Comme d’habitude cette livrai­son de Diérèse est organ­isée en cahiers ; out­re le cahi­er Poésies du monde, on en compte trois con­sacrés à la Poésie française d’ici et de main­tenant, un aux Réc­its, un aux Libres Pro­pos, et un aux Bonnes feuilles (c’est à dire aux notes de lec­ture).  Il est vrai que Diérèse porte en ban­deau « Poésie et littérature ».

L’éditorial d’Olivier Massé, qui revient sur la déval­u­a­tion de la parole poé­tique et sur le rôle joué par les revues poé­tiques qui refusent sou­vent de hiérar­chis­er ce qu’elles présen­tent, affirme cepen­dant que la poésie reste indis­pens­able : opin­ion que je partage car ce genre lit­téraire rigoureuse­ment hors modes et qui fait preuve d’une belle lib­erté d’esprit est sans doute indis­pens­able de nos jours. 

Diérèse n° 70 (Saluer la beauté) : 302 pages, 15 euros (+ 3,88 euros de port). Abonnement à 3 n° : 45 euros (règlement à l’ordre de Daniel Martinez ; 8 avenue Hoche. 77330 Ozoir-la-Ferrière).

DIÉRÈSE n° 70 : « Saluer la Beauté »

Le cahi­er Poésies du monde est en fait un essai sur la poésie péru­vi­enne d’Amazonie, très intéres­sant car ça par­le d’une poésie peu con­nue et à la recherche de son iden­tité ama­zoni­enne qu’on peut définir comme une syn­thèse orig­i­nale des mythes et  de la magie  de l’univers ama­zonien, de l’histoire de la région et d’une sen­si­bil­ité écologique exac­er­bée en réac­tion à l’exploitation forcenée de la forêt… (p 22). Suit un choix de poèmes très sig­ni­fi­cat­ifs. Philippe Mon­n­eveux est l’auteur de cet essai et le tra­duc­teur des poèmes retenus…

Que dire des Cahiers de poésie ? Je ne dirai rien des poètes dont j’ai ren­du compte des recueils (Jean-Louis Bernard, Isabelle Lévesque, Jean­py­er Poëls…), comme je ne par­lerai pas de cer­tains car je lis trop de poètes ( ? ) et la place m’est comp­tée. Alors je sig­nalerai ceux qui m’ont par­ti­c­ulière­ment plu. Patrice Repusseau donne à lire une suite de poèmes con­sacrés à la musique. Cette dernière est le sym­bole de l’Entier qui n’a ni début ni fin : énig­ma­tique et réjouis­sant. J’apprécie Mau­rice Couquiaud pour la com­plex­ité du ter­ri­toire poé­tique qu’il explore et pour les résul­tats que ses poèmes présen­tent… J’aime le poème-reportage ( ? ) sur Nantes de Jean-Paul Bota… Mais j’aurai garde de ne pas oubli­er ceux dont je ne par­le pas ici… Le Cahi­er 3 con­siste en un entre­tien entre Bruno Sour­din et Daniel Abel qui répond aux ques­tions sur ses séjours à Saint-Cirq-Lapopie et, plus générale­ment sur le sur­réal­isme et André Bre­ton. Mais Abel par­lant de Bre­ton par­le de lui et rejoint le sur­réal­isme aujourd’hui et les raisons qui lui font appréci­er René Dau­mal. De cet entre­tien ressort une per­son­nal­ité attachante.

Côté réc­its, celui de Véronique Joy­aux (que je partage totale­ment, mis à part mon « engage­ment » poli­tique, j’avais pour cama­rade le fils d’un mil­i­tant du PC qui fut fugi­tive­ment député : où va se nich­er nos préférences ?) me fait penser à ma jeunesse et  surtout à la deux­ième guerre mon­di­ale dont on sor­tait à peine. J’avoue avoir été pris par l’étrangeté d’ « Autres » de Jean Ben­si­mon : se con­naît-on soi-même ? Dire de cet auteur (et de cet autre texte, « Le Por­trait » ) que Ben­si­mon sem­ble être à la recherche de l’identité…

Éti­enne Ruhaud pour­suit son explo­ration des cimetières parisiens pour repér­er les tombes des poètes et autres célébrités. Même Georges Méliès a droit au statut de poète : « Les soirées s’achèvent par des pro­jec­tions de pho­togra­phies, sur des plaques en verre, dans une ambiance poé­tique » (p 234). Gérard Le Gouic, dans le même cahi­er Libres Pro­pos, signe un arti­cle dédié à Pierre Bergounioux qui a eu droit au dossier dans le n° 1057 d’Europe (mai 2017)… J’apprécie ce qu’écrit Le Gouic, même si je ne suis pas d’accord sur tout, c’est encore le cas ici…

Enfin, le cahi­er Bonnes feuilles ; je remar­que immé­di­ate­ment que trois auteurs présents dans les pages précé­dentes ont un recueil chroniqué. Et je ne dis rien de Bruno Sour­din qui voit son recueil de haïkus présen­té par Hervé Mar­tin, ni de l’éditorialiste (Olivi­er Massé) par Éric Bar­bi­er ; rien non plus de Jean-Louis Bernard qui donne deux notes. Il s’agit de Jean-Paul Bota par Michel Antoine Chap­puis (à moins qu’il ne faille lire Michel André : cherchez l’erreur), de Michel Pas­sel­er­gue par Vin­cent Cour­tois et de Gérard Le Gouic par Pierre Tan­guy… En une trentaine d’articles plus ou moins longs, ce cahi­er met en évi­dence la vivac­ité de la petite édition…

Je ne ter­min­erai pas cette lec­ture sans sig­naler que Daniel Mar­tinez inti­t­ule cette livrai­son « Saluer la beauté ». Beau titre rim­bal­dien qui annonce la couleur et met en lumière la diver­sité de l’expression poétique…

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Lucien Wasselin

Il a pub­lié une ving­taine de livres (de poésie surtout) dont la moitié en livres d’artistes ou à tirage lim­ité. Présent dans plusieurs antholo­gies, il a été traduit en alle­mand et col­la­bore régulière­ment à plusieurs péri­odiques. Il est mem­bre du comité de rédac­tion de la revue de la Société des Amis de Louis Aragon et Elsa Tri­o­let, Faîtes Entr­er L’In­fi­ni, dans laque­lle il a pub­lié plusieurs arti­cles et études con­sacrés à Aragon. A sig­naler son livre écrit en col­lab­o­ra­tion avec Marie Léger, Aragon au Pays des Mines (suivi de 18 arti­cles retrou­vés d’Aragon), au Temps des Ceris­es en 2007. Il est aus­si l’au­teur d’un Ate­lier du Poème : Aragon/La fin et la forme, Recours au Poème éditeurs.