Archive Fever Making Tracks
You are I am a tracker bent crouched close to the page ground looking
for traces and signs that sense you has have passed this way
You sniff sniffing for the scent of absence you
but above all feeling
for the gap in your my life
that wants to fill this page
alone
The air is incandescent
The white page track glows
Emptiness talks back talks back talks back
to the heat that cracks open the world ground
This is a land of surfeit and lack
of hardness and clarity of image
of absence that opens out
or closes up the world
and sometimes the heart
Derrida, J 1998 Archive Fever: A Freudian Impression.
Chicago: University of Chicago Press. Trans Eric Prenowitz, p. 92.
Mal d’archive
Traqueur, tête penchée sur la page, yeux avides
de traces et de signes témoins de sens
Tu recherches l’odeur de l’absence
mais par-dessus tout
c’est le vide dans ta vie que tu désires sentir
L’air est incandescent
La page blanche s’embrase
Et le vide se fait l’écho écho écho
de la chaleur qui fracasse le monde
Cette terre d’excès et de manque
d’images à la fois dure et claires
d’absence agrandissant
ou refermant ce monde
et parfois aussi le cœur
Derrida, J 1995 Mal d’archive: Une impression freudienne. Paris: Galilée, p. 98
Hushed
Light pours down
the unrelenting sky
to earth ribbed and ridged
with the tough stroke
of Drysdale’s brush
I track down words
for hues and shades in books
envy the skill of artist-explorers
who forged new ways of seeing
The cries of crows fall
Through blues onto rusty ochres
pulsing with raven dust
This place stills my tongue
Stupeur
La lumière coule à flots
d’un ciel implacable
sur la terre ridée et striée
d’un coup de pinceau
dru à la Drysdale
Je traque des mots voisins
D’ombres et de teintes dans mes lectures
enviant l’adresse des artistes-explorateurs
qui forgèrent de nouvelles façons de voir
Les cris des corbeaux tombent
Au travers de bleus sur des ochres rouillés
palpitant de poussière de jais
Ce pays me coupe la langue
Fire relies on the leaves of gum trees
No sound fits this spectacle No sound
but the hiss of fire bark grass
searing your world into sheer whorls
of alliterations Hallucinations
of words resounding with nothing
Following faultlines a gorge aflame
furrows erased in granite and sandstone
lines of scribble gums forever
receding The gorge
barring you
Now how could I speak again
when syllables shatter on my page
turning words inside out
when letters hover in the air
like the smell of your burning skin?
We were discussing poetics
on our mobiles How we didn’t need
manuals for wordsmiths
preferred to work words as an end
in itself make a poem fulfilled
in its enaction look inwards
to the materiality of language
on the page and in the mouth
stress the event not the effect
You said good bye
And now I dream that you flit
out of my skin your voice
lettering me Poetic enjoyment
perhaps as if to resist
the etiolation of language
Don’t put individual utterances on show
you say Perform their moves
of repetition re-use reiteration
show your reader the absurd
desire to contain ( )
For here is the gum and its inferno remains
the grave among blistered roots
the mouthless earth lulling one to leave
If it could speak it would say
here is the silence here is the question
Le feu s’élève des feuilles d’eucalyptus
Aucun son ne rend compte de ce spectacle Aucun son
hormis ce sifflement feu écorce herbe
donnent de ce monde la brûlure le tourbillonnement pur
des allitérations Hallucination
des mots qui résonnent de rien
Suivant les fissures une gorge enflammée
creuse secrète le granit le grès
avale des lignes d’eucalyptus
à jamais Cette gorge
qui te nie
Comment réapprendre à parler
quand les syllabes se fracassent sur ma page
mettent les mots sens dessus dessous
quand les lettres flottent dans l’air
comme l’odeur de ta peau qui brûle ?
Nous parlions poésie
sur nos portables Comme nous n’avions nul besoin
de manuels pour faiseurs de phrases
et préférions le travail des mots comme fin
en soi accomplir le poème
son passage à l’acte pénétrer
la matérialité de la langue
sur la page dans la bouche
privilégier l’événement non l’effet
Tu m’as dit au revoir
Et maintenant je rêve que tu m’échappes
que tu quittes ma peau ta voix
gravée en moi Jouissance poétique
peut-être comme pour résister
à ce qui s’étiole dans la langue
Ne te mets pas en scène
dis-tu Joue de ce qui se déplace
dans la répétition le réemploi la réitération
montre à ton lecteur l’absurde
désir de maîtriser ( )
Car voici l’eucalyptus et sa dépouille infernale :
tombeau parmi les racines boursouflées
terre sans bouche qui nous invite à la quitter
Si elle pouvait parler elle dirait
voici le silence voici la question
Catch
Smell the rain on the breeze
down at the river mouth
where fishermen stand
in the swirl of incoming waters
Feel the first drops on your skin
where the mystery of the ocean
draws away from salt spray
and the chill of the west wind
Ribbons of kelp sway in the deep
Refracted light dapples your face
as the child comes up for air
Your hands, useless
against the sky
Arms, broken wings
skeleton dust
Osprey kestrel tern skua shearwater sandpiper swift
Pêche
Hume la pluie dans la brise
à l’embouchure du fleuve
là où les pêcheurs se tiennent
dans le remous de la marée montante
sens comme les premières gouttes sont douces
là où le mystère de l’océan
se retire des embruns salins
comme le vent d’ouest est frais
Des rubans de varech s’enroulent dans l’eau profonde
Des taches de lumière miroitent sur ton visage
quand l’enfant fait surface
Tes mains, inutiles
contre le ciel
Bras, ailes cassées
poudre d’épave
Paul Klee on the beach
Yellow major swells and heaves
beneath abstracted skies where
angels float across the horizon
casting shadows in the foreground
between you and the sea afire
Textures ebb and flow, ebb and flow
exposing scoured and scarred surfaces
as if time had scraped the body
of the world clean, leaving
filaments of salt in the cracks
You can feel the white hot thing
moulding itself into shape, thrusting
its arms and legs into the corners
of the dissolving canvas, glazing
your eyes and the sand in your soul
Paul Klee à la plage
Crescendo de jaune majeur
sous des cieux abstraits là où
des angles flottent ver l’horizon
insérant leurs ombres au premier plan
entre ta silhouette et la mer embrasée
Le flux et le reflux des textures
expose des surfaces raclées et mutilées
comme si le temps avait récuré le corps
du monde à mort, abandonnant
des filaments de sel dans les cicatrices
On sent la chose chauffée à blanc
se mouler en une figure, fourrant
ses bras et ses jambes dans les coins
de la toile qui fond, vitrifiant
tes yeux et ton âme ensablée
Les poèmes ci-dessus sont extraits de Tracks (inédit).
Excepté “Le feu s’élève des feuilles d’eucalyptus”, dont la version française est de Claude Held, les traductions des textes rédigés en anglais sont de l’auteure.
Les poèmes suivants ont été publiés auparavant :
- 2016 — Archive Fever, In S. Holland-Batt, The Best Australian Poems. Melbourne: Black Inc., p. 88.
- 2015 — Archive Fever, Axon.
- 2015 — Mal d’archive, La Traductière, Revue internationale de poésie et art visuel, 33, 121.
- 2008 — Fire relies on the leaves of gum trees / Le feu s’ élève des feuilles d’eucalyptus. La Traductière: Revue Franco-Anglaise de poésie et art visuel, 26(June), 96 — 97.