Dominique A, de l’ardent Courage des oiseaux à la Vie étrange…
« Si seulement nous avions le courage des oiseaux / Qui chantent dans le vent glacé » confie l’artiste à travers sa chanson-manifeste, extraite du disque initial La fossette et reprise dans la capture de concert Sur nos forces motrices, en invitation à déployer nos ailes, si ce ne sont des exhortations à nous battre contre les éléments, à renverser le sort qui se déchaîne, à faire preuve de la bravoure dont témoignent ces volatiles, dont Dominique A s’affirme un messager, l’intermédiaire, nous rendant ainsi plus sensibles à l’éphémère tissé au jour le jour, cette trace de notre « éphéméride » des petits riens aux grands rendez-vous. Chacun des textes de ce grand artisan écrit au cordeau, justesse des mots dans l’écrin d’une musique délicate, s’avère un prélude, une préface à une vie agrandie, à laquelle nous aspirons, à respirer à pleins poumons, compagnons de cette magnifique aventure.
À surmonter le sordide et à atteindre alors le sublime, à faire du moindre défaut, de chaque vertu l’occasion d’un mieux-vivre, en harmonie avec la nature, en intelligence avec nos semblables, dans une luminosité commune. Amis des instants de grâce qui balaieraient les dates de malheur, à tire-d’ailes-épousailles des mouvements à envoler nos âmes, mais en parfait accord avec le monde retrouvé, telles ces puissances rotatives à l’émotion de chacun…
En jalons de ce combat pour une vie meilleure, les chansons s’égrainent, dès les premiers albums, miroirs troubles des tâtonnements et des émois Pour la peau :
Dominique A - Le Courage des Oiseaux
« Qu'est-ce que tu n'ferais pas Pour la peau? » à la déclaration de l’être en proie au tourment Je t’ai toujours aimée : « Avant de sombrer dans l’erreur / Et de couler comme un vieux cargo / Mon tout dernier regard / Se portera sur ton cœur / Où je cachais chaque nuit / Les plus honteux de mes sanglots », dès les auspices d’Auguri, en s’ouvrant au salut des marins à L’Horizon à trouver : « Mais un jour sur ta manche tire le capitaine / Les yeux exorbités, il te dit, « Repartons ». / Il est temps de sortir du sommeil des reines / Car nul ne vous attend autant que l'horizon. » ou à la réminiscence mallarméenne d’un romantique idéal vers L’Azur : « Ceux qui partaient / Tout le malheur/ Semble étranger au bleu du ciel ? » via La Musique vectrice de ce chant obstiné, prompt à faire tomber, un à un, les obstacles semés : « Et la musique charriait l'onde / Et le principe d'immunité / Tombait aux pieds de la musique / Et les digues de s'incliner » …
Son impérieux appel Vers les lueurs, à l’ère où tous les paysages se ressemblent, entre autoroutes, hangars, marchés, grandes enseignes et parkings bondés, se fait clameur dans Rendez-nous la lumière : « Rendez-nous la lumière, rendez-nous la beauté / Le monde était si beau et nous l'avons gâché », les autres morceaux de ce disque-clé sonnent en autant de variations d’une même quête de clarté, Loin du soleil : « Oh même en plein soleil / On est toujours loin du soleil », Quelques lumières : « Je ne demande pas la lumière / Quelques lumières seulement / Longeant le bord de la rivière / Jusqu'à la rue que rien n'éclaire », Vers le bleu : « Mais comment vais-je faire pour / Pour te ramener vers le bleu? », Par les lueurs : « Et soudain / Par les lueurs / Nous voilà traversés / Par les lueurs », une seule et unique soif d’incandescence traverse ainsi l’album-concept en aspiration profonde qui innervera encore l’écriture, du besoin toujours du grand large vers L’Océan dans Éléor : « Si ma ligne de vie venait à se casser / J'aimerais pour finir avoir encore le temps / De monter sur la dune et le voir écumer / J'aimerais pour finir regarder l'océan » à la nostalgie des luminescents commencements dans Toute latitude : « Nous avions toute latitude et toute la vie / Toute latitude et toute la vie / Aucun engagement d'aucune sorte / Et pour seule devise, « peu importe » », en passant par la lueur vacillante de La Fragilité : « Chaque jour cherche à cacher / Ce que tu as, de plus précieux / Ce qui te fait garder les yeux, ouverts / Ta fragilité »…
Dominique A, "Désaccord des éléments", Le monde réel, disponible ici : https://dominiquea.lnk.to/lemondereelYD
Il y évoque les doutes solitaires et les rencontres marquantes, son lot de joie et de peine, en invitant son lecteur à entrer dans son univers de créateur, celui qu’il sublime dans le dernier EP Vie étrange où la place de l’écriture conjugue encore le feu reliant l’intime à l’universel, faisant du contexte du confinement et de la disparition du chanteur Christophe, le témoignage sur le fil de la perte, déroulant sa litanie inconsolée tandis que la pluie tambourine à la fenêtre : « Quelle vie étrange / Plus de mots bleus, no more »… Morceaux épars, éclats de textes, bribes de soi et des autres, ses Papiers froissés remontent aux bagarres de l’adolescence, pour mieux « défroisser » cette existence entre capture, don, partage et petites manies : « Nous sommes des papiers froissés / Des gosses avec le cœur pilé / Qui jouent entre eux à se blesser », puis cèdent enfin le pas à l’attente d’une Éclaircie, cette reprise du groupe de Marc Seberg, qui viendrait ramener à son tour l’être aimé : « Et si ce n'est pas pour demain, alors j'attendrai le jour d'après / Un millier d'années, un éclat de verre, milliers de larmes / Une éclaircie ». Ne croirait-on entendre étrangement la chaleur toute en mélancolie du Sud de Nino Ferrer ?