Des revues numériques à la page
En cette période d’enfermement, physique, spatial, mais aussi mental et psychologique, on remercie vraiment les revues numériques qui viennent à nous, si belles que l’épaisseur de leurs pages et que le plaisir de les feuilleter est aussi immense que lorsque nous tenions celles qui ne nous sont plus accessibles facilement entre nos mains.
Pour ce qui concerne Le Ventre et l'oreille et Ressacs les sommaires ainsi que la disposition des articles et rubriques énoncés sont servis par une mise en page usuelle, c'est à dire celle qui présidait à la mise en page des revues papier : éditos et rubriques, accompagnés par pléthore d'images et de couleurs, mis en page sur un support Calameo que l'on peut feuilleter, tout comme pour les revues papier.
Les possibilités offertes par les outils numériques sont surtout exploitées dans les choix des lignes éditoriales : typographies et iconographie qu'il est bien plus facile de tester afin d'en apprécier le rendu immédiat.
Le Ventre et l'oreille n°4.
Ces possibilités graphiques sont surtout appréciables pour ce qui concerne l'iconographie. Les possibilités sont décuplées, propulsées au rang de ce qui aurait été impossible avec les revues papier. Non seulement parce que la palette de couleurs est infinie, mais parce que le rendu est une fois de plus modifiable et adaptable. Une autre raison de cet afflux de beauté graphique est que bien entendu les coûts d'impression n'existent plus. Et qu'en serait-il s'il fallait payer pour la qualité des rendus numériques ? Quand bien même ce serait possible d'obtenir un rendu approchant, peu s'y risqueraient, c'est certain.
Enfin, bien sûr, il faut évoquer la gratuité de ces publications. Il ne s'agit pas bien entendu d'affirmer que les revues. numériques remplacent les revues papier, car ce sont deux vecteurs différents. Ces dernières sont bien évidemment irremplaçables, et leur fréquentation n'est bien sûr pas du tout comparable à celle des revues numériques. Mais on peut voir là une nouvelle catégorie de publications, qui exploite toute les ressources des outils numériques et les adaptent à un support dont le protocole éditorial reste celui des revues papier telles que nous les connaissons. Il faut parier que ces espaces en ligne offrent au genre l'opportunité d'explorations formelles et paradigmatiques qui ne manqueront pas d'ouvrir vers des pages pluri-génériques et novatrices.
Le Ventre et l'oreille, une revue aussi belle que truculente
Parmi celles-ci il faut citer la très belle revue d'Organe Hurstel et d'Emmanuel Desestré, Le Ventre et l'oreille. Une revue pluridisciplinaire qui propose des rencontres croisées de différentes disciplines artistiques réunies au tour d'une thématique définie par les directeurs éditoriaux, avec pour positionnement ces mannes sensorielles et paradigmatiques que sont la cuisine et la musique réunies dans, par, à travers le prisme d'artistes et de rédacteurs venus d'horizons variés.
Des couleurs et des images d'une rare qualité, qui portent un sommaire très riche et original. Les directeurs de la publication sont très attentifs à ce que tout soit harmonieux, signifiant, et c'est une très belle réussite. Les productions mises en ligne sont d'une qualité remarquable. Cette si jeune publication est un très bel exemple de ce qu'il est permis de faire avec les outils numériques, mais aussi avec ce désir de faire évoluer la catégorie de périodiques qui concernent les arts.
Le Ventre et l'oreille n°4.
L'humour est le parfum d'ambiance qui préside à ce numéro et porte la thématique qui est déployée dans ce syncrétisme artistique et culturel, le sous titre "Vous allez déguster" en témoigne ! Les outils numériques offrent aux maîtres d'œuvre des possibilités infinies... Illustration et mises en page déploient des couleurs à couper le souffle, pour pléthore d'articles dont les rédacteurs issus de différentes disciplines déclinent les inscriptions dans une pluralité de supports artistiques.
Un quatrième numéro dont la thématique, "Temps et mouvement", est d'une très belle facture et d'une grande richesse. Un sommaire suivi par les articles, où on peut trouver des textes sans distinction de catégorie générique. Seul lien, la tonalité, entre sérieux, humour et réflexion. Tout vient interroger la thématique mise en œuvre, et offrir des pistes d'investigation. On referme (numériquement) la revue et on y est encore, dans ce temps en mouvement, qui est celui du défilement des pages ou bien celui de nos existences qui depuis peu ne subissent plus qu'une temporalité exempte de tout mouvement autre que celui mental qui nous est encore accessible.
Le Ventre et l'oreille n°4.
Alors voyager dans Le ventre et l'oreille est tout à fait salvateur, c'est un territoire, un pays hors du monde et dedans, et un refuge s'il en est en cette période de sidération.
Marie-France Leccia, Jason Weiss, Jean-Pierre Marty, Isabelle banco, Françoise Breton, et tant d'autres, servent cette thématique, qui est annoncée en début de volume par les directeurs de la publication pour lier les productions proposées. Après plus rien n'a besoin de venir orchestrer l'ensemble, si ce n'est l'appareil iconographique qui est pure merveille.
Un syncrétisme facilité par les multiples possibilités offertes par la publication en ligne. Et que penser des multiples possibilités d'évolution qu'offre le support de publication en ligne ! Nous ne sommes pas au bout des étonnements c'est certain, quand on voit l'originalité au service d'une qualité qu'aucune faute de goût ne vient contrarier.
Le Ventre et l'oreille n°4.
Ressacs n°6
Ce numéro 6 de Ressacs, "Revue sénégalaise de poésie" consacre la revue de Géry Lamarre et Laîty Ndiaye. deux coordinateurs, dont un est lillois et l'autre dakarois. La qualité et la diversité des publications qui y figurent sont réunies sous la bannière de la poésie. Chaque centimètre de ce numéro lui offre un support digne des plus belles publications papier.
Dans son édito, un des directeurs de la publication, cette fois-ci Géry Lamarre, présente le "nouvel habillage" de ce numéro. Il rappelle sa volonté de susciter un dialogisme entre le texte et l'image. Et la thématique de ce numéro : la poésie !
Après un éditorial dans le sillage de ceux qu'il est possible de trouver dans la plupart des revues papier les voix s'effacent et nous offrent des poèmes de jean-Marc Barrier, de Patrick Joquel, de James Noël et d'autres. Ces textes sont mis en page sobrement et soutenus par un appareil iconographique d'une très belle qualité.
Revue Ressacs n°6.
Tout parataxe est exclu de ce champ dévolu à l'espace poétique. Les illustrations font face aux poèmes. Une pour chaque auteur. A la fin une petite présentation des poètes clôt l'ensemble. Celle-ci permet de mettre l'accent sur l'internationalisme des voix qui y sont présentées.
La typographie ainsi que la présentation des extraits confiés à Ressacs semblent s'effacer, pour laisser place à la beauté de poèmes dont nul ne peut discuter le choix.
A côté des textes qui illustrent la thématique, une page "Champ libre" en fin de volume donne carte blanche à un poète, ici Khalifa Ababacar Faye avant la présentation des participants, qui affiche clairement cette volonté de créer un espace poétique pluriculturel et international.
Grâce aux nouvelles technologies, et au-delà de toute considération pragmatique de possibilités offertes hors des contraintes de l'impression sur papier des productions offertes, nous avons donc une revue sénégalaise de poésie qui offre en plus du croisement pluridisciplinaire, un espace hors de toute frontière à l'expression artistique. Espérons que l'objectif de cette revue fasse école et ouvre la voie à une internationale humaniste et politique. mais ça, c'est une autre histoire...
Revue Ressacs n°6.
Ressacs est un espace de rêve et d'évasion, et quel espace ! La sobriété des pages et la beauté des poèmes qu'accompagnent ces couleurs profondes et enveloppantes des images dont les teintes ici encore nous emportent dans des univers d'une extrême richesse sont au diapason de l'ensemble.
Peu de pages, peu de textes, ce qui est un choix délibéré du directeur de la publication. C'est bien sûr toujours le cas, mais c'est encore plus remarquable pour les publications en ligne, qui peuvent mettre en œuvre une pluralité de pages sur des supports variés sans risquer de doubler voire de tripler le coût de la publication. Il s'agit donc de décrypter ce qui avant était s'adapter aux nécessités économiques, comme des choix délibérés et signifiants.
Ce numéro de Ressacs est donc délibérément léger et dense, qualités qui peuvent certes paraître antithétiques, mais qui ici se rejoignent pour nous offrir une revue ténue mais d'une extrême qualité.
Revue Ressacs n°6.