Dominique Sampiero, Où vont les robes la nuit, extraits, et poèmes inédits

 

Où vont les robes le nuit, extraits

 

 

Un matin, j'ai ouvert les portes de la maison
et j'ai invité le nuage le plus animal à entrer. Puis
j'ai décroché ta petite robe noire de son cintre de 
bois clair dans l'armoire cirée où dorment encore
toutes tes enveloppes.

 

∗∗∗∗

 

 

Mais un matin
le manque m'a chuchoté
cette porcelaine
d'une phrase

Si tu laisses la robe
dans le lit d'herbe de ton jardin
elle va germer
et les contours du paysage
lui dessineront
des seins
des hanches

le manque de l'homme
que tu as été.

 

∗∗∗∗

 

 

 

 

 

 

J'ai attendu sous la coque nocturne du bateau de
cendre, là où on avait tant navigué, là où la houle
de nos caresses griffe encore la poussière de cette
fièvre noire, épaisse comme le néant sous le lit, j'ai
attendu que ton corps me murmure, me supplie de 
te serrer dans mes bras.

 

∗∗∗∗

 

 

Où vont les robes la nuit
quand les femmes
les déposent en offrande
à leur chaise ?

Où va l'âme des femmes
endormie dans le cri de l'herbe

 

∗∗∗∗

 

 

Un jour les phrases rejoignent exactement ce 
qu'elles ont appris à dire. C'est ce que ta main a
rendu à la mienne en la serrant très fort.

 

 

 

Basse résolution

Présentation de l’auteur

Dominique Sampiero

Dominique Sampiero est né dans l’Avesnois, région de prairie, de forêt, de bocage du Nord de la France, l’hiver où l’abbé Pierre lance son appel pour les sans-logis, quelques jours après la mort de Matisse et le même mois que la démission de Marguerite Duras du Parti Communiste.

Instituteur et directeur en école maternelle à partir de 1970 et pendant une vingtaine d’années, militant des pédagogies Freinet, Montessori, Rudolph Steiner et de la pensée humaniste de Françoise Dolto, il démissionne de l’Education nationale en 2000 pour se consacrer entièrement à l’écriture.

Poète (Prix Ganzo 2014 pour La vie est chaude, éditions Bruno Doucey et pour l’ensemble de son œuvre), romancier (Le rebutant, Gallimard, prix du roman Populiste 2003), auteur de livres jeunesses (P’tite mère, Prix sorcière 2004) mais aussi scénariste (Ça commence aujourd’hui, Prix international de la critique à Berlin, et Holy Lola, deux films réalisés par Bertrand Tavernier) auteur de théâtre (TchatLand / Le bleu est au fond) et réalisateur de courts métrages (La dormeuse / On est méchant avec ceux qu’on aime), il reste profondément attaché à sa région natale et une grande partie de son écriture parle de la lumière des paysages et des vies minuscules en lutte avec leur propre silence et l’oubli.

Son dernier roman Le sentiment de l’inachevé paru en Avril 2016 chez Gallimard est une plongée dans l’enfance à travers laquelle il raconte une histoire d’amour qui laissera une empreinte forte dans son élan vers l’écriture. La petite fille qui a perdu sa langue (Gallimard jeunesse Giboulées. Illustrations Bruno Liance ) a été écrit avec des enfants en difficulté scolaire. Les éditions de la Rumeur Libre ont publié le premier tome de l’ensemble de ses textes poétiques.

Photo de Jacques Van Roy.

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