traduction Chantal Bizzini
pour Edouard Glissant
I.
l’esprit erre, ligne de poésie qui prend son vol, serpente
à la façon dont les oiseaux, ailes déployées, s’élèvent dans l’espace : ils savent les ciels pleins de surprises, comme les errançités qui affrontent des voyages aussi inquiets que des solos tranchants de miles davis ou jimi hendrix
écoute la chanson nocturne des vagues marines s’écrasant écumeuses : leurs voix
portent des récits liquides rejaillissant en éclaboussures, là, sur les rivages de rochers ou de sable après avoir voyagé dans le temps, l’espace & la distance, elle ressemble au langage
âpre d’une musique entendue à la pointe d’une lame d’acier aiguisée
qui coupe l’air et chante en séparant nettement la tête du cou
& tu la regardes tomber, lourde comme un rocher qui atterrit & roule
comme une boule de bowling ; la tête laisse une trace de sang serpentine, rappelant nos pensées d’errançités divaguant chaque jour en nos vies
comme des métaphores du mouvement incessant apportent un changement soudain, une surprise dans ta compréhension d’errançités au double sens
pris dans les couches de musique jaillies de souvenirs secrets, en échos résonnant parmi la mer & l’espace bleu : c’est ce que nos oreilles savent
& dont elles se souviennent : entendre des voix parler en langues, porter l’histoire, fleurir des couleurs iridescentes de fleurs aussi diverses qu’arcs-en-ciel
arqués en travers des ciels multilingues comme joie ou chagrin provoqués dans nos vies quand les errançités poétiques savent leur forme propre
2.
qu’est-ce que l’histoire sinon des catalogues sans fin de gens imparfaits poussés hors des limites de la moralité, accomplissant guerres, pillage,
esclavage de l’esprit ; c’est ce que la plupart des nations font, dans la pose de gouvernements, parmi les cycles du monde, piller avec imagination signifie profit
partout on pratique la religion sur la topographie comme on utilise des armes
comme on inscrit des outils en typographie, afin de persuader les esprits d’assassiner pour de l’or, où des civilisations entières deviennent épaves à la dérive sur les mers de la mémoire,
notre trésor hérité d’arbres qu’on abat pendant que les hommes saccagent la planète sans remords
les cerveaux dénués d’empathie, ils ne se rappellent/ne connaissent plus que la cupidité ces avatars nomades de dark vadors au cœur de gésier qui célèbrent
des « doctrines de choc » tout en gonflant les bénéfices de la feuille des gains leur seule foi en l’existence sur terre jusqu’à ce que la mort les fauche
3.
mais la poésie vit toujours quelque part sur les courants aériens qui suscitent le souffle créatif, vit dans la mer sans repos, parlant un métissage de langues musicales,
vit dans le miracle sacré de l’essor des oiseaux vers les rêves & le chant,comme les errançités des esprits créent en nous une accumulation sacrée d’aurores,
font s’élever chaque jour des voix miraculeuses, collaborant sous des ciels noirs et clairs épinglés d’étoiles & l’œil laiteux de la pleine lune au-dessus de la guadeloupe
écoute le mélange de langues irrésistible dans les poumons de la nature à new york les langues de la ville, lancées comme des invitations à partager des chants étonnants
dont la nature est un appel à reconnaître en l’improvisation un chemin surprenant, s’écartant et traversant le son du scolopendre enraciné quelque part ici
étonné quand les humains font exploser des rythmes dans les fourrés de mots/de jeux de mots célébrant l’élan vers l’imagination de l’homme, que cherchent les poètes
écoute les cris des oiseaux en partance, au-dessus de la pulsation
magique des vagues marines qui enroule le langage immense aux sonorités des vents,
nous donnant la sérénade à travers des feuilles pleines de sucreries mûres comme de l’eau fraîche sachant que l’amour pourrait être plus profond que la cupidité & qu’il est lui-même un souvenir
un miracle toujours pourrait nous faire approcher la réconciliation intérieure voix se mêlant, métissées sans cesse des errançités errant parmi
la magie, le mystère de la création nous poussant vers le prodige de savoir
que le possible chez l’homme est toujours un don miraculeux, est toujours une énigme