Je mange le sable, je bois le vent,
Je sens les poissons qui nagent dans mon sang.
Ma maison est au milieu de la mer,
Elle flotte près de l’horizon.
La tête en bas, je me balance.
Le jour, éparpillé, je suis multiple,
Le soir, dans tes bras, je me retrouve unique,
A l’heure où le ciel et la mer
S’unissent pour le meilleur et pour le pire.
***
Les larmes du diable tombent
Sur la mer, le souffle du nord se lève.
J’ai trop pensé au lieu de rêver,
Dit le vent, j’ai pris le manteau de la tempête
Pour qu’on me reconnaisse dans la rue,
J’ai suivi les courants de la fête
Pour qu’on me voit entièrement nu,
Mais que suis-je devenu,
Un souvenir, une image, un exilé ?
Me suis-je trompé de rêve ?
Mes paupières, aussi légères et soyeuses
Que les pétales d’une rose,
Se sont refermés sur le passé.
***
Un reflet de rêve : lumière que l’on boit le matin
Avant que nos orbites, nids du ciel, voient l’horizon.
Attention ici les mots et la morts
Sont si proches, une barque d’or
Ne porte pas la vie, un arc-en-ciel
Ne fait pas le soleil. Je suis si près des nuages
Que j’y retournerai sans doute,
Je n’ai plus peur, ni des orages ni des fleurs.
***
Peu à peu, le sang pâlit,
La montagne lentement s’écroule sur nous,
Nuages après nuages, pierre par pierre, de rêves en rêves,
La beauté, l’espérance et la bonté rendues ici-bas !
Pourtant le cœur bat :
Les mots et les menteurs,
Les paysages et les frontières,
Le soleil et les cendres.
Au creux de la vague, l’enfance revient :
On ne parlait pas, on échangeait des secrets,
On ne chantait pas, on enchantait le temps :
Des ombres brillantes dansaient,
Des voix silencieuses nous animaient.
Nos cœurs encore verts,
Dont les nobles accents nous grandissaient,
Bondissaient de mots en gestes
Abolissaient les mers et l’horizon.
On ne parlait pas, on échangeait des secrets,
On ne chantait pas, on enchantait le vent.
***
La tempête a déraciné toutes les statues de pierre,
Il ne reste que des socles vides.
Que mettre à la place ?
Des portes de verre, des visages de glace, des rêves en papier ?
Le temps boit le sang
Jusqu’à la dernière goutte.
Les vagues me tendent leurs lèvres d’écume,
Remuent les souvenirs et l’amertume.
Mes pas sont aussi légers
Que ceux d’une ombre,
Le soleil a déposé un écho dans l’eau,
Un rocher a laissé une main dans le sable.
Je m’éloigne des virtuoses de la médiocrité,
Des épileurs de roses et des inventeurs de vérités.