Editions Wallâda, la princesse rebelle
Wallada, c’est une somme, un sanctuaire dirigé par Françoise Mingot-Tauran, qui recense et publie. Et pas n’importe quelles sommes de textes, de poèmes, de rassemblements, thématiques ou paradigmatiques, exhaustifs ou non, d’une catégorie poétique oubliée, littéraire, musicale muselée, portes d’un patrimoine qui heureusement n’est pas perdu, grâce à des éditeurs qui ont à cœur de chercher, grouper, trier, offrir et préserver nos trésors.
La preuve en est, cette collection, L’Avenir des peuples, Expression de cultures étouffées… Dans ma bibliothèque, lu, parcouru, épluché, relu, ce volume imposant, Tsiganiada ou le campement des Tsiganes… Au temps de Dracula, une épopée roumaine héroï-comique. Un texte unique dans sa première traduction française, d’une littérature qui constitue le patrimoine roumain et tsigane. Une axe fondateur l’épopée, et des traducteurs, Valeriu, Aurélia et Romanita Rusu, ainsi que Françoise Mingot-Tauran… Préfacé par Patrick Quillier, qui justifie le paradigme épique :
Nous avons besoin d’épopée véritable, car dans les bruits et les fureurs de notre époque, seule l’épopée est capable de nous aider à raison garder, à faire humanité, à fonder du commun, du partage voire de l’universel, dans la mesure où seule l’épopée permet de « penser sans concept » une crise, un désarrois, une désespérance.
Epopée véritable, dont nous pouvons retrouver ici des archétypes, des universaux qui autrefois tenaient unies les communautés autour d’un même idéal, celui de se savoir appartenir à l’humanité, à travers les héros et les épreuves formatrices génératrices de la sémantique d'une identité culturelle. Ce récit héroï-comique créé par un « savant linguiste transylvain » dans les années 1800 témoigne d'une culture étouffée qui émerge. Formes versifiées et romanesques, cette somme déploie les grandes lignes d’un patrimoine incalculable… Panorama historique et artistique d’une minorité culturelle, les Tsiganes, itinérants aux guitares joueuses et sublimes. S’y côtoient des poèmes, des dialogues, des scénettes, des documents iconographiques qui éclairent sur les lieux, époques, biographies des personnages et de la topographie dont il est question.
Comme toujours pour les éditions Wallâda, une somme imposante, un travail incroyable, et des pans inestimables d'une littérature patrimoniale roumaine et tsigane. L'histoire et l'art des gens du voyage trouvent place dans une collection réservée. Le lecteur comprendra pourquoi en lisant l'hommage rendu au Père Fleury sur la page d'accueil de Wallâda. Cet Homme au parcours remarquable a partagé le sort et la souffrance de ses frères, les Tsiganes, et leur quotidien dans le camp de concentration de Montreuil-Bellay. Une communauté qu'il ne quittera plus et dont il transmettra la culture.
Ion Budai-Deleanu, Tsiganiada, Au temps de Dracula, une épopée héroï-comique, traduction littérale de Valeriu, Aurélia et Romanica Rusu, adaptation en vers français et commentaire de Françoise Mingot-Tauran, Wallâda, collection l'Avenir des peuples, 603 pages, 25 euros.
Une collection tsigane aux Editions Wallâda
De structure associative, la maison d’édition Wallâda est née en 1980-82 sous l’impulsion du Père Fleury, aumônier national des Gitans, grand résistant et créateur ensuite de l’Aumônerie des Gitans, comme du Pèlerinage Gitan de Lourdes en 1956. Le Père Jésuite Jean Fleury avait pendant la guerre, alors aumônier du camp de concentration de Poitiers, sur la route de Limoges, découvert ce peuple qu’il n’a ensuite plus quitté. Les enfants gitans y faisaient le guet pendant qu’il libérait, pour les sauver, une cinquantaine d’enfants juifs, internés avec eux. Cet acte lui valut la qualité de Juste et que son nom soit gravé dans la fameuse allée des Justes à Jérusalem…
Plus modeste mais juste par la taille, dans la collection La merlette moqueuse, une somme invraisemblable, précieuse et inespérée de chansons oubliées, Quand sera venu le temps, Goguettes, dont l’auteure, Fanfan, n’est autre que Françoise Mingot-Tauran... Paroles témoins d’une vie populaire qui est ici au premier plan des propos et des préoccupations clairement énoncées, celles des vies ouvrières, des minorités, évoquées dans les poèmes/paroles, mais également dans la préface, ainsi que la postface, signées toutes deux Fanfan…
Telle est la mission de Wallâda, princesse rebelle, sortie des abysses de l’oubli comme pour continuer à représenter cette voix des minorités qui refusent de disparaître, de se laisser étouffer, de mourir.
fan Fan, Quand le temps sera venu, Wallâda, collection La Merlette moqueuse, 168 pages, 10 €.
Et puis, comme pour rendre hommage à cette femme de légende, je me souviens d’une soirée durant laquelle la vie de Clémentine de Como m'a été contée... Femme étouffée, femme bâillonnée, qui a osé avancer, malgré tout, écrire, créer une école, exister dignement, et pardonner… Elle non plus n'est pas dans l'oubli, Clémentine de Como, parce que sous l'égide et protection de la princesse Wallâda, elle témoigne encore de ce que fut une vie de femme, une vie d'opprimée, mais une vie d'invincible volonté à exister, malgré...
Clémentine de Como, Emancipation de la femme, tome I, Editions Wallâda, collection Moira, 47 € 99.