Entreprises mortes

traduction Marilyne Bertoncini

 

ENTREPRISES MORTES

 

inspiré par “La mort est une entreprise solitaire ”, photo-collage de commerces fermés dans le village de Marnay, en  France, par Guedalia Naveh

 

Les entreprises mortes sont bonnes pour les vivants :
Davantage de place pour se déployer dans le vaste
espace, le soleil irremplaçable,
la terre inépuisable! Davantage de liquide
dans les flots de la Seine, des barques percées
toujours disponibles pour une excursion
vers le  fond de la rivière. Quelle chance!
Personne n'utilise la cabine téléphonique
devant la mairie : passez autant
d'appels que vous le désirez. Pas local,
bien sûr, puisqu'il n'y a pas d'entreprises
ni  personne pour répondre à l'appel.
C'est à peine si l'hôtel auquel il manque le “H”
nous rappelle son caractère silencieux. La page
vierge et la vitrine brisée du kiosque
d'informations nous rappelle que  les jours
sont tous des présences fantômes libres
de sortir au pays des exsangues,
des irrésonants, des non-dits. Que de joie
dans les absences autant que des présences, les absences étant
plus vastes, avec plus de place à remplir, nos imaginations
sans entraves sur le sujet et son constant marquage,
soit taguer un Rambouillet français ou planter
un clou de langue dans notre chair ou se faire tatouer
l'immatriculation de ceux destinés
à l'extinction. Oui, les toiles d'araignée
sur la porte du fleuriste qui n'a pas été ouverte
depuis que l'araignée était oeuf requiert notre authentique
fixation. Pas de temps pour les crêpes à la crêperie décrépite.
Pas de temps pour des kir royal à la brasserie paysanne.
Juste le temps d'observer les lanternes de cuivre oxydées
sur les murs de l'auberge ruinée, se corrodant d'abord
en noir, puis lentement devenant vertes, comme si la mort
réinsufflait la vie.

 

*

 

 

DEAD BUSINESSES

 

-inspired by Guedalia Naveh’s “Dead Is a Lonely Business,”
photo collage of closed businesses in the village of Marnay, France  

 

Dead businesses are good for the living!
More room to expand into the ample
air, the unexpendable sunlight,
the unconsumable earth! More currency
in the currents of the Seine, leaky rowboats
always available for an excursion
to the bottom of the river. Ah, fortune!
No one’s using the phone booth
in front of the mairie. Make as many
calls as you desire. Nothing local,
of course, since there are no businesses
and no one willing to answer the call.
The hotel with the missing “H” merely
reminds us of its silent disposition. The blank
page and broken glass on the town’s
kiosk-of-events remind us that all days
are ghostly presences and available
for sorties to the land of the exsanguinous,
the unreverberant, the unverbed. What joy
in absences as well as presences, absences being
larger, with more room to fill, our imaginations
unimpeded by matter and its constant branding,
whether tagging a French Rambouillet or planting
a tongue-stud in our flesh or having tattooed
the identifying numbers of those destined
for extinction. Yes, the cobwebs
on the florist’s door that has not been opened
since the spider was an egg require our echt-
fixation. No time for crepes at the decrepit creperie.
No time for kir royales at the paysan brasserie.
Time only to consider the oxidized brass lanterns
on the wall of the bankrupt auberge, corroding first
to black, then growing slowly green, as if death
breathed back life.

 

*