Le n° 67 de Diérèse vient de paraître. Comme d’habi­tude, la livrai­son est copieuse : plus de 300 pages ! L’ar­chi­tec­ture générale est la même : plusieurs cahiers com­posent cet exem­plaire. Out­re le cahi­er lim­i­naire con­sacré aux Poètes du monde, deux cahiers anthologiques, un con­sacré à Hélène Mohone (qu’on avait déjà trou­vée dans le précé­dent), un autre à René Char sont com­plétés par les rubriques habituelles dont Le Tombeau des Poètes et les Bonnes feuilles…

            Le pre­mier présente deux poètes qui me sont incon­nus rap­pelant ain­si fort heureuse­ment que tout savoir ency­clopédique en la matière est impos­si­ble : Gian­car­lo Pon­tig­gia (un Ital­ien) et Ana Luísa Ama­r­al (une Por­tu­gaise), deux uni­ver­si­taires… La par­tie anthologique s’ou­vre avec la pub­li­ca­tion de la fin du feuil­leton de Richard Rognet, “La jambe coupée d’Arthur Rim­baud” dont je dis­ais qu’il s’agis­sait d’une “poésie en prose au cli­mat envoû­tant”. Relec­ture, à la lumière de la mort de Rim­baud de la poésie de ce dernier.  Rognet fait dire (à moins que ce ne soit lui qui par­le ?) à Rim­baud qu’il ne croit plus à l’être par­al­lèle à lui qui crut gag­n­er les élé­va­tions du songe : “Il eût mieux valu faire éclater notre délire  plutôt que de nous évertuer à sup­pos­er qui nous étions”… Je retiens de ce qu’écrit Rognet ces mots : “Morcelés, avec notre temps comp­té, nous ne sommes même pas capa­bles de bien observ­er ce fab­uleux vais­seau que forme sur nos ruines et nos incor­ri­gi­bles bavardages, la jambe coupée de ce risque-tout d’Arthur Rim­baud”. La mort de l’homme aux semelles de vent reste un scan­dale incom­préhen­si­ble ; faut-il l’é­ter­nité devant soi pour écrire de la poésie (on le croit tou­jours, d’une manière ou d’une autre )? Ceci dit, j’ai par­ti­c­ulière­ment appré­cié dans cette par­tie ce qu’écrit James Sacré que je lis depuis longtemps : j’aime cette écri­t­ure volon­taire­ment gauche et émou­vante. Les son­nets stam­bo­liotes de Frédéric Chef, irréguliers, aux rimes pau­vres et aux mots coupés en fin de vers don­nent une vision atyp­ique de  la grande ville turque. Le reportage quo­ti­di­en de Valérie Michel qui capte un réel banal, la poésie cul­tivée de Jean-Paul Bota, Jean­py­er Poëls qui revis­ite à sa façon par le poème l’his­toire de l’art, Daniel Leuw­ers, Isabelle Lévesque et quelques autres mon­trent, vers et pros­es mêlés, la diver­sité de la poésie fran­coph­o­ne contemporaine…

             Jean-Luc Coudray pour­suit son explo­ration de l’u­nivers lit­téraire d’Hélène Mohone en présen­tant son tra­vail et en pub­liant une pièce inédite de celle-ci,  “Si près des champs”… Ambiva­lence et pro­pos opposés du mar­ié qui attend l’épousée, dia­logues nerveux et rebondisse­ments, gra­tu­ité des sit­u­a­tions et chute imprévue en font une pièce étrange… Le cahi­er René Char donne à lire une étude de Jean-Louis Bernard et un bref poème inédit de l’au­teur du Marteau sans maître… Présence / absence, vio­lence / désir, obscu­rité / her­métisme, beauté / mort font de René Char un poète non-explic­a­ble selon J‑L Bernard qui affirme et ques­tionne… Éti­enne Ruhaud s’in­téresse au cimetière du Père Lachaise. Après en avoir retracé l’his­toire, il se penche sur quelques tombes de sur­réal­istes célèbres. C’est l’oc­ca­sion de met­tre en lumière quelques fig­ures oubliées avec Hans Bellmer et Uni­ca Zürn, André Pieyre de Man­di­ar­gues et Bona Tib­ertel­li de Pisis… Une suite est annon­cée. Le cahi­er “Bonnes feuilles” regroupe une trentaine de notes de lec­ture dues à onze rédac­teurs, il témoigne de la vital­ité de l’édi­tion de poésie.

             Cette livrai­son de Diérèse est stim­u­lante. À suiv­re donc…

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