Ici, nous aimons Gilles Baudry. Pour Recours au Poème, Gilles Baudry est un poète des profondeurs. L’un des plus éminents. Et comment pourrait-il en être autrement avec la vie que cet homme a choisi de mener ? Une vie de prière. Une vie d’oraison. Concentrée sur l’essentiel de l’humain. Avec les règles que son appartenance à l’ordre des Bénédictins lui offre, lui qui déploie son existence introvertie dans l’Abbaye finistérienne de Landevennec. Il y a la pauvreté. Dans les actes de tous les jours. Dans le travail que mène ce moine des temps modernes. Il y a le silence, écouté au plus profond de son essence, et au cœur duquel le poète Baudry puise sa voix d’humilité et de charité. Il y a la parole fraternelle.
Demeure le veilleur ajoute une tessiture aérienne à l’œuvre incarnée du poète Gilles Baudry. Depuis quel lieu parle-t-il, ce moine reclu dans son Abbaye du bout du monde, protégée par une quiétude sacramentelle que des errants du monde ordinaire troublent de leur passage pour y trouver la paix ? Depuis quel lieu, lui qui sait l’invitation du Christ à prier le Père par le simple Notre-Père ? Inutile d’ajouter des prières à celle transmise par Jésus lui-même : Dieu sait d’avance ce dont nous avons besoin. Aussi les poèmes de Baudry ne sont pas des prières. Il est dénué de cet orgueil.
Par sa parole, Baudry poète et Baudry moine atteste qu’en cet homme il n’y a qu’un seul individu. Tout homme, tout homme de foi, cherche la source première. Il remonte le courant. Et depuis le silence qui enveloppe cet homme et qui emplit ce poète, c’est par une discipline d’écoute de ses nuances qu’affleure en sa voix et par sa voix les subtilités grandioses de l’être. C’est une parole simple, riche et inépuisable de simplicité, que le poète contemplatif ramène à la surface de l’être, pour nous, les travailleurs.
L’organisation médiévale était tripartite. Il y avait le clergé, c’est à dire ceux qui priaient pour le salut des deux autres ordres. Il y avait les paysans et artisans, qui travaillaient pour nourrir l’ensemble de la société. Et il y avait les guerriers, qui assuraient sa défense. Avec toutes les métamorphoses que le temps fit subir à cette organisation, il y a toujours les travailleurs, c’est à dire l’ensemble du genre humain. Il y a toujours le clergé, mais sous la forme des intellectuels laïcs. Il y a toujours les guerriers, qui demeurent, par le truchement de la confusion généralisée propre à notre temps, invisibles et cachés.
Gilles Baudry appartient aux guerriers, aujourd’hui, en réalité. Il ne l’a pas voulu. Peut-être ne l’entendrait-il d’ailleurs pas ainsi. Mais force est de constater que l’absolu d’un moine dans une époque dé-spiritualisée, où les attaques du nouveau clergé laïc relèguent au néant les pratiques de la foi, participe d’une guerre entre les armées d’un matérialisme sans issu et celles d’une chance céleste pour les travailleurs en déshérence que sont devenus les humains.
La parole de Baudry, dans sa précision et sa nudité, est une parole tranchante. Elle saigne à vif les maux de nos psychismes décentrés. Elle en cautérise les plaies. Pourquoi, sinon, tant de gens se mettraient-ils à fréquenter les Abbayes avec cette soif de recueillement et de consolation que leur vie réclame au plus profond d’eux-mêmes ?
Depuis la sérénité et la tranquillité acquises par une vie régulière, le poète Baudry tranche et soigne. Le poète est un guerrier. Un guerrier de l’amour.
***
Sans autre solitude
que la fidélité
demeure le veilleur
penché sur l’horizon de la promesse
le ciel posé à même la pensée
larmes couleur de perles
goutte à goutte la lampe
distille sa rosée
la page quitte sa voix blanche
et dans la nuit
la transparente atteint
sa note la plus pure
***
Le livre de ma vie
quel ange de son aile
l’a paginé
et quels pas confondus
avec mes battements de cœur ?
Proche au-delà
fais que jamais
ne se ternisse
l’or d’être seul
avec le Seul
***
Sourcier de mes propres sources, je creuse
en moi profond
jusqu’à faire chanter
la couleur, le poème qui composerait
des paysages sonores
l’énigme d’une voix surnaturelle
qui ferait respirer
d’autres planètes que ce monde atone
Mais ce chant à plein temps
n’advient, Seigneur,
que dans la liturgie des heures et des saisons
dans la secrète incantation du Nom
le quatuor des évangiles
auquel l’âme comme un jardin
tout irrigué
prête l’oreille la plus fine
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