Elisabeth Rossé, Oeil dit et autres poèmes

Œil dit

 

Œil dit
La moisson
Excentrique
Et centrée des cils
Battus

L’œil
Les cils battants
La brèche
Du temps
            – Ouvert
Observe comme
Enivré

Œil
Par le sel
             – Ouvert
A la moisson
Aux larmes
Par le sel
            – Ouvert

La pupille est féconde
Savante
Les larmes sont solidaires
De la brèche
Du dire
            – Ouvert
De l’œil

Œil dit
L’ouverture magistrale
Et courbe des cils
Mouillés encore
De mémoire
            – Ouvert
Sans pâturages
Mouillés toujours
Par le sel
Sans raison
Par le sel
Qui rend les champs stériles
            – Ouvert
Aux chants
Excentriques
Et centrés
Sur le déploiement des cils

 

 

Œil dit
Le déploiement des cils
Le déploiement des cils
L’atermoiement du sel
Dans la lourdeur du jour

C’est dans l’air
          – Ouvert
A la moisson
Inexorable
C’est dans l’air
            – Ouvert
Que l’œil dit
Qu’il ne peut rien y faire

 

Au mouillage

Paupière à la renverse
Autre jour
Calfeutré
Sous la peau

La mémoire est en fuite
Et certains chants s’y tiennent
Idiomes mécaniques
Etendus à l’écoute
Murène, ô murène, donne-nous la marée la plus belle !

Le monstre se faufile
La marée
Galante se cambre
Ouvrant le grand tiroir
Où sècheront ses os

 

Affaire à suivre

 

L’œil

Est une jolie affaire

On ne sait plus
Si le regard est sérieux
Une affaire
De surface
Evaluée
Sans partage

L’œil

Est une jolie affaire
Apôtre aveugle du temps
Vieux
Unique roi
Par principe
Clôture du territoire

L’œil

Est une jolie affaire
Lorsque la vue se tait
L’image nous saisit
Et veuve de lumière
Affole l’amnésie

Œil
Enchâssé
A la mémoire qui claque
Equilibrant l’attente
Apôtre vulnérable
Sensible à la poussière

(Silence)

 

Opaques et polis sont les choses les miroirs vus d’ici

 

 

A voir

 

L’œil
Est grand ouvert

Etendue muette
Il faut se taire
Devant l’échange

Silence

Ne jamais le fixer
Œil pour œil
Par crainte des reflets
Et des enjambements

                                                                      Et par manqued’appui sur sa texture saumâtre

Cheminer sur la rive
Suffit pour aujourd’hui
Et contourner les cils
Pour poser les jalons
De chemins de traverse

La naissance
Est
Un autre pays
Sage
Mais bavard
Et surgi d’une branche

L’œil
Prend son envol
Oiseau
Au-dessus de la mare
Avide de répit
Prisonnier des orages

 

 

 

 

 

Spectre

 

La main est un os
Agile
Sceptre parmi les nuits fastes
Décomptées
Des horloges

C’est en silence
Que les jours sont ôtés 
A la moindre phalange
Et que le jeu s’étend 

Ici les doigts
Sans aucune bague précieuse
Se glissent sous l’arcade  
Apitoyée de l’aube

L’ouverture de l’œil
Est un acte
Artisanal

Le premier regard
Est dangereux
Et couvert d’un rideau
Les images s’y croisent
Spectres ravitaillés
Comme des loups au fourneau