L’Orpiment, une nouvelle collection de poésie aux éditions le Réalgar
Le Réalgar, maison d’édition stéphanoise, tire son nom du composé chimique, dérivé de l’arsenic, extrait entre autres dans la mine Ricamarie, non loin de Saint Etienne. Mais le réalgar est également cité par François Villon dans sa Ballade des langues ennuyeuses (ou venimeuses…) “En réalgar, en arsenic rocher, en orpiment, en salpêtre et chaux vive, en plomb bouillant”. Il était donc tout naturel d’entamer l’aventure d’une nouvelle collection en la nommant l’Orpiment. L’orpiment est aussi un dérivé de l’arsenic, sauf qu’il est jaune et que le réalgar est rouge. C’est Lionel Bourg en alchimiste moderne qui va transformer cet arsenic en poésie, en dirigeant cette collection qui proposera quatre ouvrages par an. Antoine Choplin est le premier à explorer ce nouveau filon avec son ouvrage également très minéral : Tectoniques, illustré par les dessins de Corinne Penin). Olivier Deschizeaux est le deuxième avec une tectonique plus intérieure avec « et la mort comme reine » dans le chaos de la perte maternelle.
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Antoine Choplin — Tectoniques
Antoine Choplin est un auteur qui aime gravir les pentes des montagnes proches de chez lui, « dans l’espoir des dièdres et autres livres des parois ». Et forcément que l’élément minéral ne lui est pas étranger. Roche d’ici « Au crépuscule des terres / le granit debout / moque le crachin et les lois verticales », ou d’ailleurs « sous la dolomie ocre / dans le chiffon des premiers plis » que l’on escalade « au gréement des sentinelles / la route ira debout / à frôler les épaules » en communication avec les éléments « J’entends le parler-franc / des montagnes // la sereine apostrophe».
Plaisirs des sommets et sommet du plaisir, « le plaisir est un géant debout ». Antoine Choplin explore la tectonique des plis. « voila bien des bontés » ces plis et vallons « en collines assagies bien que / coquines encore par le jeu des rondeurs » ou le corps s’égare. Faire corps avec la montagne quand la montagne est corps « aux parois bat le ressac des sangs »
Dans cette « ode au silex », à l’eau vive des torrents, et aux sommets du désert, partagée entre Crolles et Beni-Snassen, le poète se fait faucon « incendie le silence », « Sur la poitrine faillible des horizons ». Le poème est tectonique quand il fouille comme celui d’Antoine Choplin, dans ces éboulis intimes et ces géologies intérieures, dans une sorte d’élégie égologique.
Un mot aussi pour les œuvres de Corinne Penin qui semblent enraciner le texte d’Antoine Choplin dans la terre blanche de poésie de cette collection l’Orpiment travaillée par Lionel Bourg.
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Olivier Deschizeaux — Et la mort comme reine
Olivier Deschizeaux, poète né en 1970 et lauréat en 2004 du prix Louis Guillaume, nous offre une autre vision égologique avec une violente plongée dans l’obscurité du chaos intérieur, moins minérale que Choplin, plus viscérale, dans la dévastation du deuil.
Car l’enfance pour Deschizeaux reste comme un drame. Ainsi en 2014 dans son recueil Au seuil de la nuit, il écrivait « L’enfance semble être un chien étreint par les larmes du deuil […] l’enfance est une cerise de chrysanthèmes et des pleurs écorchent ta gorge ». Deux ans plus tard, dans cet ouvrage intitulé Et la mort comme reine : « l’enfance lieu de mort de misère où périt la genèse des rêves ».
Et plus tard, les années passées n’ont rien apaisé de cette « maladie psycho-poétique » dévorante “mes yeux sont un chœur de ténèbres”. Les jours “gangrénés par l’ancolie noirâtre”, continuent à faire ressortir l’image de la disparue « et ton cadavre de rebondir comme une lune dans la foire à bestiaux »… « Mais il s’avère que cet homme qui erre en moi, que je hante depuis tant de siècles, n’est autre que mon reflet sous tes paupières. ». « sans toi que serais-je sinon une montagne nue un vocabulaire noir ».
Les allusions (illusions, hallucinations ?) mystiques voisinent avec « les étoiles du rock’n’roll » et les « riff de guitare », « des cordes électriques qui étreignent le vent de ton deuil » comme pour rendre plus de fulgurance et d’intensité à ces mots qui ne peuvent laisser indifférent. Comme englué dans cette désespérance en l’absence de seuil à franchir après le deuil, Deschizeaux fouille dans la mort, « sonde la grande nuit » pour se chercher un devenir.
Il y a aussi dans ce livre une tectonique intérieure faite de déflagrations intimes, et d’appels à l’incandescence de l’âme. Poèmes de l’outran(s)e, ces psaumes en courtes proses violentes vont au-delà de la folie. Mais le poète n’est pas là pour choisir entre le bien et le mal, il cherche ce qu’il y a derrière le noir sans se prévaloir de l’excuse d’obscurité.
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