Cette publication ainsi que celle des poèmes d’Angelo Tonelli étaient destinés à être des interventions prévues au sein du Festival annuel de Poésie de Solliès-Pont. Ce travail démontre combien nombre de ceux qui défendent et illustrent la Poésie avaient préparé les nombreuses manifestations qui auraient dû avoir lieu. Malheureusement, tout comme le Marché de la Poésie de Paris, cette rencontre annuelle a fait l’objet d’un arrêté préfectoral et a été annulée au dernier moment. Nous avons donc voulu honorer le travail de son organisateur Georges de Rivas, et de tous ceux qui avaient prévu de venir pour certains de très loin, pour montrer combien est vive la Poésie et porter sa parole, comme nous tentons de le faire ici.
I Du mystère d’Amour à la présence du Logos
Si en l’origine était le verbe, la poésie est par essence le chant orphique et la lyre son signe emblématique. Baudelaire l’a défini ainsi : « Tout poète lyrique en vertu de sa nature, opère fatalement un retour vers l’ Eden.» Orphée et Eurydice liés l’un à l’autre comme la parole au silence attestent qu’il n’est d’histoire que de l’âme en quête d’harmonie et de lumière-amour. Par Eurydice se révèle le sens mystique de l’âme qui est le sens du silence, et Orphée s’ouvre par là même à la beauté, à l’effusion et à la grâce d’un chant inouï subsumant la douleur de sa descente aux Enfers.
Eurydice, recluse dans les closeries de son silence éveille l’ouïe intérieure du poète inspiré par son absence. Ainsi Orphée va-t-il enchanter les Furies en devenant le témoin auditif et extasié de l’harmonie retrouvée du monde.
Eurydice, recluse dans les closeries de son silence éveille l’ouïe intérieure du poète inspiré par son absence. Ainsi Orphée va-t-il enchanter les Furies en devenant le témoin auditif et extasié de l’harmonie retrouvée du monde. Les doigts d’un archet invisible glissent sur toutes les cordes et les fibres de son corps révélé comme la lyre où vibre la musique des sphères et la Voix où s’élève le chant d’Univers. Le chant orphique dévoile son mystère, événement intérieur et avènement de la Voix où s’égrène sous la beauté d’images euphoniques l’alliance renouée entre musique et poésie.
Gustave Moreau, Orphée.
Et au-delà de l’image et du son vibre le timbre unique d’une voix d’or, fille du plus haut silence où se parlent les vivants et les morts. Ainsi la poésie déploie-t-elle au-dessus du néant les ailes d’un lyrisme poignant et flamboyant.
John Roddam Stanhope (1878), Orphée
Sa source est l’amour et la beauté du chant est son émanation par la grâce d’une parole nimbée du sceau céleste du Logos. La poésie orphique n’est pas seulement descente aux enfers – la Catabase- elle est aussi l’Anabase, ascension vers la source originelle de sa parole de pure essence supra-sensible. Elle résonne à un alphabet prénatal, à un vivant mystère d’outre-mort, assumant la vocation de sa voix oraculaire, prophétique. Il s’agit dès lors de « la révélation éclatante d’axiomes et de hiéroglyphes qui ont existé avant l’univers et qui se maintiendront après lui » comme l’a écrit Lautréamont.
Eurydice, lumière de l’âme plongée dans la nuit est la muse d’un chant d’amour inouï émané de la voix-lyre d’Orphée aux lèvres d’or.
Elle est l’innocence qui prélude aux destinées des grands poètes, la muse de la poésie orphique qui est lyrique mais aussi tragique et épique. Son mystère naît de sa confrontation au mal ; sa disparition tragique, son arrachement à la joie nuptiale sont la source de la beauté d’un chant qui est « une langue de l’âme pour l’âme ».
Orphée et Eurydice de Gluck, “J’ai perdu mon Eurydice”, Juan Diego Flórez et l’Opéra Royal.
Le poète Adonis révèle ainsi le sceau sous lequel apparaît l’inspiration orphique : « Avec la langue, on fait l’élégie des choses, mais qui fera l’élégie de la langue ? ». La lyre d’Orphée est gloire et célébration du Logos, son auto-révélation par le médium du poète, incantation jaillie à même l’Origine et fait écho à l’injonction de Hölderlin : « Maint homme / a peur de remonter jusqu’à la source ».
II La quête d’une Langue du Paradis
Orphée comme Dante vivent la douleur de l’impossible amour. Seule une langue divine, un chant de l’Origine pourraient délivrer cette parole enchanteresse où les dieux et les hommes conversaient au Paradis. Au chant 23 du Paradis, Dante évoquant Béatrice écrit : « Et à la lumière vive transparaissait / la substance brillante, si claire / dans mon regard qu’il ne pouvait la soutenir. » Et elle me dit : « Ce qui t’abat / est une force à quoi rien ne résiste / Là est la sagesse et la puissance / qui ouvrit la voie entre ciel et terre / dont jadis le monde eut un si long désir. »
Dante nous dit : « ainsi mon esprit / devenu plus grand, sortit de soi-même/ et ne sait plus se souvenir de ce qu’il fit. Si à présent résonnaient toutes les langues / que Polymnie fit avec ses sœurs / on n’atteindrait pas au millième du vrai en chantant le saint rire, / et comme la sainte lumière le rendait pur ; / ainsi en décrivant le paradis / le poème sacré doit faire un saut / comme celui qui trouve la voie interrompue » (Le Paradis Gallimard p 219).
Arthur Rimbaud, 1854–1891, photographie d’Etienne Carjat vers-1872, L’Express.
Au seuil de cette parole inaccessible se sont heurtés les plus grands poètes : « marche forcée dans l’indicible » pour René Char et Rimbaud s’écriant : « Je n’ai que des mots païens » ne pouvant exprimer sa sublime vision suprasensible. « Les mots manquent » écrit Hölderlin qui se consume dans le feu de son intuition ayant perçu le Logos comme l’origine de toutes choses au monde.
René Char confirme une telle intuition, saisissant l’essence de ce mystère orphique : l’identité narrative du Logos devenu langage qui se déploie et se connaît lui-même dans le poème. Sur un ton prophétique, il dit la venue imminente du poème et son éminente vocation : « Les mots qui vont surgir savent de nous ce que nous ignorons d’eux ».
Le poète s’avère ainsi co-extensif au langage qui l’édifie à tous les sens du mot et Orphée se révèle comme le chantre consubstantiel au Logos dans l’éclat d’éternité d’où vont jaillir, au-delà des mots, les sons inouïs et les harmoniques de son chant. Car René Char nous le précise : « Il semble que ce soit le ciel qui ait le dernier mot mais il le dit à voix si basse que nul ne l’entend jamais ». Cette voix-là est bien la voix du silence, précellence de la voix d’Eurydice en son essence-ciel, qui murmure à l’oreille du cœur et inspire le chant orphique.
Orphée et Eurydice (Christoph W. Gluck), opéra dansé de Pina Bausch, à retrouver du 24 mars au 6 avril 2018 au Palais Garnier.
Lumière incréée, instillée en l’obscure nuit de l’âme, Eurydice investie de haute mémoire songe sous ses lèvres closes, le destin de l’âme du monde et le retour d’Orphée sous le sacre du silence et le sceau de la beauté. Elle est l’écho éthérisé du sublime amour dont est tissé le Verbe et en la rose blanche de son cœur que miment les colombes elle est la résonance éternisée de la parole perdue.
C’est bien le ciel qui a le dernier mot : Dante nous l’affirme depuis sa haute vision éprouvée lors de son ascension vers l’Empyrée. Le poète fait écho à l’intercession de la prière adressée à la Vierge par Saint-Bernard, telle qu’évoquée au Chant XXXIII du Paradis.4 La Vierge est bien l’image vivante de la Divine Sophia préfigurée par Béatrice, sa médiatrice guidant le poète dans le monde spirituel.
Ainsi la vénération de Dante pour Béatrice est vénération envers l’éternel féminin qui inspira les plus grands poètes, musiciens et artistes, elle est la source inspiratrice de la Sophia Perennis.
La Rose blanche d’où émane la lumière virginale est présence éternisée de la Sophia, et Béatrice est l’éternel Féminin reflétée dans l’âme de Dante comme Eurydice en est l’écho éthérisé vibrant en l’âme d’Orphée …Et il est encore et toujours question d’indicible et inaccessible étoile, celle qui dispense la grâce.
Dante s’adresse ainsi à la Vierge-Sophia : « Dame tu es si grande et de valeur si haute/ que qui veut une grâce et à toi ne vient pas / il veut que son désir vole sans ailes. »
Et Dante nous précise : « ma vue en devenant limpide/ entrait de plus en plus dans le rayon / de la haute lumière qui par soi-même est vraie.
« A partir de ce point mon voir alla plus loin / que notre parler, qui cède à la vision, / et la mémoire cède à cette outrance. »
Tel est celui qui voit en rêvant, / et, le rêve fini, la passion imprimée / reste, et il n’a plus souvenir d’autre chose. » (p. 309 ) « A cette lumière on devient tel / que se détourner d’elle pour une autre vision/ est impossible à jamais consentir ; »
Christoph Willibald Gluck, Orphée et Eurydice, Monteverdi Choir, Orchestre Révolutionnaire et Romantique, metteur en scène John Eliot Gardiner, chorégraphe Giuseppe Frigeni, directeur artistique Robert Wilson.
« Mais pour ce vol mon aile était trop faible : / sinon qu’alors mon esprit fut frappé / par un éclair qui vint à son désir.» (p. 313)
L’Imagination à l’œuvre dans la Divine Comédie, ici-même au chant 33 a été lumineusement comprise dans son essence supra-sensible par Saint- John Perse et ainsi exprimée lors de son Discours prononcé à Florence à l’occasion du 700éme de la naissance de Dante :
« Il a vécu à hauteur d’homme des temps qui ne sont pas le temps de l’Homme. »
Propos liminaires relatifs à l’approche du mystère orphique.
Témoignage de ma propre inspiration ce texte ouvre la réflexion consacrée à la voix orphique. Elle sera sensible à toutes ses approches comme à celles qui vivent aux lisières du mystère orphique, depuis l’Inexprimable Rien de Giuseppe Ungaretti à Philippe Jaccottet pour qui « Dire avec des mots ce qui n’est pas dicible sera le rôle du poète. »
J’ai vu la mort aux yeux de marbres de Carrare
La Beauté Eurydice Chant III (page 22–23-24)
I. Eurydice
J’ai vu la Mort à face de carême, son visage blême aux yeux de marbre de Carrare qui descendait depuis l’Anneau d’Oort sur son carrosse macabre rempli de spectres glabres et blafards comme l’aura des lunes hivernales !
J’ai vu la Mort au crâne de céruse qui voguait sur son coursier aux crinières de cendres guidé par des candélabres nimbés de nuit, leurs sept yeux troués par les sept sceaux des ténèbres !
La Mort et son cortège de ruses, ravie jadis de voir la couronne d’épées au front du tyran de Syracuse
la mort qui laissait échapper de sa Bouche d’Ombre des myriades de voix de Cassandre
Et leur timbre strident de striges, pareil à l’effet torpide du curare, plongeait dans une profonde sidération les neuf Muses pétrifiées en leur haute Constellation !
J’ai vu la Mort en son apparat de ténèbres ouvrant leurs yeux d’or trompeur et sans carat dans les cieux vides
la mort surgie sur son traîneau de plomb où traînaient des plumes de palombes calcinées et ses yeux de sabre marbré où pleuvaient des larmes de sang jaillies aux orbites nues des Pleureuses et des flocons de neige noire aux orbes de sphères sans mémoire !
Et sur la vaste ellipse d’un astre aux apsides anoxiées deux foyers vides comme des pupilles de mort en coma
Et d’autres astres troyens exorbités exhibant encore la poussière d’une apocalypse à leur chevelure de trichoma !
J’ai vu un cortège d’astéroïdes troyens échevelées qui, propulsés par l’ire de titans resurgis, hélitroyaient des tyrans aux masques de démons fomentant des séismes et des autodafés !
Et d’autres entités qui hantaient depuis la nuit des temps le seuil d’éternité où se cache la Beauté
Sombres divinités au service du Malin qui troublent les mânes des morts, telle la sorcière qui dans l’opéra Orlando Furioso vole les cendres de Merlin !
J’ai vu encore depuis la Voie lactée une route lointaine encombrée d’ombres pensives qui tenaient conseil avec le peuple des elfes et l’Esprit des forêts
Et tous appelaient depuis l’héliopause où s’initiait de très grands souffles oraculaires
Tous appelaient le retour d’Orphée, le poète inspiré par l’ Ether !
J’ai vu une âme couleur fleur de pécher guidant la nuée de génies et voyants qui pressaient le pis d’or vermeil d’une étoile naissante à peine sortie de sa couche embrasée.
Et veillant avec Hölderlin sur l’alphabet divin, Rimbaud chaussé des cothurnes de foudre qui dansait sur les feux des novas ayant trouvé la langue divine où se révèlent toutes choses au monde
J’ai vu Rimbaud exhaussé aux portes du firmament, arborant la grâce de la beauté en son âme nimbée du lys blanc, et son cœur très ardent saisi par l’éclair du pur amour où embaumait la rose rouge qui l’appelait depuis la Terre !
Vi recorda, o boschi ombrosi : l’Orfeo de Claudio Monteverdi.
Orphée
Ô Génie de Rimbaud, en tes abysses encore vertes fuyant l’ennui des villes et des salons littéraires au fond d’obscures Abyssinies
Enfant des froides Ardennes parti pour le golfe solaire d’Aden où tu rêvas dans ta solitude abyssale d’ange déchu à l’Eden que le siècle te déroba !
Et depuis ton trépas, tu es devenu, âme très rebelle, un enfant de Marseille que la Vierge sur les Hauteurs pleura deux fois à ton entrée dans le port
Car tu portais à tes membres le poids de ta ceinture d’or et dans ton cœur de Voyant, le rosier arborescent du chant éternel, la merveille des Voyelles !
Ô Poète, nous avons vu ta ferveur de comète incandescente muée en iceberg des nuées et neiger des larmes de glaciers à tes joues halées d’un rayon lumineux
et nous t’avons suivi génie aux semelles d’or sur la route embrasée du crépuscule cheminant vers l’étoile de l’Amour, lumière incréée où le Christ au sourire t’attendait !
Eurydice
J’ai vu près de la mort au regard irisé de marbre et aux pupilles d’albâtre, la splendeur d’une lumière épousant le fleuve de la Voie lactée constellée d’un cortège d’âmes qui voguaient sur les violons de vents solaires
Leurs cordes stellaires vibraient au souffle du zéphyr, archet gréé d’un air très pur à nos paupières closes et notre ouïe enneigée !
Or la mort livide pareille au sang où infuse le curare contemplait muette le passage rituel de berceaux sidéraux nimbés de nobles idéaux où exultait le rire angélique d’enfants, tels les rayons du nouveau soleil levant
La mort aux orbites trouées d’abîmes où couvait la braise d’un feu ancien, regardait, comme saisie d’hypnose l’Espérance du monde voguer vers la terre, en ces âmes d’enfants vêtues de leur tunique d’or, leur unique corps de lumière !
Fin de la première partie : ma voix.
II Deuxième Partie : Isis-Sophia
Orphée
Ô sublime mystère d’Amour, Poésie, nectar de l’âme et divine ambroisie
Tu nous saisis, cénesthésie de la lumière du monde et étrange Parousie
Ainsi écoutions-nous naguère l’Aède qui nous fit voir le Verbe des Védas
Mais voici que je m’éveille de l’hypnose dans laquelle j’ai écouté ta parole
comme si elle était mienne, voix d’or que j’ai reconnue et qui m’a toujours
bercé, refuge d’une antienne sainte et pur enchantement de mon sommeil !
Toi que je vois, immatérielle présence de Poésie au berceau de ton silence
Tu es ce sémaphore du génie métaphorique à la proue de vaisseau de nuit chargé d’un vin d’or où miroitent les étoiles
Toi qui transportes l’extase de visions divines où rêvent de nouveaux mystères orphiques
Dis-moi, ô part céleste de mon âme et miroir de l’âme du monde, dis-moi, ô secret de mon amour et muse du poème d’univers, le chiffre de ton innaissance et l’éternité de ton essence !
Eurydice
Fille des mystères d’Eleusis sous la diaphane parure d’Isis-Sophia
Source lointaine des Védas ou écho des filles hautaines de l’Edda
Suis-je, pur naissain d’éclairs et essaim de nouveaux mystères orphiques
O vision fauve aux fovéas de nos dévas, suis-je ode pure et écho d’outre-monde, cette eau-vive dont la Rose rêva ?
Ô lumière d’or qui visita mon âme à l’orée des forêts où j’ai vu le jour à l’appel de ton amour,
Qu’il neige, qu’il neige encore des roses de feu en ce chœur euphorique,
neiges galactiques que ton ange changea en hymnes chromatiques
Et sur l’arroi royal de la comète au rêve nivéal, passe ce charroi poudreux d’images primordiales tiré par les chevaux fougueux de la foudre divine !
Fable maîtresse, matrice féconde, ineffable Matière, je suis l’Alma Mater, la source inépuisable de ton vers
Dans l’insondable nuit du monde, je suis le sémaphore qui éclaire la route où cheminent et conversent les vivants et les morts ! 4
Voilier d’augures veillé par des ailes de colombes, voilier de foudre où sur le vélin de sa voile transie d’orages, surgit avec ses signes et présages,
ce pur regard jailli de la nuit des âges
Je suis la Beauté qui fulgure et s’évanouit à l’heure où le voilier de neiges du sommeil fond l’écume de ses songes aux feux du poème levé parmi les sons d’une aube inouïe ! …
Orphée
Ô me souviendrai-je de ce voilier très pur et n’aurai-je pu voir par son hublot de neige la fenêtre du ciel que j’ai connu avant de naître
N’ai-je pas vu s’égrener ces arpèges inouïs résonant au seuil de la mort et
surgir hors de sa gangue mythique, la Déesse Ganga hélée d’ange védique
Et sur les eaux sombres du Gange, chanter la face sainte et la louange d’une Inde plus antique ?
Ô lumière d’or en ce chœur euphorique, qu’il neige, qu’il neige des roses de feu, neige galactique qu’un ange change en hymnes chromatiques !
Mère des mystères d’Eleusis, je te salue en ta parure d’Isis-Sophia, en cette aube où s’ablue dans l’écume du songe un dieu d’amour nimbé d’oubli
Et fume encore l’Asie sous ces prunelles de feux fauves où rêvent les Dévas
Je te salue, mère des mystères d’Éleusis voguant sur la voile d’Isis-Sophia,
Ô toi qui m’aida à voir aux lèvres de l’Aède le Verbe des Védas !
Eurydice à Orphée
Tu es l’élu descendu des cieux, héraut du sublime Opéra de l’ Eden où chantait un chœur d’archanges aux voix de velours au milieu de ces tentures de soie pourpre
Tu es l’élu couronné d’une nuée d’oiseaux-lyres mimant toute la joie et la douleur du monde , et le Voyant porteur des chants futurs de la Création
Ô Prince des poètes, chantre de l’Amour et de l’Espérance-Poésie, nimbé par la beauté de l’âme du monde et sanctifié sur l’autel de l’âme de la terre
Toi qui a bu l’eau sinistre du Styx pour renaître, phénix aux rives du Futur,
Tu as levé l’épée de la parole vénérable jaillie du Saint semblable à Dieu
Comme l’étoile de ma nuit tendait sa voile de candeur au fond de ton cœur
semant sur les sables arables de tes jours la rose rouge-feu aux reflets d’or
La Rose mystique aux effluves divines exhalées telle une immense louange
Sous l’arc-en ciel de la nouvelle alliance de l’Humanité et des anges !
Orphée à Eurydice
Tu es le visage de la poésie et la beauté réverbérée de la lumière de l’âme
Présence invisible de la grâce et source d’étrange félicité où ruissellent les larmes des dieux enivrés par ces hymnes d’amour coulant de ton cœur de neige dans les eaux-vives du poème
Et sur ces eaux d’au-delà où baigne ton mystère vogue un berceau d’osier d’où s’élève l’ode sacrée de l’Enfance constellée de hautes figures de vérité
Ta beauté d’ombre voisée qui est fontaine où va boire mon âme assoiffée !
Tu m’apparus dans ta robe de nuées d’or veinées de pourpre et ce fut alors l’instant des noces de la joie des sens et de la gloire divine
Comme montait l’albescence empourprée à tes joues et passaient sous la Voie Lactée, les palombes du sublime désir qui portaient à pâmoison leur roucoulement d’aubes extasiées !
Ô Danse sacrée, sceau nuptial posé sur nos deux cœurs noués à une flèche d’or, armoiries de notre immémorial amour,
Haut vol de colombes qui passa au-dessus du pré où nous rêvions libres de l’airain, l’étreinte sublime de l’éternité !
Image de une : Gustave Moreau, Orphée sur la tombe d’Eurydice, Musée Gustave Moreau.
- Du mystère orphique, suivi de La Beauté Eurydice, Chant III - 6 novembre 2020
- Carolyne Cannella — poèmes présentés par Georges de Rivas - 3 février 2019