Eric Dubois, L’Homme qui entendait des voix

Quand un poète devient romancier, il écrit L’Homme qui entendait des voix. A plusieurs égards, ce récit, autobiographie inclassable est remarquable.

Le sujet abordé témoigne d’un grand courage, d’une grande honnêteté ainsi que d’un altruisme qui a porté Eric Dubois de bout en bout de la rédaction de ces pages. Il y évoque la schizophrénie, ce trouble dont personne n’ose parler. On cache encore la maladie, surtout lorsqu’elle touche nos fonctionnements cognitifs. Mais il n’en est rien ici, avec cette écriture que l’on connaît déjà, l’auteur évoque des années de souffrances, de courage, d’intelligence, et sa victoire, à force d’adaptation, et d’honnêteté face à lui-même.

Un livre de très belle facture. On attend donc une histoire, une restitution du quotidien d’un protagoniste, une fiction, pourquoi pas. L’appareil tutélaire et les dispositifs paratextuels posent un horizon d’attente assez identifiable : un récit de vie, classification générique qui d’ailleurs apparaît sous le titre. Mais le poète va surprendre, et façonner son autobiographie de manière inédite…

Eric Dubois, L'homme qui entendait des voix, Editions Unicité, 53 pages, 13 €.

Il structure son discours grâce à des questions, qu’il se pose à lui-même, et qui lui permettent d’avancer au fil de thématiques qui ne suivent pas une chronologie particulière, mais se déploie de manière paradigmatique… Cette voix, celle de celui qui s’interroge, peut tout à fait être envisagée comme une des voix que l’auteur a entendues… Mise en œuvre qui devient en même temps allégorique du trouble.

Et justement, pouvait-on rendre compte de ceci, la schizophrénie, grâce à un langage dévolu à une restitution du réel, à la mimésis, à la fonction référentielle…? Cela semble difficile à moins de vouloir se contenter d’un récit qui serait bien entendu à même de proposer un descriptif émanant de la volonté de brosser un quotidien, certes souvent difficile, mais donné à connaître dans les détails d’une vie. Or il ne s’agit pas de donner à connaître. C’est tout le contraire. Il s’agit de faire comprendre, de toucher pour émouvoir. Alors, quoi de plus à même de restituer l’amplitude de cette existence, que cette prose que nous pouvons tout à fait qualifier de poétique ? L’écriture d’Eric Dubois révèle les non-dits, parce que poétique, touche au plus profond de nos âmes l’humain, la fraternité, ceci de nous qui est Eric Dubois. Le traitement syntaxique et les choix paradigmatiques permettent ce travail de la langue, lui offrent une réversibilité, une ampleur et une liberté révélatrices de tout ce que l’existence porte d’émotions, d’odeurs, de sentiments, et de ce poids immense d’un temps passé à rester debout, tenter de vivre, d’aménager un quotidien qui dérape souvent, mais laisse apparaître une voie, celle d’écrire.

On connaît l’œuvre poétique d’Eric Dubois, ses recueils, émaillés de perles et de bijoux sémantiques. Voilà une exploration supplémentaire, L’Homme qui entendait des voix, important parce que témoignage d’une âme à laquelle on ouvre l’immensité de la page, qui y effleure l’immanence de l’être, et le don du partage, plus haut que l’anecdotique, pour toucher à l’essence même d’une expérience partagée.

Présentation de l’auteur

Eric Dubois

Eric Dubois est né en 1966 à Paris. Auteur, lecteur-récitant et performeur avec l’association Hélices et le Club-Poésie de Champigny sur Marne. Auteur de plusieurs recueils dont « L’âme du peintre » ( publié en 2004) , « Catastrophe Intime » (2005), « Laboureurs » (2006), « Poussières de plaintes »(2007) , « Robe de jour au bout du pavé »(2008), « Allée de la voûte »(2008), « Les mains de la lune » »(2009), « Ce que dit un naufrage »(2012) aux éditions Encres Vives, « Estuaires »(2006) aux éditions Hélices ( réédité aux éditions Encres Vives en 2009), « C'est encore l'hiver » (2009), « Radiographie », « Mais qui lira le dernier poème ? »  (2011) aux éditions Publie.net, « Mais qui lira le dernier poème ?  »  (2012) aux éditions Publie.papier, "Entre gouffre et lumière " (2010) aux éditions L'Harmattan , « Le canal », « Récurrences » (2004) , « Acrylic blues »(2002) aux éditions Le Manuscrit, entre autres.    

Textes inédits dans les anthologies  Et si le rouge n 'existait pas ( Editions Le Temps des Cerises, 2010) et Nous, la multitude ( Editions Le Temps des Cerises, 2011), Pour Haĩti ( Editions Desnel, 2010) , Poètes pour Haĩti (L'Harmattan, 2011) Les 807, saison 2 ( Publie.net, 2012), Dans le ventre des femmes ( Bsc Publishing, 2012) … Participations à des revues : « Les Cahiers de la Poésie », « Comme en poésie », « Résurrection », « Libelle », «Décharge », « Poésie/première », « Les Cahiers du sens », « Les Cahiers de poésie », « Mouvances.ca », « Des rails », « Courrier International de la Francophilie »... Responsable de la revue de poésie « Le Capital des Mots ».

http://le-capital-des-mots.fr

http://ericdubois.jimdosite.com

http://ericdubois.net

Poésiemag.fr

Crédit Photo : © Frédéric Vignale.

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