Répondant sous la forme d’un essai autonome aux questions que deux jeunes gens, Mathieu Hilfiger (l’éditeur) et Natacha Lafond, sont venus lui poser au sujet de sa relation avec les livres, Yves Bonnefoy nous offre une réflexion émouvante et grave où l’on retrouve certains de ses thèmes de prédilection. Le livre y est envisagé à partir de la menace que font peser sur l’esprit affamé de présence la puissance fascinante des images ou l’action morcelante du concept et, d’une certaine manière, sauvé par ce nécessaire travail critique que la poésie opère sur nos représentations et qui constitue en partie son essence. Mais cette réflexion aussi exigeante soit-elle n’est jamais sèche ou purement abstraite. Se mêlent à elle des fragments d’autobiographie où elle s’incarne et se nourrit : tel souvenir de l’enfant attendant impatiemment les livraisons des petits romans de la collection Printemps, tel autre du chercheur heureux, levant la tête entre livres et fenêtres dans la bibliothèque du palais Farnèse ou enfin ce constat amusé de l’écrivain reconnu qui ne sait pas où se trouvent ses propres livres dans sa bibliothèque.
L’essai se construit en trois temps : une première partie consacrée aux rapports entre la matérialité du livre et cette sorte de lutte dont il est le lieu privilégié entre fausse et véritable transcendance, affirmation et contournement de la finitude humaine. Une seconde partie qui a pour objet les ouvrages de philosophie esthétique et d’histoire de l’art, alliés objectifs de la poésie dans son travail critique sur “l’empiègement” par les images. Et enfin un troisième moment où Bonnefoy s’arrête entre autres sur ses collaborations avec des artistes dans la confection de livres d’art — beaux livres enfermés dans leur coffret mais qui semblent s’animer du dialogue vivant des artistes. Il s’y interroge également sur ce livre blanc que tout écrivain porte en lui et qui reste encore à écrire.
Cet essai s’ouvre sur la liste des questions que les deux jeunes gens ont posées au poète et sur lesquelles celui-ci s’appuie pour, en les croisant, construire sa réflexion ; il est en outre précédé d’une belle et éclairante préface de Pierre Dhainaut qui situe admirablement, à partir de sa propre expérience de poète, le propos de Bonnefoy, en rappelant les grands moments de sa recherche. De telle sorte que Bonnefoy n’est jamais seul dans ce qu’il dit et évite ainsi toute dérive solipsiste.
On trouvera une magnifique définition de la poésie, peut-être l’une des plus belles que le poète ait données : Le sentiment de la présence, avoir compris – avoir su – que la réalité, c’est l’intensité dans la figure des choses, voilà qui est véridique, c’est le bien que nous recevons de notre mémoire quand elle se fait poésie. Rien ne correspond mieux à cette définition que l’image dans laquelle s’enveloppe ce mince et élégant cahier : elle est d’Yvonne Alexieff, s’étend sur la première et la quatrième de couverture, représente les branches d’un arbre prenant feu dans ses couleurs et reverdissant à l’intérieur de la couverture. Placée ainsi sur son seuil, elle nous invite à entrer dans le livre pour mieux lever les yeux sur ce qui nous entoure : la présence vivante du monde, ce foyer toujours brûlant où les formes ne cessent de se faire et de se défaire et qui n’est peut-être nulle part aussi visible qu’à travers la fenêtre du livre — plus encore si ce livre est un livre de poèmes.
Doina Ioanid
Doina Ioanid – nom de plume de Doina Ilie
Doina Ioanid est née le 24 décembre 1968 à Bucarest.
Poète, diplômée de la Faculté de Lettres de Bucarest, elle a enseigné la langue et la littérature françaises à l’Université « Transilvania » de Braşov : cours pratiques de communication, de traduction, cours d’anthropologie culturelle et cours d’interprétation littéraire.
Elle a également traduit en roumain plusieurs ouvrages de langue française, parmi lesquels Dix heures et demie du soir en été (Vara, la zece şi jumătate seara – Éditions Cartier, Chişinău, 2006) de Marguerite Duras ; Par une nuit où la lune ne s’est pas levée (Într‑o noapte fără lună – Éditions Polirom, Iași, 2009) de Dai Sijie ; L’immeuble des femmes qui ont renoncé aux hommes (Femeile care au renunţat la bărbaţi –Editura Trei, Bucureşti, 2015) de Karine Lambert.
Doina Ioanid est aujourd’hui rédacteur à Observator cultural, l’hebdomadaire culturel le plus important de la Roumanie, après en avoir été pendant une décennie secrétaire général de rédaction. Elle a publié des éditoriaux et d’autres articles à des sujets culturaux ou articles d’opinion, des interviews et des chroniques littéraires.
Après avoir participé à des volumes collectifs, Doina Ioanid a publié plusieurs recueils de poèmes salués par la critique:
- Duduca de marţipan (La demoiselle de massepain), Éditions Univers, Bucarest, 2000
- E vremea sa porţi cercei (Il est temps que tu portes des boucles d’oreille), Éditions Aula, Braşov, 2001
- Cartea burţilor şi a singurătăţii (Le livre des ventres et de la solitude), Éditions Pontica, Constanţa, 2003
- Poeme de trecere (Poèmes de passage), Éditions Vinea, Bucarest, 2005
- Ritmuri de îmblînzit aricioaica (Rythmes pour apaiser la hérissonne), Éditions Cartea Românească, 2010
- Cusături (Coutures), Éditions Cartea Românească, 2014,
- Cele mai mici proze, Editura Nemira, București, 2017
Dans les poèmes en prose de Doina Ioanid, la texture du quotidien, soumise à un regard intense, se défait et se transforme. De ses notations parfois hyperréalistes surgit un univers dense d’interrogations, qui laisse transparaître le vertige existentiel dans des phrases aux rythmes incantatoires.
Elle a aussi participé aux festivals de poésie et ateliers de traduction :
- Le Festival International de Poésie „Ars Amandi”, Brașov, 2005
- Atelier de traduction, Arcuș, 2006
- Maraton de Poésie, Sibiu, 2007
- Le Festival International de Poésie, Istanbul, 2009
- Le Festival Review of Small Literatures, Zagreb, 2010
- Festival de Bistrita, 2010
- Dunya Festival, Rotterdam, mai, 2011
- Poetry International Festival, Rotterdam juin 2011
- Atelier de traduction coordonné par ICR Stockholm, Suède, 2011
- Poetry Parnassus Festival, Londres, 2012
- Biennale Internationale de Poésie, Liège, 2012
- Le Festival International de Poésie de Sibiu, 2012
- Salon de Paris, 2013
- Felix Poetry Festival, Anvers, 2013
- Festival International de la Poésie, Namur, 2013
- North Wales International Poetry Festival, 2013
- Transpoesie, Bruxelles, 2014
- Lectures sous l’Arbre, Ardèche, Haute-Loire, 2015
- Le Festival International „Primăvara Europeană a poeților“/Le Printemps Européen des Poètes, Chișinău, 2105, 2016, 2017
Ses poèmes ont été traduits en hongrois, français, anglais, néerlandais, turc, slovène, bulgare, croate, suédois, allemand, italien, gallois et polonais.
- Het juffertje van marsepein, volume individuel traduit en néerlandais par Jan H. Mysjkin, Éditions Douane, Rotterdam, 2011
- La demoiselle de massepain, volume bilingue, roumain-français, traduit par Jan H. Mysjkin, Éditions Atelier de l’agneau, 2013
- Rythmes pour apprivoiser la hérissonne, volume individuel traduit par Jan H. Mysjkin, Éditions L’Arbre à paroles, Amay, 2013 [Les deux derniers titres ont paru à l’occasion du Salon du Livre de Paris, 2013]
- Oorbellen, buiken en eenzaamheid, volume individuel traduit en néerlandais par Jan H. Mysjkin, Éditions Perdu, Amsterdam, 2013
- Ritmen om de vrouwtjesengel te temmen, volume individuel traduit en néerlandais par Jan H. Mysjkin, Éditions De Contrabas, Utrecht & Leeuwarden, 2014
- Boucles d’oreilles, ventres et solitude, volume bilingue, roumain-français, traduit par Jan H. Mysjkin, Éditions Cheyne, Le Chambon-sur-Lignon, 2014 [Ce livre a été nominé pour le Prix des Découvreurs, 2016/17]
- Coutures (Cusături), volume traduit par Jan H. Mysjkin, Éditions L’Arbre à paroles, Amay, 2015
- Le Collier de cailloux, volume individuel traduit en français par Jan H. Mysjkin, Éditions Atelier de l’agneau, 2017