Elvire Ybos, Lieux communs

Dans la danse

Tu avais du mal à rentrer dans la danse
tu hésitais
le soleil décline pourtant

tu regardes maintenant les fleurs
elle balancent leurs jolies têtes au soleil du
printemps

tu cherches des réponses

j'ouvre la baie je te vois
pensive celui que tu aimais
dans le jardin
en friche les bordures disparues

la voix de Montserrat résonne
un jogger passe fluorescent

tu avais du mal à rentrer dans la danse
tu cherchais des réponses.

 

A l'ombre d'un rocher

Il a dit je ne sais pas
mais ce que j'ai vu je l'ai vu

toi étais-tu là ou ailleurs
en expansion ou tapi à l'ombre d'un rocher

Tant et tant se battent ton œuvre un carnage
si « ton »oeuvre porte ton nom
ceux qui le disent les plus cruels

seules les marguerites en témoignent
et le vol des martinets noirs qui signe le printemps
peut-être

le vent est tombé presque
à regarder les branches nues
je suis ici et dans cette chambre de mai où
naissance et mort se rejoignent

il a dit quelque chose l'a quittée
cette chose
l'épaisseur d'un souffle cherchant un passage
peut-être

ici et dans cette chambre de mai
quelques feuilles tremblotent sur des branches
obstinées
les nuages vont bon train
le vent est revenu.

 

L'eau du bain

Certaines conversations
les mêmes mots se répètent
l’ennui
s’immisce
couper court
se lever
quitter les lieux communs
se jeter dans
l’eau du bain
de rivière
dériver
sur le fil
portée
sans retenue
flanquée du chien de la mémoire
qui nage à tes côtés.

Le chemin

 Il n’y a pas d’urgence à ne pas
être seule
seule
sur le chemin à défricher
naître aux formes et aux appels
des oiseaux
des chants s’étendent en ondes sonores
seule
est l’aube en toi qui s’éveille
une lumière de petit matin poitrine ouverte sur le souffle
seule
aux mouvements qui guident pas et pensées sur
le chemin à déchiffrer.

 

Sous tentes

Pourtant tu te répares en regardant
le ciel 
trois oiseaux noirs
le traversent
dans le rectangle blanc que dessinela verrière

des arbres leurs branchages nus à la gueule
de l'hiver
des oiseaux accrochés les consolent qui ont raté le train des migrations
vers l'Afrique
d'autres tentent le chemin contraire    dans le rectangle de la mer accrochés
engloutis ou
versés sur la terre

toi de lettre je ne sais pas
rien sous l'établi ni dans les plis
de ton bleu

les survivants se terrent sous
tentes de toile villages épisodiques    déchets de bâches
plastique
repoussés malmenés tabassés
plus rien   ce qui se passe
le labeur assassin   la trahison sous
le polissage des
contempteurs de mots
meurent les mortels

 toi  de mot je ne sais pas

pourtant ta voix est là

parfois

ici des bouches politiques pressées
empressées d'honorer leur valeur ajoutée
en soustrayant la vie
broient le silence.

Présentation de l’auteur

Elvire Ybos

Née en France, elle a vécu son enfance en Normandie. Elle habite actuellement en bord de mer. Après des études littéraires, elle a passé une bonne période de sa vie professionnelle dans les théâtres. Elle s'est longtemps consacrée à l'écriture dramatique.

C'est la poésie qu'elle signe sous Elvire Ybos qui s'impose à elle depuis plusieurs années.

Se glisser dans le réel fait partie d'un cycle d'écriture en relation avec la marche à pied regroupant également Un pas de côté, États de marche et A la trace. Elle termine un nouveau cycle d'écriture en trois temps : Lieux communs, Savoir vivre, La classe, sous le titre générique  Pourtant revenant toujours.

Elle marche, écoute, observe, met en résonance le dedans et le dehors. Avec la poésie,  elle cherche à capter des instants, des fragments de scènes, des sensations qui surgissent en fonction des lieux traversés, habités, partagés avec les vivants et les morts.

Ses poèmes sont publiés dans les revues  A l'Index, Lettres de Lémurie (éd Dodo Vole), Ecrit(s) du Nord, Poésie Première...

Se glisser dans le réel a fait l'objet d'une adaptation pour une lecture-spectacle poésie et magie. (Création mai 23, reprise en mars 2024 dans le cadre du Printemps des poètes), puis durant la saison 24-25.

Elle participe régulièrement à des lectures publiques afin de faire entendre la diversité des voix de l'écriture. Plusieurs de ses textes dramatiques et littérature jeunesse ont été portés à la scène.

Elle répond à des commandes d'écriture pour les musées.

Elle anime également des ateliers d'écriture auprès de publics variés.

Bibliographie 

Ses ouvrages de littérature jeunesse sont publiés sous le nom de Sylvie Robe.

L'arbre à musique ou les aventures de Séraphine L'Ensemble de Normandie/ Chant du Monde

La petite histoire du grand début Fais-moi signe !

L'eau des rêves fait son lit dans ma tête Fais-moi signe !

Dans le ventre de l'ours éditions Fais-moi signe !

Poèmes choisis

Autres lectures