Le langage, seconde écorce terrestre, se plisse, se creuse, s’élève selon les divisions, les dérives, les soubresauts du monde. Le poème prend appui dans ses fissures. Verticale souvent tordue, il grandit à flanc d’abîme. Aucune logique ne le tient là.
Il coordonne le vide au paysage habité.
La vie est-elle venue d’ailleurs ? Tombée sur terre avec une pluie d’étoiles filantes ? Ou s’est-elle formée lentement, peut-être au fond des mers, peut-être au creux des vagues, peut-être sur les argiles aux rayons du soleil ?
Le poème puise à plein sol aussi bien que dans les détritus qui jonchent la surface, en voie de devenir humus.
Humus, déjà si près de l’humain.
Et la soif ? Très en dessous, la nappe phréatique, est-ce le silence ? La parole est-elle parodie du monde ou sa vérité exsudée ?
Le paysage humain, un jour, disparaîtra. Le vide n’en aura pas de convulsions. Leurs destins ne sont pas parallèles. Falaises et montagnes, océans et rivages ne porteront plus de nom, la terre n’en tremblera pas.
Le temps battra sans doute en d’autres vies. L’éternité ne recueillera pas le poème. Il n’en réclame aucune part.
poème extrait de CAILLOUX
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Comment les tutoyer ? Basalte, porphyre, feldspath, granit, les nommer quand elle sont immobiles ne dit rien de la violence qui les a projetées hors du magma originel.
Le feu n’y reprendra jamais. L’herbe ne saurait y pousser, encore moins les moissons. Leurs abîmes ne sont pas les nôtres. Elles ne sont pas les ruines de nos mondes anciens. Elles ne résument pas notre histoire, la supportent, blocs premiers, sans y prendre part. Elles sont d’un autre passage, plus lent que le nôtre. Beaucoup de temps est derrière elles, sans qu’elles nous aient attendus.
Gardent-elles mémoire de paysages que nous n’avons pas connus, que nous essayons, en fixant sur elles l’objectif, de faire reparaître sur les clichés ?
Elles n’ont pas été semées par un géant soucieux, comme le petit Poucet, de retrouver le chemin du retour chez soi. Elles ne jalonnent aucun projet d’itinéraire. Elles ne sont pas même les indices d’une errance.
Malgré tout, elles s’ancrent dans le poème et les mots se resserrent.
poème extrait de CAILLOUX