespérance

s'assimiler au monde faire siennes les palpations de mille chairs chaudes
intouchables

refuser les guenilles
apostoliques ou dogmatiques

elles tombent inutiles

une
à
une

lourdes
aux pieds comme au moment d'aimer

être nu

ce soir le monde a pris la forme d'un sein
sans autre embouchure que le désir plein
d'avoir tout entier le globe
en bouche

rognures

par remontées capillaires
les doryphores
enflent du bout de leurs ailes nos garde-manger
ce qui reste du pain brut de
nos justes coïncidences
nos différences

insectes de nuit rampants et fauves
il grignotent à brûle-gueule
l'autre venu d'ailleurs
avec lui
la jonction la chance des
partages

dans leurs rayures sans compromis de noir de jaune et d'ocre
ils mastiquent à brûle-foies
les détours les contours
invoquant
l'avenir de nos fils
la sueur de nos pères pourtant partout dans la glaise
mélangés

foulant aux pieds
le brassage naturel
des genres et des couleurs

croquemitaines des fabulettes d'autrefois
au cordeau des parallèles

ils avancent

pub

devant toi
gravelot mignon
faucheur de vers à sable

la voix monocorde des femmes
à l'air des inégales
sonne creux

aux écrans des abris-bus
les seins battent encore l'amble
à la cantine des hommes

comme des rames
comme des plats

des plics
des plocs
sur l'eau

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