Didier Gambert, Méditations sur les Espaces, extraits

Le vent rabattait…
Temps ralenti
L’odeur puissante et fraîche…
Au jardin à midi…
Et moi…
C’est l’heure crépusculaire…
La vieille lune au ciel…

 

 

 

Le vent rabattait cette après-dînée comme
Odeur de très ancien village
Puisée où donc

De ses paumes glacées

 

***

Temps ralenti à l’infini
Ivresse des glycines guindées et des lupins
Aux fureurs poivrées de loups végétaux
Face au sud
Et
La rivière en bas

La centrale électrique aux fanons d’acier
Y filtre depuis quand les eaux brunes
De la mémoire

Souvent tout ce qui reste ce sont
Quelques images cruelles
D’un jardin d’enfance à odeur
De puits
de buis
et d’eaux amères

 

 

***

 

L’odeur puissante et fraîche des pommes habitait seule
La maison posée sur le socle oblique des rochers s’égouttant vers la rivière
      Qui coulait vers l’ouest

      Quand elle s’ouvrait

L’enfant célébrait le mystère de l’arbre
Tant les rameaux figés des colombages
Tendaient encore leurs bourgeons
Vers la chaude promesse

     De l’abeille
                                   du soleil
                                                               du vent

 

 

***

 

Au jardin à midi
Un duo de papillons
Tourbillonne
à hauteur de tête d’homme

*

 

Est-ce
Ombres de la sœur
Papillonnant
Hors les chambres du deuil

 

***

 

 

Et moi seigneur régnant d’un jardin de lumière fraîche et verte

Payer mes sujets en monnaie de pape
Frappée au bord du chemin
Régnant seigneur d’une bambouseraie tendue à l’occident
D’un domaine clos
Où l’orage parfois faisait rouler des barriques
Dans ses greniers à ciel
Qu’étiez-vous jeune fille d’orient qui cherchiez
Trésors dans la terre brune
Pas de discord alors âge muet des déluges obscurs et bleus
Murets de pierre sèche était-ce
Chicots de maisons ou clôture de jardins à orties
Chélidoines et pensées sauvages face à la maison des morts
À tous les vents offerte
Où n’entrer qu’en tremblant
Car y dormaient
Calèches et carrosses funéraires

Maison de la mort et des commencements sans porte ni fenêtre
Habitée par des vivants quel étonnement

Morts masqués

 

***

C’est l’heure crépusculaire

Les murs libèrent la chaude haleine
Qu’on sent par tout le corps
On est surpris par la fraicheur des sables
Ils enveloppent les pieds
D’un remous
Froid comme l’eau
Devenue poussière

L’enfant aimerait que de nouveau
Face à l’obstacle

Surgisse l’instant bleu

 

***

 

La vieille lune au ciel ce soir

Dans son embrouillamini de nuées
Veille
Comme un cancer

Que de pâles radiographies rangées dans
Une armoire
Ont livré à des yeux enfants
Scrutant la nébulosité pâle et trouble des organes

Lisant dans le passé l’antique destin de ce
Pilier de famille
Effrité peu à peu

 

Présentation de l’auteur

Didier Gambert

Didier Gambert, né en 1963. A lu et pratiqué la poésie avant de s’en détourner pendant de nombreuses années. Spécialiste de littérature du 18e siècle, en particulier de l’œuvre libertaire de Henri-Joseph Dulaurens (1719-1793), auteur du Compère Mathieu ou les Bigarrures de l’esprit humain (1766), son œuvre la plus connue, ainsi que de L’Arretin (1763). Ces deux ouvrages ont été publiés chez Champion et Hermann. Revenu à la poésie, il y a quelques années, grâce à la lecture d’un poète récemment disparu. Textes publiés dans Lichen, ainsi que dans les anthologies Ailleurs et Un Rêve des éditions de l’Aigrette.

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