Etty Hillesum, Ainsi parlait Etty Hillesum

Par |2021-04-21T06:30:59+02:00 21 avril 2021|Catégories : Etty Hillesum|

Dans ce recueil de la col­lec­tion « Ain­si par­lait », chaque frag­ment et extrait des cahiers ou let­tres qu’écrivit Etty Hille­sum au cours de sa brève vie suiv­ent la chronolo­gie de leur écriture.

On y apprend que l’auteure pre­nait plaisir à recopi­er des pas­sages lus chez ses écrivains préférés. Cepen­dant ce qui domine et révèle le tem­péra­ment d’Etty Hille­sum, c’est sa déter­mi­na­tion et son amour à vivre et défendre la vie coûte que coûte. Ce pré­cepte se retrou­ve presque en porte à faux avec son des­tin de sac­ri­fiée lorsqu’elle gagne le camp d’extermination lors même qu’elle avait eu l’opportunité de fuir les nazis. Sa réflex­ion sur le nazisme tra­verse d’ailleurs ses écrits dont la bar­barie finit par engen­dr­er la même atti­tude chez l’adversaire.

Il y a chez cette auteure une recherche et une exi­gence de pléni­tude et de richesse intérieure qui per­me­t­tent de se présen­ter aux autres comme un com­mu­ni­quant posi­tif et généreux. Nous retien­drons par exem­ple cette injonc­tion : « Vivre pleine­ment au-dehors comme au-dedans, ne rien sac­ri­fi­er de la réal­ité extérieure à la vie intérieure, pas plus que l’inverse, voilà une tâche mag­nifique. » Cela sup­pose une grande atten­tion, une ten­sion régulière vers l’autre monde et le sien pro­pre. La générosité est d’ailleurs ce qui por­ta l’auteure à rester au camp de tran­sit de West­er­bork afin de soutenir ses compatriotes. 

Etty Hille­sum, Ain­si par­lait Etty Hille­sum, Dits et maximes de vie choi­sis et traduits du néer­landais par William Eng­lish et Gérard Pfis­ter, Paris : Edi­tions Arfuyen, édi­tion bilingue, 2020, 192 p. 14 €.

Ses maximes de vie révè­lent une réflex­ion char­i­ta­ble. On y décou­vre une femme qui s’émancipe pro­gres­sive­ment de la dom­i­na­tion par l’homme et d’un excès de mise en valeur de l’autre per­son­ne de sexe opposé. Elle con­sid­ère qu’à son époque la femme n’est pas encore « être humain » et que c’est « l’émancipation intérieure » qui la fera devenir. Pour elle et à juste titre, « c’est la vie qui doit être tou­jours la source et l’origine, et non pas une autre per­son­ne. Beau­coup de gens, surtout des femmes, puisent leur force en quelqu’un d’autre au lieu de la pren­dre directe­ment dans la vie. »

Hille­sum ne con­naît pas la futil­ité, le souci de l’apparence ou la légèreté. Elle tend sans cesse vers l’approfondissement et la pro­fondeur. S’adressant aus­si bien à elle-même qu’à son conci­toyen elle ordonne de « vivre, respir­er par l’âme et tra­vailler, étudi­er avec l’esprit ». Les mots « âme » et « esprit » nous ori­en­tent vers ce refus de la futil­ité. Ces mots sont très sérieux et ont du poids, celui que Rilke peut égale­ment leur apporter et duquel Etty Hille­sum est proche. Elle le lit, se pas­sionne pour son œuvre, mais n’en demeure pas moins lucide après une lec­ture intense d’un auteur avec lequel elle vient se con­fon­dre pour mieux s’en détach­er et vol­er de ses pro­pres ailes. « […] Lire Rilke tout entier, lire tout de lui, chaque let­tre, l’intégrer en moi et ensuite m’en dépouiller, l’oublier, puis à nou­veau vivre de ma pro­pre sub­stance. » Sa grande force de vie et de car­ac­tère, de résis­tance et d’endurance, écla­tent dans cer­tains frag­ments tel que celui-ci : « Ne jamais se résign­er, ne jamais fuir, tout assumer, ensuite juste souf­frir, ce n’est pas grave mais jamais, jamais la résig­na­tion. » La force et la rigueur qu’elle attribue peut-être exces­sive­ment à Rilke la définis­sent davan­tage que son auteur fétiche.

Le don de sa per­son­ne côtoie de près l’inclination qu’implique l’amour au sens large du terme. « Une chose est cer­taine : il faut aider à accroître la réserve d’amour sur cette terre. Chaque par­celle de haine qu’on ajoute au trop plein de haine exis­tant rend ce monde encore plus inhos­pi­tal­ier et inhab­it­able. » Toutes les pen­sées de cette femme con­ver­gent vers l’acte ultime de sac­ri­fice de sa pro­pre per­son­ne lorsqu’elle se retrou­ve au camp de tran­sit. Il est y ques­tion d’abandon, de sim­plic­ité de l’Etre, de souf­france à sup­port­er en laque­lle il con­vient de puis­er les forces pos­i­tives. «  L’Occident n’accepte pas la “souf­france” comme inhérente à cette vie. C’est pourquoi il n’est jamais capa­ble de puis­er dans la souf­france des forces positives. »

Hille­sum se pré­pare à l’exil défini­tif, val­orisant une atti­tude à adopter tout comme cer­tains livres à priv­ilégi­er. Au sein même du camp, on entend un chant de vie dans une expres­sion sim­ple, pré­cise et mesurée. Dans les morts c’est la vie qui par­le, et dans les vivants la mort demeure en permanence.

Il faut faire taire le chaos en le domp­tant, être à l’écoute de toutes les mou­vances en soi afin de mieux appréhen­der l’autre et faire fi de tout enne­mi poten­tiel lorsque le temps est tout occupé par le tra­vail personnel.

Présentation de l’auteur

Etty Hillesum

Esther « Etty » Hille­sum, née le 15 jan­vi­er 1914 à Mid­del­bourg, aux Pays-Bas et morte le 30 novem­bre 1943 au camp de con­cen­tra­tion d’Auschwitz, est une jeune femme  mys­tique con­nue car elle a con­nue pour avoir tenu son jour­nal intime (1941–1942) et écrit des let­tres (1942–1943) depuis le camp de tran­sit de West­er­bork pen­dant la Sec­onde Guerre mondiale.

Bib­li­ogra­phie (sup­primer si inutile)

Poèmes choi­sis

Autres lec­tures

Etty Hillesum et Rainer Maria Rilke

Jeune juive hol­landaise, Etty Hille­sum est morte en dépor­ta­tion à Auschwitz le 30 novem­bre 1943 à l’âge de 29 ans. Elle est l’auteure de car­nets et de let­tres dont un flo­rilège est réuni […]

Etty Hillesum, Ainsi parlait Etty Hillesum

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Pour une étude de la poésie d’Etty Hillesum

Cette étude est pub­liée dans le dernier chapitre d’Et­ty Hille­sum, un chant de vie par-delà les bar­belés, paru aux édi­tions L’En­fance des arbres.   « La beauté séduit la chair pour obtenir  la permission […]

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Nelly Carnet

Née en 1970, elle rend compte des livres, et plus par­ti­c­ulière­ment des textes poé­tiques, depuis 1996 dans divers­es revues. Chaque année, depuis 2017, elle organ­ise pour une asso­ci­a­tion d’art des expo­si­tions dans la baie du Mont Saint Michel. Des con­certs poé­tiques ont été tenus afin de représen­ter la musique et la lit­téra­ture. Les œuvres exposées sont accom­pa­g­nées d’un texte poé­tique en col­lab­o­ra­tion avec des édi­teurs et des écrivains.

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