Dans son dernier recueil qu’elle a voulu en prose poétique, Denise Desautels accompagne ses Tableaux du Parc Lafontaine situé dans Montréal de photographies en noir et blanc tout en dialoguant avec nombre d’auteurs et d’artistes dont les noms sont recensés à la fin.
Sensations visuelles et auditives pour le lecteur comblé qui adhère immédiatement à cette œuvre de mémoire et de transmission. L’auteure, à l’aise avec le style épistolaire, y a l’occasion de s’adresser à son fils dans le but de lui transmettre autre chose que le souvenir des morts dont elle lui a fait peser le deuil. Et c’est ainsi qu’elle le remercie de lui avoir permis de ne plus “ressasser les ruines” et de “regarder plus haut”. Dans ce lieu dont la poète dépend plus que de ses proches comme le dit, en exergue, une citation de Pascal Quignard, la rencontre d’une chouette rayée et dix ans plus tard d’une buse ont ” soudé ” la mère ” vastement vivante ce matin-là ” et le fils. Ces deux rapaces diurne et nocturne symbolisent un imaginaire qui se traduit par des oxymores en clair-obscur.
En effet, d’un côté, “le parc est un lit de ténèbres” et ce noir qui “avance” peut finir par nous “encercler”. Pour la petite fille évoquée c’est la nuit qui règne avec les deuils et ses robes noires, les hurlements des ambulances, les “ténébreux troncs d’automne” et leurs branches noires.
Mais, d’un autre côté, cette “déferlante” doit s’arrêter si la narratrice apprend à “revisiter la vie” pour “la redonner vive ” à son fils comme le parc qui s’est transformé avec, par exemple, ses drapeaux de Buren inventeurs de “chorégraphies”. Aussi celle-ci va-t-elle aller vers la lumière à la recherche d’autres souvenirs et, plus loin encore, dans la seconde partie où elle exerce sa mémoire, à la manière de Joe Brainard et Georges Perec, par de courts paragraphes dont le souffle et le rythme rappellent ceux des versets.
Ponctués par des propos sur le parc, la mort mais aussi l’amour, la nature, la vie y sont racontés. Tout ce qui construit un être, avec les différentes strates du passé. Le lieu, ” comme espèce résistante” est toujours le fil conducteur d’un texte qui continue à dialoguer avec les mots, les vers et les chansons des auteurs.
Même si Denise Desautels a eu l’occasion de dire qu’on ne sait pas ce qu’on transmet vraiment, elle sait qu’elle a, ici, transmis autre chose que la mort. Elle a compris également qu’elle est passée de “nécrophile à maternelle” grâce à l’écriture qui l’a fait renaître.
Présentation de l’auteur
- Gérard Pfister, Autre matin suivi de Le monde singulier - 6 septembre 2024
- Jean-Pierre Vidal, Fille du chemin - 6 mars 2024
- Eric Dubois, Paris est une histoire d’amour suivi de Le complexe de l’écrivain - 5 octobre 2023
- Un hommage à Colette, poète - 6 juillet 2023
- Estelle Fenzy, Boîtes noires - 19 mars 2023
- Un hommage à Colette, poète - 1 mars 2023
- Bruno Marguerite - 1 mars 2023
- Claudine Bertrand, Sous le ciel de Vézelay - 19 octobre 2020
- Claudine Bohi, L’Enfant de neige - 6 avril 2020
- Philippe Thireau, Melancholia - 5 février 2020
- Hélène Dorion, Tant de fleuves - 17 février 2017
- Dana SHISHMANIAN, Les Poèmes de Lucy - 25 janvier 2017
- Gabrielle Althen, Soleil patient - 19 décembre 2016
- Philippe Delaveau, Invention de la terre - 11 novembre 2016
- Jacques Ancet : Les Livres et la vie - 29 mai 2016
- Françoise Ascal : Des Voix dans l’obscur - 19 mars 2016
- Fil de lecture de France Burghelle-Rey : sur Claudine Bertrand, Nicole Brossard, Laura Vasquez - 23 novembre 2015
- Dominique Zinenberg : Fissures d’été, - 18 novembre 2015
- Denis Heudré : Bleu naufrage — élégie de Lampedusa - 7 octobre 2015
- Petr Král par Pascal Commère - 10 mai 2015
- La Lumière du soir, Marwan Hoss - 30 novembre 2014
- Geneviève Huttin, Une petite lettre à votre mère - 8 octobre 2014
- Claudine Bertrand, Rouge assoiffée - 21 juin 2014
- Denise Desautels, Sans toi, je n’aurais pas regardé si haut - 29 avril 2014
- Gérard Pfister, Le temps ouvre les yeux - 23 mars 2014