« J’ai besoin des fleurs, c’est une force de vie » me con­fi­ait Elis­a­beth Gilbert-Drag­ic lorsque je l’ai ren­con­trée ces derniers jours au LYINC le Lyon inter­na­tion­al club où elle expo­sait ECLOSION / BLOSSOMING.

Depuis plus de vingt ans l’artiste lyon­naise peint des fleurs. Toutes les fleurs. Elle développe ce tra­vail en pein­ture acrylique sur de grands for­mats, à par­tir d’esquiss­es pho­tographiques de bou­quets de fleurs fanées. Et ses fleurs ray­on­nent de joie et de couleurs. Des couleurs qui glis­sent, fusion­nent, se pro­lon­gent et se métamorphosent dans l’intimité enivrante de leur par­fum, derrière les peaux envelop­pantes, les corolles veloutées, tantôt pulpeuses, tantôt plus diaphanes.


La blancheur des pivoines, pris­es dans le givre et le mauve tire le jaune vers le pâle. On dirait qu’il neige sur les fleurs des jardins, dans la chair de la pein­ture. De gros flo­cons tour­bil­lon­nent, se fondent à la tex­ture des bou­tons de rose, recou­vrent et exal­tent les rouges carmin, voluptueux et flamboyants.

Les fleurs d’Elisabeth Gilbert Drag­ic ne cessent de fan­er sur la toile. Un pétale tombe comme une larme retenue, s’écoule sur le monde, col­ore le cha­grin, l’inconsolable, et libère la vie.
La pein­tre nous dévoile leur perpétuelle nais­sance, com­ment elles font la pose, résistent et défient l’altération, mais aus­si com­ment elles pren­nent les chemins de la fini­tude pour se gorg­er d’infini. C’est là que se tient leur secret et toute la puis­sance qui s’en dégage, qui m’a telle­ment saisie. Depuis leur chute, elles n’en finis­sent pas d’éclore et de faire sur­gir la lumière. Et, dans l’union de la pein­ture et du poème, de nous par­ler de l’être.

Tes fleurs peintes font inévitablement penser à Geor­gia O’Keeffe.

J’ai mis du temps avant de me sen­tir concernée par Geor­gia O’Keeffe. Bet­ty, une amie, est la première per­son­ne à m’en avoir par­lé quand elle a vu mon tra­vail de pein­ture. Elle avait déjà vu ses tableaux aux états Unis, et moi je ne la con­nais­sais pas. Forcément je l’avais vu pass­er, mais sans y prêter atten­tion. J’étais même très sur­prise par rap­port à l’époque, que sa pein­ture ait eu autant de succès. Une femme auteure, Estelle Zhong Men­gual, évoque dans son ouvrage Pein­dre au corps à corps la puis­sance du flo­ral au tra­vers des œuvres d’ O’Keeffe, qui en revanche me par­le à cent pour cent ! J’ai com­mencé à me reconnaître dans ce qu’elle peint quand je suis allée voir son expo­si­tion au Musée de Greno­ble, dans la matérialité de sa pein­ture. Pour autant, je ne dis pas la même chose.

Non tu ne dis pas la même chose, ta pein­ture est plus (autrement ?) étoffée. Elle est plus sensuelle. 
J’assume effec­tive­ment cette forme de sen­su­alité avec la matière de la pein­ture acrylique que je tra­vaille telle une peau fine. Mais le livre d’Estelle Zheng Men­gual nous per­met d’envisager une autre façon d’aborder les œuvres de Geor­gia O’Keeffe en nous sor­tant de la pro­jec­tion que l’on peut faire sur le caractère sex­ué de sa pein­ture, qui n’est d’ailleurs pas du tout ce qu’elle revendiquait.
Comme sa con­tem­po­raine Fri­da Kahlo, Geor­gia O’Ke­effe est dev­enue une fig­ure de proue du féminisme. Elle fut d’ailleurs la première femme artiste à intégrer le MoMA, peu de temps après son ouver­ture en 1929. Y‑a-t-il une inten­tion du féminin dans ta peinture ? 
Complètement, mais ça ne veut pas dire de façon systématique. C’est un vrai ques­tion­nement. C’est très étrange pour moi ce qui se passe dans les reven­di­ca­tions du féminin. Lorsque j’ai com­mencé à pein­dre mes fleurs, Le fait que je sois une femme, je ne me sen­tais pas « crédible ». J’ai com­mencé à pein­dre tard, enfin j’avais l’im­pres­sion que c’était très tard ou même peut‑être trop tard ? J’ai bien com­pris, ou sen­ti à l’époque qu’une jeune femme avec des enfants en bas âge qui peint des fleurs, ça fai­sait vrai­ment pein­tre du dimanche. C’est un pre­mier aspect. J’ai fait avec, j’ai dit « chiche ».
J’étais impressionnée par les œuvres d’histoire de l’art d’une manière générale, par les œuvres d’art con­tem­po­rain. Je suis du milieu de la cam­pagne, pas du milieu de l’art, et les premières fois que je suis rentrée dans les galeries d’art, j’avais 17/18 ans, plutôt 20 ans. Les œuvres que je voy­ais me fai­saient pleur­er, et je ne com­pre­nais pas ce qui m’arrivait. Je savais qu’à un moment ou un autre, il allait fal­loir que je « fasse du dessin », ce que je repous­sais depuis si longtemps. Je ne sais pas pourquoi, peut‑être qu’un incon­scient famil­ial ou col­lec­tif me dis­ait : « il faut faire quelque chose qui va te faire gag­n­er ta vie ». Par ailleurs, je ne com­prends pas tou­jours cer­taines reven­di­ca­tions féminines qui me parais­sent « has been ». Il y a des choses qui se sont passés entre temps et qui ne me sem­blent pas recon­nues. On a par­lé avec « nos mecs », et il faut con­tin­uer d’ailleurs. Mais notre sit­u­a­tion homme/femme n’est plus celle de nos aïeules. Aujourd’hui, il me sem­ble qu’on fait des antag­o­nismes, on met en avant le verre à moitié vide, alors qu’il y a un verre à moitié plein de bonnes choses.
Tu veux dire que ce regard féministe, il faudrait qu’on le pose sur ce qui reste à défendre et à faire bouger tout en prenant en compte, et sans per­dre de vue les choses que l’on a réalisées. 
Je ne dis pas que tout va bien, loin de là, mais les êtres humains sont extrêmement com­plex­es, surtout en ce qui con­cerne la ques­tion de la sex­u­alité. La notion de trans­mis­sion me paraît pri­mor­diale. D’un point de vue artis­tique, je me suis ren­du compte que tout ce qui m’avait été trans­mis était le fait d’œuvres exclu­sive­ment réalisées par des hommes. C’était ma réalité d’il y a 30/40 ans.
J’ai tou­jours eu cette sen­sa­tion que le regard des hommes avait un impact prédominant sur les choses. Les galeries, celles qui sont bien implantées, les galeries de pres­tige, leurs écuries d’artistes, si je peux employ­er ce terme, bien sou­vent sont encore très mas­cu­lines. D’accord, Ce n’est pas impor­tant. En revanche ce qui est impor­tant c’est la con­science de la notion de transmission.

Un film en deux par­ties. Voici la 1ère pétale… Elis­a­beth Gilbert Drag­ic nous par­le de son amour pour les fleurs ! Un film de Ben­jamin Sozzi.

C’est essen­tiel cette ques­tion dans tous les domaines, mais elle est par­ti­c­ulière­ment vive dans le monde de l’art.

Par exem­ple moi-même quand je veux par­ler d’œuvre, naturelle­ment, spontanément du moins, je fais prob­a­ble­ment référence à des œuvres d’hommes plus que de femmes, plus vrai­ment main­tenant parce que j’y fais plus atten­tion. Mais c’est parce qu’on a eu cette nour­ri­t­ure-là, cette nour­ri­t­ure qui ne fait pas loi, mais qui fait repère. Il y a une ving­taine d’années, je pou­vais éprouver cette sen­sa­tion que le « penser- homme » et que de fait la réalisation des choses faites par des hommes devait être plus intel­li­gente, plus forte, et que c’était presque décrété comme tel. Ce point sem­blait couler de source, et donc il me ques­tion­nait. Loin de moi l’idée d’enlever la force de leur pro­pos, de leurs activités, mais en revanche j’avais la sen­sa­tion que ça se fai­sait au détriment d’un « penser-femme », comme si c’était forcément un regard con­de­scen­dant. Et nous n’avons pas à souf­frir d’un regard condescendant. 

Je me suis mise à chercher, dans l’histoire de l’art quels étaient les travaux des femmes et est-ce qu’on en par­lait. Et là j’ai découvert Marie Jo Bon­net qui est his­to­ri­enne de l’art et qui a écrit un livre sur les femmes pein­tres, remon­tant jusqu’aux œuvres préhistoriques. Et puis j’ai beau­coup apprécié une autre his­to­ri­enne de l’art, Mar­tine Lacas, qui au lieu de présenter les artistes femmes de façon « vic­ti­maire », au con­traire les met en avant en présentant leurs con­textes de vie qui ne nous ont pas été trans­mis. On peut appren­dre que cer­taines vivaient en fait très bien de leur pein­ture, notam­ment Rosa Bon­heur XIXè, Elis­a­beth Vigée‑Lebrun au XVIII/XIXème, Artemisia Gen­tileschi au XVIème siècle, et com­bi­en d’autres. 

Dans cette sec­onde séquence de la vidéo con­sacrée à son expo­si­tion dans la galerie B+, Elis­a­beth Gilbert Drag­ic lève un peu du voile sur sa manière de pein­dre, entre affir­ma­tion et retenue, entre dits et non dits. Un film de Ben­jamin Sozzi.

Et com­ment tu t’es autorisée à pein­dre des fleurs ? 
Dis­ons que ça s’est imposé à moi, mais j’ai la sen­sa­tion d’avoir mis du temps à m’au­toris­er. J’étais dans une volonté de le faire depuis très longtemps, mais je met­tais ce pro­jet complètement en sour­dine. Je me le suis reproché pen­dant très longtemps, et je ne suis pas mécontente d’être par­v­enue à assumer mon tra­vail, parce j’ai bien com­pris, sans aigreur ou quoi que ce soit, que ce n’était pas facile pour une galerie d’art dit con­tem­po­rain de posi­tion­ner mes tableaux. Parce que juste­ment il s’agis­sait de fleurs, mais pas de fleurs façon pop, ou « fun ».
De fait, les fleurs sont mon sup­port de création, ça m’a per­mis d’abor­der plein de per­cep­tions juste­ment du rap­port au féminin. L’air de rien. Je me considère issue d’une génération du papi­er glacé, aujourd’hui c’est une génération du numérique comme on a eu la génération de la vidéo.
Le papi­er glacé ? 
Oui ce sont les jour­naux, les revues de mode qui sont/étaient des injonc­tions à être, à paraître. Le papi­er glacé glace le féminin. Et tout peut con­tin­uer à exis­ter à par­tir de miroirs complètement glacés alors que toi tu te trans­formes, tu découvres tes premières rides. Avec cette impres­sion que pour les hommes c’est plus sim­ple. Et donc, j’ai besoin des fleurs, c’est une force de vie. Aujourd’hui je sais qu’elles nous précèdent de cen­taines de mil­lions d’années, que nous vivons grâce à elles. Ce sont elles qui nous ont donné les fruits et la diver­sité des insectes, qui nous ont apporté cette adap­ta­tion d’insectes et de diversités ani­males, pour ensuite con­stituer des adap­ta­tions à des lieux de vie, à des températures. C’est extra­or­di­naire et d’une créativité incroyable.
En fait les fleurs se sont constituées de manière à pou­voir s’adapter à différents con­textes et à renouveler/assurer de nou­velles façons de se repro­duire. Elles ont engen­dré des insectes et un biotope spécifique, une variété sans com­mune mesure. Il y a quelques années j’ai ren­con­tré un chercheur au CNRS de Greno­ble, qui s’appelle François Par­cy. Un de ses grands sujets de recherche, c’est « qu’est-ce qui fait que les fleurs exis­tent sur la planète, est-ce que le végétal pour­rait con­tin­uer à exis­ter sans l’existence des fleurs ? » Entre Men­gual et son tra­vail à lui, j’ai saisi cette notion de puis­sance des fleurs dont j’ai tant besoin.
C’est véritablement de cette puis­sance dont nous par­le ta peinture.
Oui, on est à la fois en face de quelque chose qui sem­ble vrai­ment anodin, ce que nous dis­ent les expres­sions « jeunes filles en fleur », « fleur bleue », et en fait en arrière-plan, il y a énormément de poids sym­bol­ique et de profondeur.
J’ai tout le temps plein de bou­quets de fleurs chez moi, et je n’arrête pas de les pren­dre en pho­to, de les pho­togra­phi­er dans tous les sens. Je ne suis pas pho­tographe et je ne cherche pas à pren­dre une belle pho­to. En revanche j’ai besoin d’aller touch­er leur force de vie au tra­vers de leur couleur, une couleur incarnée, et de leur présence qui est notam­ment ren­due par le cliché photographique.
Au fur et à mesure, je me suis ren­du compte que les bou­quets de fleurs fanées me touchaient particulièrement, juste­ment dans ce rap­port au temps qui passe. Ce qui m’intéresse c’est com­ment la peau des fleurs se charge d’un vécu dans leurs évolutions formelles. Quand j’étais jeune étudiante, j’avais une grande affec­tion pour les vieilles femmes, les « femmes fanées » j’étais très attirée par elles. Une femme qui me fai­sait du bien, c’était Mar­guerite Yource­nar. Je la reli­ais à mon attrait pour les fleurs fanées. Et la rela­tion du papi­er glacé avec les fleurs fanées me per­me­t­tait d’aborder cette mise en valeur de la peau qui fane. Quelque chose qui s’use mais qui résiste. Tout cela a représenté une par­tie de mon travail.
Tou­jours par rap­port au papi­er glacé, j’ai été atten­tive à l’expression pic­turale des œuvres du pein­tre alle­mand Gérard Richter, hyperréaliste pho­tographique. C’est une pein­ture à l’huile, ce qui donne une autre tex­ture. Il y a une forme d’absolutisme dans ce ren­du du mer­veilleux, d’un mer­veilleux trag­ique mais sen­si­ble pour moi. Et le côté extrêmement lissé du pho­tographique « mis » en pein­ture m’a beau­coup touché. Alors que je suis très sen­si­ble par exem­ple aux œuvres de cet autre alle­mand Georges Bazelitz ou de la new yorkaise Cécily Brown dont les œuvres sont très expres­sion­nistes et dynamiques.

C’est fort ce terme glacé pour exprimer les dis­cours qui nous lissent.

Ce sont à la fois des repères et des injonc­tions. Aujourd’hui on se trou­ve devant une société occi­den­tale vieil­lis­sante et dans une société de marché, y com­pris du « marché des vieux », auquel on est en train de don­ner une esthétique et une place. La mode est en train de s’en occuper. 

C’est le fruit des con­struc­tions et des préférences sociales qui font marcher les modes et les gains juteux qui en découlent. Mais on peut le refuser, Ce qui nous désaliène, c’est de com­pren­dre ce qui nous arrive, dans quoi nous sommes pris. La compréhension et l’analyse sont nos plus grandes libertés, car elles nous per­me­t­tent de décider. Ta manière de pein­dre est en soi une forme de résistance. 

Oui et la pein­ture soulève ça tout le temps. Tu es obligée de pren­dre du recul sur ce qui se passe, sur ce que tu fais. Que ce soit spon­tané, ou très tra­vaillé, voire académique, il y a besoin d’une prise de recul.
A un moment je me suis dit « qu’est-ce qui fait que je peins tou­jours des fleurs, qu’est-ce qui fait que ce soit par le médium de la pein­ture », même si j’en utilise d’autres. En réaction, je me suis mise à plonger littéralement mes bou­quets fanés, de jon­quilles, de ros­es ou de tulipes directe­ment dans la pein­ture fraîche, à les ensevelir dans la pein­ture, à l’encontre du fané, et c’est ce qui a donné lieu à des pein­tures comme Le bleu pour les filles, le bleu pour les garçons, La couleur des choses, Les anthuri­ums planants. 

Au début je les trem­pais dans des pein­tures flashy, bleu flashy rouge fuschia, et rouge carmin, en oppo­si­tion à leurs couleurs qui se « défraichissaient » ; et ensuite je me suis mise à les plonger dans la pein­ture blanche, c’était comme un ensevelisse­ment, et c’était une manière de soulever la ques­tion de qui recou­vre qui. Comme un man­teau de neige qui recou­vre le paysage, et de la page blanche aus­si, avec tous ses possibles ! 

C’est comme le désert qui fait vivre une absence rad­i­cale et une présence absolue, un champ de soli­tude et un champ de possibles. 

Oui absol­u­ment, là on peut com­mencer à être dans un faire, et ça nécessite de sélectionner, de faire des choix et de se laiss­er faire. 

L’endroit, la manière dont elles sont exposées ensem­ble, ça cible un regard. Tu fais des choix de lieux très différents, tous très sin­guliers, ce qui con­tribue au proces­sus de création de cha­cune de tes œuvres 

Oui, les pein­tures sont pour moi des présences, avec une inter­ac­tion avec le lieu où elles sont présentées. Ce n’est jamais tout à fait anodin. Le lieu où sont accrochées des œuvres peut influ­encer le regard. La façon dont elles étaient accrochées à la Chapelle de l’île Barbe et la façon dont elles le sont ici au LYINC, dans ce lieu plus intimiste et cosy, ce n’est pas pareil. A l’île Barbe on était en lien avec la matière même des éléments archi­tec­turaux d’une chapelle, la pierre, la chaux, les ter­res cuites au sol… De la même façon dans le cadre de l’expo à Poët Laval vers Dieule­fit, dans un hall d’usine, les tableaux étaient sur des murs blancs avec des résonances un peu comme un tam­bour. C’est intéressant d’exposer sur des lieux très variés. 

Et je reviendrai bien sur le com­mence­ment de ta pein­ture. Au com­mence­ment, ce qui a jus­ti­fié́ ton désir de pein­dre des fleurs ? J’ai com­pris qu’il y avait un besoin des fleurs ? 

Ah oui un besoin impérieux que j’ai tou­jours d’ailleurs C’est pour pou­voir vivre 

Oui c’est un repère très fort, extrêmement impor­tant, comme une évidence qui m’a per­mis de m’au­toris­er et de respirer. 

Il y a dans ta pein­ture à la fois une pro­fonde sin­gu­lar­ité et un sen­ti­ment de répétition, un sen­ti­ment de retour de quelques choses de fam­i­li­er. Mais si tes tableaux sem­blent se répéter, à l’évidence, ils dis­ent des choses différentes qui ne cessent de nous sur­pren­dre, et qui ne cessent de faire mon­ter la lumière. 

Je me suis sou­vent fait cette réflexion, notam­ment en pen­sant au pein­tre lyon­nais Marc Des­grand­champs dont j’apprécie vrai­ment les œuvres. On peut dire qu’il a un type de tra­vail qui se répète aus­si. Je peux me tromper, mais je ne crois pas qu’on lui ait posé la ques­tion : « pourquoi vous peignez tou­jours des gens tou­jours avec un ciel bleu ?». Alors que moi depuis le début en tant que pein­tre, on me demande pourquoi je peins tou­jours des fleurs. 

Cette répétition effec­tive­ment n’est jamais enfer­mante. Elle est comme un long dia­logue inin­ter­rompu. Elle ouvre le regard. Oui c’est étonnant.

Je n’ai pas de réponses. C’est un con­stat, et je joue un peu avec ça.
Il y a une chose que je veux préciser. Lorsque j’étais avec la galerie Artae, j’ai fait une expo­si­tion intitulée Et que rien ne change. Pour faire cette expo­si­tion, je me suis retrouvée à lire Une his­toire des femmes en occi­dent de Georges Duby et Michelle Per­rot. Ce sont cinq pavés, uni­ver­si­taires. Je me suis prise une semaine pleine consacrée à ces lec­tures. Très intéressant, de la Grèce antique à 1994, ce qui est d’ailleurs frus­trant car trente ans main­tenant nous en séparent. Ces cinq tomes nous don­nent une
lec­ture de la place des femmes d’alors. Et de fait, je souhait­erais vive­ment qu’il y ait une his­toire des hommes qui soit écrite sur le même con­cept, parce qu’on ne peut pas tra­vailler sans avoir tous ces éléments de part et d’autre.

Tu voudrais lire une his­toire des hommes en Occident ? 

Encore une fois qu’est-ce qui leur a été trans­mis à eux. C’est intéressant leur pro­pre his­toire, et elle per­me­t­trait de soulever la ques­tion du mal‑être et du bien‑être entre les uns et les autres, et la ques­tion de l’accompagnement sur nos incompréhensions réciproques. 

Tu pens­es que cela stig­ma­tise les femmes que l’on se polarise exclu­sive­ment sur leur histoire ? 

Aujourd’hui on stig­ma­tise beau­coup, plutôt que de pren­dre acte, et de dire « ok on a ça, on a ça, on pour­rait arriv­er à faire ça ».
Après il y a un autre aspect dans mon tra­vail : la couleur. L’aspect formel la tex­ture et un autre « petit truc » un peu puéril de ma part, mais assumé main­tenant, c’est le fait de pein­dre à l’acrylique et non pas à la pein­ture à l’huile. Cette pein­ture à l’huile pour moi, elle était le fruit d’une his­toire qui était faite par les hommes, donc elle m’impressionnait trop. Je me dis­ais que ce n’était pas mon monde et je ne voulais pas aller sur ce terrain-là. 

Et sur le plan pic­tur­al qu’est-ce que chang­erait l’utilisation de la pein­ture à l’huile par rap­port à l’acrylique ?

Elle pour­rait être plus siru­peuse, elle en serait peut‑être même dev­enue un peu trop « pis­seuse ». Je tra­vaille l’acrylique comme une peau. Quand on la regarde on voit les veines, on voit les grains de beauté, des aspérités. L’acrylique a un côté très en sur­face. Je tra­vaille avec un retar­da­teur de séchage. Je ne fais jamais de dessin. Pour­tant ce n’est pas faute d’avoir des­siné, mais j’avais peur de moi avec le dessin, d’être ennuyante. Le fait de par­tir directe­ment sur la toile me per­met de m’installer, de me déployer et ensuite au fur et à mesure de venir affiner/préciser et ce que j’ap­pelle « fer­mer mon image »… Le pro­pos en soi n’est pas de bien représenter la pho­to, mais de tenir compte de la per­ti­nence d’une cer­taine trans­po­si­tion pho­tographique : le fait qu’il n’y ait pas de lignes nettes, et que les mass­es entre elles se fondent notam­ment. Ce qui m’importe c’est l’impact sur la rétine, et le sen­si­ble que sus­cite cette peau qui peut devenir aus­si forte que frag­ile. Cela donne un tra­vail rel­a­tive­ment mat aus­si qui me per­met d’aller davan­tage dans les précisons et les exi­gences qui sont alors les miennes. 

Tu peins à par­tir de photos ? 

Plein de photos.

Sys­té­ma­tique­ment, et c’’est toi qui les prends ?
Ce sont plein de pho­tos que je prends, que je tire sur du papi­er et que je scotche sur de grands car­tons, et j’attends de voir ce qui résiste, ce qui va s’im­pos­er à moi … ?
Ensuite vient la ques­tion du for­mat. Une fois que j’ai une inten­tion, quelque chose que je ne peux d’ailleurs pas expli­quer dans un pre­mier temps, un for­mat s’im­pose alors. C’est un soulage­ment. Ensuite il faut que je mette en place ma gamme colorée, et à ce moment-là, je peux com­mencer à me déployer sur la toile, pour ensuite revenir vers les pho­tos. Aujourd’hui, je viens forcer les pho­tos pour qu’elles me ser­vent comme des dessins/desseins dans tous les sens du terme. Ce sont des esquiss­es pho­tographiques. Je viens les forcer par rap­port à ce que je souhaite, à ce vers quoi je souhaite/pense aller. Ensuite, je peins, j’avance avec la crainte que ce ne soit jamais assez fort.
Des esquiss­es pho­tographiques, pour­rais-tu préciser ce terme, qui n’est pas anodin ? 
Ce sont mes repères en fait. Ce sont mes sup­ports de tra­vail, les éléments qui me per­me­t­tent de com­pos­er, d’aller touch­er la précision de ce qui me con­cerne et me regarde. J’ai l’impression de faire des choses tou­jours trop fermées dans l’aspect formel de mes œuvres, mais je crois aus­si que j’aime bien l’idée d’un « qu’est-ce qu’il y a derrière ». Le pro­pos n’est pas de bien faire pour bien faire, mais d’essayer d’être juste. La direc­tion que je prends ressem­ble à une idée, à un univers, à un sen­ti­ment, c’est très intu­itif. « Fer­mer l’image », pour revenir là-dessus, c’est une manière de dire cette précision des con­tours, des con­tours qui sont à la fois précis et dans un flou précis, et ils ne sont pas vrai­ment flous.
Ta pein­ture est très intu­itive et en même temps elle nait d’un tra­vail de préparation pho­tographique et d’élaboration tech­nique très poussée, qui pour autant laisse toute la place à l’incertitude et à la poussée créatrice. 
Oui, par exem­ple avec Médusa, (en résonnance avec la Bien­nale d’art con­tem­po­rain, Sep­tem­bre 2022), c’est vrai­ment ce qui s’est pro­duit. Je pense, comme tant d’autres, avoir mal vécu la période du covid. J’avais un mag­nifique bou­quet de tulipes rouges à mon ate­lier, des tulipes dou­bles. Je n’avais jamais eu l’équivalent. Je les ai regardées évoluer au fil des jours. Je les ai pris­es en pho­to en per­ma­nence, aus­si bien pleine­ment épanouies que sur le déclin. Une fois les pho­tos regroupées sur des grands car­tons, j’ai alors éprouvé « la sen­sa­tion du for­mat », un trip­tyque, qui m’apparaissait comme fausse­ment religieux, un peu comme un retable. A par­tir de là, j’ai réalisé que c’était vrai­ment rouge rouge, et que j’avais besoin de ce rouge. Il n’y avait pas que les fleurs qui étaient rouges, tout allait être rouge, un camaïeu de rouge, et là j’ai choisi mon rouge de base, qui était très lumineux, carmin.
J’ai com­mencé par faire plusieurs châssis avec cette couleur de fond rouge orangé lumineux, ensuite j’ai com­mencé à m’installer sur la toile par rap­port aux sen­sa­tions que j’éprouvais des motifs flo­raux que j’avais dans les yeux et à par­tir de toutes les pho­tos que j’avais pris­es. Et petit à petit s’est mis en place un univers avec un cer­tain élan. En peignant, j’étais obnubilée par le radeau de la méduse, ain­si que La Méduse du Car­avage que j’avais vue aux Offices à Florence.
En relisant alors l’his­torique du radeau de la Méduse, j’ai réalisé que la façon dont j’avais vécu ce con­fine­ment, c’est comme si on s’était retrou­vé embar­qué à l’échelle planétaire sur le radeau de la méduse, qu’on s’était retrou­vé comme pétrifié, médusé. Et de manière bien anec­do­tique, je dirais que ce qui a induit le thème du radeau, c’est peut‑être d’avoir placé mon bou­quet de tulipes rouges dans un panier d’osier ayant pu m’évoquer incon­sciem­ment une sorte de radeau … Ce fut déterminant.
Il y a aus­si Le totem des dahlias. J’ai réalisé tout un ensem­ble de pein­tures autour des dahlias. Ce sont des fleurs qui grin­cent, des fleurs de la matu­rité. Elles se déploient d’une manière mag­nifique. Elles sont fastueuses et elles fanent très vite, tu ne gardes pas un bou­quet de dahlias comme tu gardes un bou­quet de ros­es ou de lys. Elles fanent rapi­de­ment avec une odeur particulière, un peu âcre et verte me sem­ble-t-il. Et elles don­nent une variété de propo­si­tions formelles et de couleurs incroy­ables. C’est l’hiver qui s’annonce !
Il est grandiose le tableau Médusa, par son for­mat et sa couleur. Et tu dis que c’est une pein­ture très habitée par le rouge et qui s’exprime au tra­vers de la force, de la pro­fondeur qu’il endosse lorsqu’il se déploie dans le ver­tige de ses nuances, de façon particulièrement sen­si­ble dans cette toile.
Je ne sais pas à quoi ça cor­re­spond cette force du rouge parce que ce n’est pas ma couleur (!) mais j’ai éprouvé ce besoin de faire un camaïeu de rouge, je ne suis pas allé le chercher. A pro­pos de cette couleur, il y en a qui par­lent de la force de la colère. On par­le encore du cœur, d’une forme de sen­su­alité, mais c’est aus­si le bœuf écorché, que je n’ai pas réussi à adoucir. Il a dans ce trip­tyque un côté râpeux, et même rouge bar­baque. Cette toile me ren­voie aus­si à deux autres toiles, Au loin les Char­i­tains, des pivoines blanch­es, sorte de cav­a­liers errants réalisées juste avant les « rouges », et exposées dans une galerie qui s’appelle la galerie des Char­i­tains, dans la belle cité d’E­breuil près de Vichy .
Il y a quelque chose des temps pre­miers, d’une descente archaïque.
Cela a été une réaction à ce que l’on a pu vivre. La suite de mes impres­sions, c’est de transmettre.
Qu’est-ce qui est à trans­met­tre à tra­vers tes tableaux ? 
Une forme de résistance, et du sen­si­ble qui nous caractériserait comme êtres humains, notre fragilité autant que notre force, et encore nos incompréhensions. Et au début, beau­coup de nos mères …
Et puis, j’aime la frontal­ité de la toile, on est comme au pied du mur, aus­si bien la per­son­ne qui réalise, que la per­son­ne qui regarde. On peut être ren­voyé dans les hors champs, mais il n’y a pas d’échappatoire. Cela sig­ni­fie qu’il faut bien pen­dre acte de tout ce qui est pro­posé au regard, et donc de le décrire pour qu’il vienne faire corps ou pas avec son pro­pre vécu, avec ses per­cep­tions des choses et du monde. J’aime beau­coup la pein­ture pour ce rela­tion­nel. Cela sig­ni­fie que ce sont des regards qui s ‘échangent ou se parta­gent possiblement.
Si on prend le temps de regarder, il y a une con­tem­pla­tion qui résonne avec un engage­ment du pein­tre mais aus­si de la per­son­ne qui regarde. C’est le regard qui donne cet engage­ment et qui nous lie. Je fais également des vol­umes, des vidéos ou des céramiques, mais tou­jours avec un regard de pein­tre. Quand on est pein­tre, si on ne prend pas le temps de regarder ce qu’on est en train de faire, pourquoi d’autres le regarderaient.
On touche là à quelque chose de très sen­si­ble, de très poétique dans ta pein­ture. C’est ta capacité d’emmener intu­itive­ment « tes fleurs », et les grands for­mats y con­tribuent, vers une capacité à dia­loguer avec nos regards. Tes fleurs, nous hap­pent par ce qu’elles traduisent du rap­port à une prox­imité envelop­pante et une dis­tance infinie. Elles relèvent d’une évidence tan­gi­ble et impal­pa­ble, de la durée et de la fugacité en même temps. Peut‑être même que leur véritable secret c’est qu’elles nous échappent, et c’est en cela qu’elles sont pleine­ment vivantes. 
Pour moi la poésie par­ticipe à l’expérience d’un regard. Et des liens s’établissent à par­tir d’éléments à pri­ori anodins, et pour­tant extrêmement présents, qui ont cette force de présence. La notion de poésie aus­si c’est comme quelque chose qui sem­ble venir d’un sen­si­ble humain con­cret, c’est‑à-dire, qui évoque la notion de con­tem­pla­tion et qui viendrait créer un univers à par­tir de choses qu’on ne soupçonnerait pas. Chaque fleur est un mot, qui vient se reli­er ou se bous­culer aux autres, créant un déploiement d’images pos­si­bles et potentielles.
Ta pein­ture nous les rend vis­i­bles, lis­i­bles. Je suis encore frappée par le caractère organique de tes pein­tures : des courbes organiques qui se rap­prochent, se frôlent, se ren­versent, des lignes vul­vaires, des peaux qui se fend­ent, des tis­sus qui se font vêtements 
Le rap­port au for­mat a cer­taine­ment aus­si son impor­tance. Le fait de se déployer sur des for­mats à une échelle humaine, c’est tou­jours acces­si­ble. Ce n’est pas du gigan­tisme, mais n’empêche qu’il y a une inci­dence, c’est un peu à corps per­du sur la toile. II y a une con­fronta­tion directe, physique même. Ce n’est pas la même chose quand on est sur une toute petite toile où là il y a une con­fronta­tion plus intimiste, voire plus intellectuelle.

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Biographie d’Elisabeth Gilbert Dragic

 

Elis­a­beth Gilbert Drag­ic est issue d’une famille nom­breuse de la cam­pagne Iséroise.

Diplômée de l’é­cole d’arts appliqués de la ville de Lyon en archi­tec­ture d’in­térieur, suivi d’un an aux Beaux-Arts de Lyon, elle a réal­isé de nom­breuses pein­tures murales, avant de s’au­toris­er à son pro­pre tra­vail pic­tur­al, de con­cert avec des archi­tectes, en tant que coloriste.

Représen­tée un temps par la galerie Artaé avec Mar­lène Girardin à Lyon, et la galerie Hors-jeu à Genève, elle expose essen­tielle­ment en France, prin­ci­pale­ment en région Auvergne-Rhône Alpes (Lyon, Vichy, Oyon­nax, Dieule­fit etc), égale­ment de Stras­bourg à Brest et Paris.

Out­re son tra­vail en pein­ture acrylique à par­tir d’esquiss­es pho­tographiques, de bou­quets de fleurs fanées sur de grands for­mats, son regard pic­tur­al se tran­scrit égale­ment en vidéo où elle prend des fleurs à pleins bras jusqu’à n’en plus pou­voir, Le bou­quet de la Jar­dinière (prix de la sculp­ture archi­tec­turale et con­ceptuelle de Val­lau­ris en 2012), en taxi­der­mie avec des fleurs ani­males, ain­si qu’avec  l’installation Abra­zo flo­ral. Mais aus­si en allant met­tre des fleurs dans les bras des gens, au pied des tours de Canal-Thorez à Givors, dans le cadre d’une rési­dence au Cen­tre cul­turel de la Mostra de Givors – Rhône.

Par­mi ses expo­si­tions per­son­nelles impor­tantes, Fleur­ti­tudes  à l’O­r­angerie du Parc de la Tête d’Or à Lyon, Végé­tales étales  dans l’église romane de Mar­nans, Flo­rilèges, de l’autre côté  au Cen­tre cul­turel l’At­trape-couleurs alors à Lyon St Ram­bert, Un 14 févri­er, les fleurs c ‘est la vie  à la galerie B+ à Lyon, la WAC à Dieuleft, une rési­dence au Cen­tre cul­turel de la Mostra de Givors, Médusa  dans le cadre de Réson­nance de la bien­nale d’art con­tem­po­rain de Lyon 2022.

Dernière­ment, avec la galerie Souchaud Art Project à la Chapelle Notre Dame de l’Ile Barbe à Lyon St Ram­bert, une expo­si­tion per­son­nelle au Hall de l’U­sine de Poët Laval, près de Dieuleft, suiv­ie d’une expo­si­tion dans un lieu plus intimiste, le LYINC à Lyon  Eclo­sion / Blos­som­ing.  Et enfin actuelle­ment De mise en pli en mise au point au pôle cul­turel de Dard­il­ly jusqu’au 15 décem­bre 2023. On y retrou­ve ses dernières pein­tures de camaïeux rouges, le trip­tyque Médusa, Rouge Garance, Couronne de Tulipes rouges, Mas­sacre de Kobé aux pétales de tulipes rouges, ain­si que de grandes toiles de pivoines et dahlias mul­ti­col­ores fanés ; une invi­ta­tion à pénétr­er dans les plis du monde.

Liens vidéos : Expo­si­tion à l’O­r­angerie du Parc de la tête d’Or, Le bleu pour les filles et Le rose pour les garçonshttp://gilbert-dragic.fr/project/fleurtitudes/

Expo­si­tion à l’at­trape-couleur Flo­rilèges, de l’autre côté… :  http://gilbert-dragic.fr/project/florileges-de-lautre-cote/

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Christine Durif-Bruckert

Chris­tine Durif-Bruck­ert, est enseignante chercheure hon­o­raire en psy­cholo­gie sociale et en anthro­polo­gie à l’Université Lyon 2, auteure d’essais, de réc­its et de poésie. ‑Dans le domaine de la recherche, elle mène de nom­breux travaux sur le corps (le corps nour­ri et les enjeux de l’incorporation, le corps féminin, le corps sous emprise), ain­si que sur la mal­adie, psy­chique et soma­tique et sur la rela­tion thérapeu­tique. Out­re la dif­fu­sion d’un grand nom­bre d’articles dans des revues sci­en­tifiques nationales et inter­na­tionales, elle pub­lie : Une fab­uleuse machine. Anthro­polo­gie du corps et phys­i­olo­gie pro­fane. Paris : L’œil Neuf (1ère Édi­tion Anne-Marie Métail­ié, 1994, (2008, Réédi­tion), La nour­ri­t­ure et nous. Corps imag­i­naire et normes sociales. Paris : Armand Col­in. 2007, Expéri­ences anorex­iques, Réc­its de soi, réc­its de soin. 2017, Armand Col­in En 2021, elle coor­donne l’ouvrage col­lec­tif Trans­es aux édi­tions Clas­siques Gar­nier. — En poésie, elle pub­lie Langues, en 2018, chez Jacques André Édi­teur, puis Les Silen­cieuses en 2020 et Le courage des Vivants qu’elle coor­donne avec Alain Crozi­er (2021) Les Édi­tions du Petit Véhicule pub­lient trois livres d’artiste en dia­logue avec la pho­togra­phie (Arbre au vent, Le corps des Pier­res, 2017 et 2018, et en col­lab­o­ra­tion avec Mar­i­lyne Bertonci­ni et Daniel Roux-Reg­nier, Les mains (2021). En 2021, Courbet, l’origine d’un monde, aux Edi­tion inven­it, col­lec­tion Ekphra­sis. Et plus récem­ment, un mono­logue poé­tique, Elle avale les levers du soleil, aux Édi­tions PhB, en cours de mise en scène avec la com­pag­nie Lr Lanterne Rouge (Mar­seille) et en 2023 une con­ver­sa­tion poé­tique, La part du désert co-écrit avec Cédric laplace (Edi­tions Unic­ités) Par­al­lèle­ment, elle pour­suit des pub­li­ca­tions dans divers­es revues de poésie et par­ticipe à des antholo­gies. Sur l’année 2021/2022, elle a par­ticipé aux antholo­gies : Dire oui et Ren­con­tr­er (Flo­rence Saint Roch), Terre à ciel, Je dis DésirS, Jaume Saïs, Edi­tions PVST, Voix Vives, Pré­face de Maïthé Val­lès-Bled, Édi­tions Bruno Doucey, Mots de paix et d’Espérance, réu­nis et traduits par Mar­i­lyne Bertonci­ni, Edi­tions Oxybia…