Dossier spécial, n. 206 : Musique, chant et poésie pour un siècle troublé

. Car une fois pour toutes,
c'est Orphée quand "ça" chante. Lui qui vient et repart.

Rainer Maria Rilke , Les Sonnets à Orphée, (I, 6)

pour toutes, c'est Orphée quand "ça" chante. Lui qui vient et repart.

Il est des temps où plus que jamais la poésie est un recours contre le désespoir, un remède contre l'enlisement dans une réalité que tout présente sous son aspect le plus sombre. Le XXIème siècle naît sans doute vraiment en cette année 2021, marquée par une pandémie qui bouleverse nos repères, nous isole, morcelle la société, suscite la peur... Dans ces temps qui semblent avoir cessé de chanter, de toutes nos forces, nous en appelons à la puissance de la poésie – celle qui de toujours comme une source coule de la lyre d'Orphée, mais qui assume aussi tous les visages de la modernité.

Du « cantus obscurior » que Patrick Quillier nous invite à découvrir dans les textes, devenant de lecteurs des "auditeurs capables de désensevelir la dimension acousmatique des textes " au rapport subtil entre silence et  chanson, cette « façon de parler à l'intime des gens » tel que l'évoque Jean-Louis Bergère dans son entretien avec Carole Mesrobian, c'est à un voyage entre des pratiques, des époques et des mondes musicaux et poétiques divers que nous vous invitons.

Ainsi les expériences de la cymbaliste Yi Ping Yang qui s'entretient avec Christine Durif-Bruckert de son rapport à la poésie, et nous fait découvrir Hélène de Montgeroult, compositrice et interprète du XVIIIème siècle injustement oubliée. Ainsi les chansons d'un lyrisme éthéré et sensible écrites et interprétées par Alexia Aubert qui s'accompagne à la guitare, les textes tragico-burlesques et engagés de Plume Linda Ruiz, comédienne et pianiste de jazz, ou de Violette Guyot, qui au piano a préféré le yukulélé, "plus facile à transporter" : trois visages de femmes qui répondent à leur façon aux magnifiques portraits en N&B de Jeanne Davi présentés par Carole Mesrobian dans "Miroir des femmes du jazz".

Au monde du jazz appartient aussi le poète et performeur new-yorkais Barry Wallenstein, présent avec une sélection de poèmes tirés de son CD Pandemonium, inédits en Français, dans la traduction de Marilyne Bertoncini, et pour son livre Tony's blues, présenté par Jane Hervé dans les critiques, où l'on trouvera un article de Didier Gambert sur le livre de Mathias Lair, Ecrire avec Thelonius Monk.

Ecrire avec, ou écrire « sur » des textes : c'est le propos du compositeur Damien Charron qui donne des exemples très précis de son travail de création musicale sur des texte poétiques à partir d'exemples concrets - extraits sonores et partitions.

Ce numéro de janvier est aussi l'occasion, avec ce dossier spécial, de lancer la nouvelle chronique musicale récurrente de Rémy Soual, dont le premier épisode est consacré à l'univers de Christian Olivier, des Têtes raides et des Chats pelés.

Nous vous souhaitons bonne lecture de l'ensemble du numéro, de belles découvertes, et une année sous le signe de la poésie, car

Il y a
encore des chants à chanter au-delà
des hommes. (Paul Celan)